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Accueil du site > Actualités > Société > L’application « anticipée » de la loi sur la garde à vue expliquée (...)

L’application « anticipée » de la loi sur la garde à vue expliquée aux jeunes (et aux moins jeunes aussi)

La décision prise par le gouvernement d’anticiper la présence des avocats lors des gardes à vue a suscité de nombreux commentaires. Voici l’occasion de refaire le point sur cette mesure avec un regard un peu plus léger.

Bonjour.

Vous avez peut être entendu parler que la Cour de Cassation avait rendu le 15 avril 2011 quatre arrêts  qui ont créé l’émoi dans le Landerneau judiciaire (arrêts n° 589, 590, 591 et 592) concernant la présence des avocats pendant la garde à vue. Dans ces…

« C’est quoi cette histoire de garde à vue et d’avocat ? J’y comprend rien, moi »

Merci de ne pas m’interrompre, j’y arrive.

Dans ces décisions, la Cour de Cassation à invalidé 4 procédures de garde à vue au motif que les personnes gardées à vue n’avaient pas pu bénéficier de l’assistance d’un avocat pendant leur audition.

Or, peut être êtes-vous au courant, mais la loi qui autorise les avocats à participer aux gardes à vue n’entre en vigueur que le 1er juin 2011.

Jusqu’à présent, la présence de l’avocat lors de la garde à vue se limitait à une visite éclair de 30 minutes montre en main maximum, sans possibilité de consulter le dossier. Autrement dit, la visite était purement symbolique.

« Mais c’est le parlement qui fixe la date d’application d’un texte, pas la cour de cassation ! Qu’est-ce qu’on fait de la séparation des pouvoirs ? »

Bonne remarque, jeune homme, mais vous n’avez pas du lire les quatre décisions.

En effet, à aucun moment, dans ses décisions, la Cour n’évoque la loi sur la garde à vue et ne demande son application anticipée.

Elle se place en fait uniquement sur le plan du contrôle de la conventionalité de l’article 63-4 du code de procédure pénale, qui encadre la garde à vue.

La Cour de cassation est donc bien dans son rôle et a respecté la séparation des pouvoirs.

« Mais c’est quoi le contrôle de conventionalité Monsieur ? »

Ca fait plaisir de voir qu’il y en a un au moins qui suit…

Et bien, le contrôle de la conventionalité est le contrôle par les tribunaux de la conformité des lois française avec les traités et les accords internationaux.

« Mais pourquoi une loi française devrait respecter des accords internationaux qui sont même pas français, si ca se trouve ? »

Mais parce c’est prévu par l’article 55 de la constitution du 4 octobre 1958, mon petit. Et puis c’est un principe aujourd’hui reconnu dans la plupart des pays.

Enfin, il faut quand même que l’accord international ait été régulièrement ratifié par la France, sinon se serait un peu le souk.

« Alors, pourquoi c’est pas le Conseil constitutionnel qui s’occupe de vérifier la conventionalité ? Y sont payés à faire quoi les Sages ? »

D’abord, contrairement à ce que vous laissez entendre, les membres du Conseil constitutionnel ne sont pas payés à rien faire, surtout depuis la mise en place de la question préalable de constitutionalité. Mais je m’éloigne du sujet, pardonnez moi.

En fait, ils n’ont pas voulu s’en occuper.

Dans une décision rendue le 15 janvier 1975 (vous n’étiez peut être pas encore nés…), le Conseil constitutionnel a décidé qu’il ne lui appartenait pas d’effectuer ce contrôle. Il a précisé ultérieurement que ce pouvoir appartenait aux juridictions ordinaires sous le contrôle de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat (décisions du 3 septembre 1986 et du 29 décembre 1989).

C’est ce qui explique l’intervention, le 15 avril dernier, de la Cour de cassation.

« En quoi il était pas conventionnel, l’article 63-4 du code machin chose ? »

C’est pas le code machin chose mais le code de procédure pénale.

Revenons à nos moutons : la cour de cassation a considéré que l’article 63-4 du code de procédure pénal ne respectait pas les dispositions de l’article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

« Monsieur, Monsieur, c’est quoi cette convention ? »

La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales est une convention qui a été créée sous l’égide du Conseil de l’Europe et qui a pour but de défendre les droits fondamentaux des personnes. Elle a été signée et ratifiée par la France.

L’article 6 de la convention consacre le droit de toute personne à avoir un procès équitable.

« Mais la garde à vue c’est pas un procès. Le procès, c’est après. Quels rapports ? »

Bien vu ! Je vois que le sujet vous intéresse.

Sachez que c’est la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui a jugé que, le droit à un procès équitable impliquait, en règle générale, que la personne placée en garde à vue puisse bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début de la garde à vue et pendant ses interrogatoires (arrêts Salduz contre la Turquie et Dayanan contre la Turquie, rendus les 27 novembre 2008 et 13 octobre 2009).

« D’accord, mais alors pourquoi la Cour de cassation elle a demandé l’application immédiate de la loi sur la garde à vue ? »

Je vous l’ai déjà expliqué, mais vous n’avez pas dû suivre : la Cour de cassation n’a pas demandé l’application anticipé de la loi sur la garde à vue. Elle n’en a d’ailleurs pas le pouvoir.

La haute cour a seulement considéré que l’article 64-3 du code de procédure pénale ne respectait pas l’article 6 de la convention.

Les procédures de garde à vue qui avait été menée en respectant les dispositions de cet article étaient donc irrégulières.

Les personnes gardées à vues devaient, en conséquence, être remises en liberté.

C’est le gouvernement français, qui, dans l’urgence, pour éviter que les procédures de garde à vue à venir soit annulées, a décidé d’autoriser immédiatement la présence de l’avocat dès le début de la garde à vue et pendant les auditions.

« C’était pas possible pour la Cour de cassation de laisser un peu de temps au gouvernement en attendant par exemple le 1er juin ? »

Non, car la Cour de cassation ne l’a pas voulu ainsi.

Elle a rappelé que les Etats adhérents à la Convention de sauvegarde des droits de l’homme, dont la France, doivent respecter les décisions de la CEDH, sans attendre d’être attaqués devant elle ni d’avoir modifié leur législation.

Elle a donc décidé que les décisions de la CEDH sur la présence de l’avocat lors de la garde à vue devaient avoir une application immédiate.

« On aurait pas pu un peu prévoir tout ce qui nous arrive maintenant ? »

Sous-entendriez-vous que le législateur n’a pas été très prévoyant ? Non vous exagérez sûrement.

Je pense que, trop préoccupé par sa tache il est vrai immense, le législateur n’a pas eu le temps de lire les décisions de la CEDH. Ni celles d’ailleurs de la Cour de cassation dont plusieurs ont pourtant été rendues dans le même sens.

 Simple étourderie…

Pour en savoir plus, rendez-vous sur http://www.droitissimo.com


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3 réactions à cet article    


  • frugeky 25 mai 2011 12:11

    Simple impéritie


    • Flag Flag 25 mai 2011 15:10

      Comment peut-on parler d’impéritie d’un gouvernement qui a toujours un réforme d’avance ?

      Songez par exemple que près de 2 mois après l’adoption de la loi sur le Défenseur des droits, qui est définitivement entrée en vigureur le 1er mai, celui-ci n’a toujours pas été désigné au qu’aucun nom n’a même été proposé.

      C’est pas de l’anticipation ça ?

      Qui a dit « gouverner c’est prévoir ? »


      • easy easy 25 mai 2011 15:20

        Notre Cour de Cassation ayant examiné ce sujet récemment, a donc dit que la France n’était pas actuellement en conformité avec la directive du CDEH.

        Et notre Etat a donc décidé de passer au plus vite à cette normalisation.

        Mais notre CC ne dit pas depuis quand nous ne sommes pas en conformité.

        Et la CDEH non plus ne dit pas depuis quand il aurait fallu que...





        D’autre part.
        Il arrive que des lois soient modifiées ou inventées avec une justification en liminaire. Par exemple, on pourrait dire « Bon, étant donné qu’il y a maintenant plus de bagnoles que de chevaux, nous posons la loi suivante... »
        Mais il arrive trop souvent que des lois soient parachutées sans liminaire de justification liée à un historique.
        Or, la Justice étant lente, son action portant sur des faits anciens, ses sentances portant également sur de longues durées, elle devrait toujours argumenter sur un historique.

        Je méconnais ce qui s’était dit au sein de la CDEH pour qu’elle en vienne à cette recommandation mais si elle a pondu cette obligation sans la raccorder au passé, elle aura fait l’impasse sur la légalité des décisions de justice antérieures.




        Il est évident qu’une CDEH ne peut pas remettre en cause une décision de justice qu’aurait rendue Saint Louis. Mais elle devrait au minimum dire la problématique posée par les décisions survenues juste avant, dire aussi l’incongruité des virages de la Justice et dire surtout le défaut de corrélation entre ses virages (allant dans une meilleure direction) et la ligne droite de plus en plus dure, jamais remise en cause, concernant le traitement des condamné.

        Il y a un Etat des EU où tout délinquant sexuel (et on peut l’être à 18 ans pour avoir câliné sa douce de 16 ans) est non seulement fiché à vie mais interdit de s’approcher de tout un tas de structures au point de n’avoir plus d’autre choix que de vivre sous un certain long pont. C’est du délire sécuritaire or aucun délire sécuritaire n’empêchera une première fois gravissime. 
        (On focalise beaucoup sur les récidives qui ont un côté épuisant et démoralisant, certes, mais en volume, ce sont les premières fois qui sont largment les plus nombreuses et conséquentes)


        Depuis Hammurabi, Justice a opéré mille virages, parfois en faveur des prévenus. Mais concernant les condamnés, aucun virage concret ou intellectuel n’a eu lieu, pas même depuis l’invention de la psychanalyse.
        Un condamné reste considéré comme une ordure. Il est donc invité à se comporter comme telle.

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