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L’éducation : ce n’est pas le problème d’un ministère mais de la société tout entière

Comment faut-il réformer l’Education nationale, voilà un sujet dont on va reparler tout au long du printemps avec sa multitude de questions subsidiaires : les profs sont-ils compétents ? Les élèves ont-ils un bon niveau ? L’Education nationale coûte-t-elle trop cher ? Etc.

Il est évident que certaines questions de pédagogie et de choix de programmes sont affaires de spécialistes, mais quand prendra-t-on sérieusement en compte le fait que les enfants et les jeunes qui entrent dans l’établissement scolaire ne laissent pas à la porte leurs problèmes et leurs soucis ? Concrètement, cela signifie que l’établissement scolaire ne peut pas à lui seul résoudre tous les problèmes.

Bien sûr, on peut améliorer le système scolaire et d’ailleurs les méthodes pédagogiques performantes existent et cela depuis longtemps. Le problème, c’est qu’on se pose beaucoup de questions sur les programmes, mais pas assez sur la pédagogie (à part la querelle sur les méthodes de lecture à l’école primaire). Et puis, les méthodes pédagogiques performantes nécessitent davantage de professeurs, de locaux, de matériel, ce qui fait donc qu’elles ne sont pas à la mode... Pourtant, il serait temps de comprendre et d’accepter qu’on ne puisse plus enseigner comme en 1950 en faisant des cours magistraux à 40 élèves ! Et pourquoi ce qui a été fait ne pourrait plus l’être ? demanderont certains nostalgiques du passé. Mais parce que les élèves ne sont plus les mêmes et, s’ils ont changé, c’est parce que notre société a évolué et ce beaucoup plus entre 1950 et 2000 qu’entre 1900 et 1950.

J’en reviens donc à mon idée de départ : les jeunes scolarisés sont les fruits d’une certaine société et les perturbations qu’ils apportent dans le milieu scolaire, la violence parfois, le mal-être souvent, trouvent dans bien des cas leur origine dans la société. Le problème de l’éducation n’est donc pas exclusivement celui des enseignants. Il est bien sûr celui d’abord des parents, mais aussi celui de la société tout entière.

En novembre 2007, est paru un intéressant rapport de Dominique Versini, défenseur des enfants (autorité indépendante chargée de veiller au respect des droits des enfants). Ce texte s’intitule "Adolescents en souffrance : plaidoyer pour une véritable prise en charge". Ce rapport est très bien écrit, lisible par tous, chiffré et explicatif mais sans être ni froid ni déshumanisé. On y retrouve décrits les symptômes du malaise : tentatives de suicide (40 000 par an), polyaddiction : alcool, tabac, cannabis, médicaments psychotropes, troubles du sommeil, cyberdépendance, intérêt pour la pornographie, troubles du comportement alimentaire, montée de la violence, décrochage scolaire. L’auteur explique aussi les causes des problèmes des adolescents dans un chapitre intitulé :

"Une société chamboulée, facteur de vulnérabilité : précarité, exclusion, crise du lien social, métamorphoses de la famille, scolarisation massive et inadéquation du système scolaire à certains adolescents"

Un exemple concret de la nécessaire implication de la société : dans son plan "santé" concernant la jeunesse et les problèmes alimentaires, Roselyne Bachelot a eu "l’audace" de demander à ce que les sucreries ne soient plus présentées près des caisses et Leclerc a d’ailleurs promis de les retirer d’ici juin. Les discours, depuis des années, des diététiciens et des éducateurs envers les parents et les enfants, c’était bien, mais il manquait une réelle implication de l’ensemble de la société : et, là, Roselyne Bachelot a demandé à la société (magasins, publicitaires) de travailler dans le même sens que les professionnels de l’éducation et de la santé. C’est une attitude nouvelle.

De même, pour tout ce qui touche à l’éducation des jeunes, il faudrait que tous les acteurs de la société se sentent concernés : quel discours tient-on sur les ondes ? Quels programmes TV propose-t-on ? Quels sites internet crée-t-on ? Quels projets de vie enthousiasmants montre-on ? Bref, quelle société présente-t-on à nos jeunes ?

Avons-nous réalisé à quel point la situation des jeunes d’aujourd’hui est différente de celle que nous avons connue ?

Pour les moins jeunes parmi nous, quand nous étions adolescents, nous avions autour de nous une société qui semblait aller de l’avant : nos parents travaillaient encore beaucoup, mais la durée de travail diminuait régulièrement et les congés s’allongeaient, on commençait à parler de civilisation de loisirs ; nos parents avaient déjà un logement bien plus confortable que celui de nos grands-parents et nous savions que nous aurions accès à encore plus de bien-être matériel ; on ne parlait pas de chômage et la compétition pour avoir les places intéressantes n’était pas excessivement rude ; nous ne savions même pas que les ressources de la planète s’amenuisaient, que la pollution la gagnait dangereusement et on ne parlait pas encore de réchauffement climatique.

Aujourd’hui, si nous avons plus de 40 ans, nous avons probablement réussi, tant bien que mal, à nous faire une petite place dans la société, mais nos jeunes sont dans une tout autre situation. Bien sûr, ils ne se plaignent pas trop et verbalisent peu leurs inquiétudes car, à cet âge, on a de la fierté. Et encore je ne parle là que des jeunes "ordinaires", pas de ceux dont les parents sont au chômage, mal intégrés ou qui vivent dans des banlieues sordides, je parle de ces jeunes apparemment sans histoires et dont on dira quand ils auront fait des bêtises : "On ne comprend pas !"

Alors, l’Education nationale a des difficultés à faire grandir harmonieusement nos jeunes ? Peut-être. Mais n’est-ce pas aussi et surtout notre société tout entière qui a du mal à intégrer sa jeune génération dans un beau projet d’avenir collectif, juste et sain, respirant la liberté, l’égalité et la fraternité ?


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