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L’Education nationale et la précocité intellectuelle

La loi d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école du 23 avril 2005, article 27, est-elle appliquée dans tous les départements ?

C’est la question que le ministère a posée aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’Education nationale dans une note rappelant la nécessité de tenir compte du phénomène de précocité intellectuelle, et, si cela n’a pas encore été fait, conseillant vivement de mettre en place des zones tests pour organiser un accueil adapté.

Cette particularité qui touche 4% d’une classe d’âge, c’est-à-dire en moyenne un enfant par division, est de mieux en mieux comprise par les psychologues et les neurobiologistes.

Les éditions Bréal viennent de publier dans la collection Amphi Psychologie un ouvrage collectif destiné aux premier et second cycles universitaires. Intitulé Enfants exceptionnels, précocité intellectuelle, haut potentiel et talent, il est rédigé par les chercheurs et professeurs de l’Université Paris 5 Descartes et Rennes 1 sous la coordination de Todd Lubart.

Cet ouvrage s’appuie sur les travaux de la recherche en psychologie et pédopsychiatrie, sur le rapport rédigé par l’inspecteur d’académie J.-P. Delaubier qui a dirigé une commission d’enquête au sein de l’Education nationale, et sur le rapport des inspecteurs généraux C. Dugruelle et P. Le Guillou qui ont enquêté dans les établissements qui travaillent avec les enfants intellectuellement précoces (EIP).

Jeanne Siaud-Facchin a largement contribué à la médiatisation de cette question grâce à son livre L’Enfant surdoué (Odile Jacob, 2002). Elle a ouvert un centre à Marseille (Cogito’Z) où sont mises en pratique ses observations de psychologue pour lutter contre l’échec scolaire, la démotivation, la dépression d’enfants qui semblaient pourtant capables de réussir leur scolarité.

C’est la préoccupation du ministère. Comment éviter ce gâchis intellectuel causé par l’ignorance de la majeure partie du corps enseignant et de son encadrement sur ce problème alors que les sciences de la cognition progressent sans prise directe sur la pratique enseignante ?

Un petit manuel destiné aux personnels de l’éducation mais aussi aux parents a été réédité par le Centre régional de documentation pédagogique de Haute-Normandie (Scéren-CRDP 76130 Mont Saint Aignan). Intitulé Le Paradoxe de la précocité intellectuelle, il explique la méfiance d’une partie du monde enseignant envers une notion qui, mal comprise, pourrait paraître contradictoire avec le principe fondamental de l’égalité des chances.

Il expose également les découvertes relatives au fonctionnement du cerveau depuis une vingtaine d’années (L’Homme neuronal de J.-P. Changeux). Les observations physiologiques du professeur J.-C. Grubar sur le sommeil paradoxal avaient déjà permis de noter une particularité spécifique des EIP chez qui cette phase du sommeil est plus longue. Un lien direct du sommeil paradoxal avec la mémorisation semble désormais admis.

J.-P. Tassin, directeur de recherche à l’Inserm, quant à lui, a mis en évidence le lien entre fonctionnement neurocognitif et neurobiochimie.

Le paradoxe de la précocité intellectuelle réunit les observations des neurosciences et les confronte, ou les accorde, avec les récentes avancées des sciences de la cognition. Ce petit manuel rappelle les contraintes administratives et réglementaires et propose aux familles désemparées d’établir un dialogue constructif avec les enseignants. Il donne enfin à ces derniers des pistes pour construire une pédagogie basée sur le principe de la fermeté bienveillante.

On observe du côté des associations de parents (AFEP, ANPEIP, AE-HPI etc.) une activité intense. Colloques, conférences, formation continue (essentiellement avec l’enseignement privé), publications, sensibilisation des élus témoignent d’un effort permanent pour faire passer le message : travailler sur la précocité n’est pas travailler sur l’élitisme mais au contraire prévenir l’échec dans l’intérêt général de la communauté scolaire.

L’objectif partagé par le ministère, les associations et les enseignants convaincus est d’éviter que ces petits précoces méconnus (et le rôle de l’école est encore plus important dans les milieux défavorisés où les EIP risquent de le demeurer) ne souffrent en classe et ne finissent par décrocher, s’abandonner ou se révolter, causant ainsi un gaspillage de matière grise.

On peut aussi visiter : http://www.surdoues.canalblog.com


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11 réactions à cet article    


  • gem gem 21 février 2007 13:13

    Faut en parler, c’est vrai.

    Avant les années 60-70, on faisait officellement « sauter une classe » à plus d’1 enfant sur 10 (et on pourrait rajouter les enfants bénéficiant d’un enseignement en classe à niveau multiple, en zone rurale, tel que Marcel Pagnol se décrit lui-même). En cours de route et souvent avec le crise pubertaire, une bonne partie redoublaient comme d’autres enfants, mais une large fraction de ces enfants se retrouvaient, en fin de scolarité, dans des classes (les bonnes !) où ils représentaient parfois 1/4 de l’effectif. Tout cela (passages rapides corrigés en partie par des redoublements) ne dérangeait personne, le phénomène était normal et ces enfants avaient une place reconnue par tous (profs et autres enfants). Les enfants d’un même âge étaient en majorité à un niveau, mais une bonne fraction était dans la division supérieure ou la division inférieure. le système était souple, à l’apréciation locale. On n’avaient pas besoin d’en parler.

    Meirieu et les égalitaristes, et les psychologisant soucieux du « bien-être de l’enfant » (en fait, surtout soucieux de laisser une déviance par rapport à une certiane , sont passés par là. Maintenant, c’est la croix et la bannière pour faire sauter une classe à des enfant qui seraient à leur place deux classe plus haut... La proportion d’enfants en avance a chuté à presque rien (3% ?). Parallèlement, on a également mis le redoublement « hors-la-loi ». Le système est coincé de partout.

    On peut mettre ça en parallèle avec la fameuse « panne de l’ascensseur social » : chaque doit rester dans sa classe d’origine, déterminée de façon arbitraire, et ne peut en bouger que suite à un combat contre une étouffante bureaucratie normalisante...

    Et tout le monde souffre... Alors il faut en causer.


    • (---.---.208.137) 21 février 2007 13:51

      Oui, c’est vrai, il y a là un vrai problème. Pour ces enfants, il faut des classes correspondant à leur niveau, sinon ils perdent leur temps. Mais en ces temps de nivellement par le bas, on est plus préocuppé des cancres que des élèves précoces.


      • Yann Riché (---.---.151.191) 21 février 2007 14:03

        Pour ma part je dois reconnaitre que l’Education Nationale fait du bon travail en ce qui concerne mon fils qui est « précoce » ou « surdoué ». Sauter une classe, c’est fait. La question se pose pour une deuxième classe. Mais voilà c’est un enfant de bientot 9 ans avec une estimation intellectuelle de plus de 14 ans. Pourtant il aime être avec ses copains et même s’il est « différent » (il a lu Harry Potter à 7,5 ans et quand il prend un livre à la biblio il le dévore) il a donc une culture G importante, de l’humour et une grande sensibilité. Pour autant il me semble que le problème n’est pas de le mettre dans une classe adaptée mais plutot de lui faire suivre un cursus adapté au sein même de sa classe d’age avec des évolutions de classe si nécessaire selon la maturité de chaque enfant.


        • Aeglin (---.---.32.236) 21 février 2007 15:21

          J’ai moi meme saute une classe en primaire (le CE2 pour etre precis) et je dois dire que je m’en suis tjs felicite. Pas en disant que j’etais le meilleur, mais tout simplement que c’etait la solution la mieux adaptee a mon cas et que j’aurai perdu mon temps dans une classe en dessous, et ennuye et demotive.

          Mais c’est vrai que le systeme actuel est trop fige. Quand j’etais au college ou au lycee, je voyais des eleves qui n’avaient manifestement pas le niveau passe dans la classe au dessus a la faveur d’un appel de leurs parents et la degringolade continuait, et continuait encore et encore jusqu’au moment ou les parents doivent se resoudre a les laisser redoubler, mais c’etait deja trop tard.

          On arrive donc a un systeme ou les bons ne travaillent pas car ils n’en ont pas besoin, ou les mauvais ne travaillent pas car de toute facon, ils pensent qu’ils n’y arriveront jamais, et au milieu les normaux qui ne peuvent, et ne veulent, pas travailler voyant les autres ne rien faire non plus.


          • daniel (---.---.216.30) 24 février 2007 10:59

            une coquille sur l’adresse du blog. Il faut lire : www.surdoues.canalblog.com et non pas sirdoues.


          • faxtronic (---.---.127.45) 21 février 2007 18:44

            Moi pareil, en plus mes potes etait dans la classe superieur. Mais c’etait des classes a niveau multiples (en campagne en 85) et qui voyait que je repondais tout aussi bien aux questions des niveaux superieurs. Cela s’est fait rapidement, la maitresse convoquant ma mere, et du jour au lendemain, hop un classe de plus. J’aurais pu aussi bien sauter 2 classes sur cetain aspects, mais le QI ce n’est pas tout, l’evolution psychologique et emotive compte aussi. Et j’ai eu des petits problemes relationnels etant jeunes, car mis au ban, que je continue a payer, 25ans plus tard.


            • Nimbus (---.---.70.69) 21 février 2007 19:44

              Il y a tout de même un élément important que l’article ne signale pas et qui se retrouve du même coup porté à confusion dans les commentaires. C’est que « surdouance » ne veut pas dire « premier de la classe », autrement dit, ce n’est pas parce qu’un élève se débrouille bien à l’école, voire qu’il saute une classe qu’il est surdoué, il y a sans doute là aussi confusion entre surdouance et précocité j’imagine. Ainsi, des élèves à l’origine dits surdoués peuvent se retrouver à la traîne, et c’est beaucoup plus le cas que l’on pourrait le croire.... Sans doute à cause d’un système d’enseignement qui nuit plus à l’élève qu’il ne lui apporte...


              • daniel (---.---.204.213) 22 février 2007 07:43

                Le vocabualaire est déterminant dans ce domaine. La « douance » est un terme canadien francophone. Les anglophones parlent de « gifted ». En France la culture égalitariste a condamné les « surdoués » à se faire oublier. Puisqu’ils étaient prétendument déjà plus doués que les autres, ils n’allaient tout de même pas, en plus, réclamer des égards. De plus les intellectuels de gauche avaient, dans les années 50, verrouillé le sujet. Lucien Sève écrivait en 1964 :« Et quand bien même la physiologie du cerveau nous révèlerait-elle un jour l’existence de différences intimes de structure et de fonctionnement entre les cerveaux humains, cela ne changerait rien à la question car, de toute façon, l’activité intellectuelle n’est pas déterminée directement par les domaines biologiques. » La recherche scientifique se l’est tenu pour dit pendant 20 à 30 ans. Après ce long silence, c’est l’explosion des conclusions des neurosciences qui contredisent Lucien Sève. Il reste néanmoins que le mot « surdoué » porte encore préjudice aux enfants dans notre système éducatif. Les enseignants qui travaillent depuis près de 15 ans avec les associations (AFEP, ANPEIP, etc..) préfèrent utiliser le mot précoce moins dangereux stratégiquement mais inexact dans la déscription du phénomène (à 20 ans une avance de deux ans n’a plus beaucoup de sens). Il s’agît pourtant des mêmes enfants. Le titre du dernier livre paru (éd.Bréal) sur la question cite également le Haut Potentiel et le Talent qui ont leurs partisans. L’Education nationale s’en tient, pour l’instant, officiellement au mot « précoce ». C’est parmi ces petits précoces qu’on en trouvera 50% qui sauront tirer parti de leurs aptitudes et réussiront plus ou moins brillament leurs études quels que soient les enseignants qu’ils auront rencontrés. 50% souffriront d’être incompris et , au mieux perdront leur temps, au pire sombreront dans la dépression ou la révolte violente.


              • rantanplan (---.---.146.34) 22 février 2007 01:25

                Je suggère qu’on emploie uniquement des polytechniciens dans les écoles primaires !


                • daniel (---.---.204.213) 22 février 2007 07:16

                  L’ironie de ce commentaire indique qu’il ne suffit pas de s’exprimer en français pour être compris. Quelques remarques à tout hasard en souhaitant qu’elles ne conduisent pas à de nouveaux contresens : Les polytechniciens ne sont pas nécessairement d’anciens précoces. Les précoces ne deviendront pas nécessairement polytechniciens. Les enfants ( précoces ou pas) ont surtout besoin d’avoir des enseignants qui les comprennent. Il reste beaucoup à faire.


                • Sophie (---.---.240.46) 4 mars 2007 15:13

                  Depuis 2005, ceux que l’Education Nationale désigne par « E.I.P. » sont reconnus par la loi, qui affirme que des aménagements sont prévus pour leur scolarité.

                  Il y a fort longtemps (avant 1970), ils n’étaient pas étiquetés, la loi ne les mentionnait pas, on ne les regroupait pas dans des clases particulières (même si, dans certaines classes, ils pouvaient constituer un pourcentage un peu plus important que leur proportion statistique) mais l’institution scolaire les alimentait à peu près à hauteur de leur appétit intellectuel, sans que personne y trouve quoi que ce soit à redire.

                  Aujourd’hui, en dépit de leur reconnaissance par les textes réglementaires, il se trouve encore des pédagogues de renom pour affirmer qu’il ne s’agit que de fantasmes de parents.

                  Et rien, dans les faits, n’est mis en place. D’ailleurs, leur existence, qui était rappelée dans les circulaires de rentrée de 2002 (ou 2003) à 2005, ne fait plus l’objet d’aucune mention.

                  Et les enseignants qui en ont dans leur classe sont bien démunis pour savoir « quoi faire, au quotidien, dans une classe de 30 élèves ».

                  Les associations qui ont essayé de faire avancer les choses « depuis 15 ans » semblent s’être contentées d’avoir obtenu l’inscription dans la loi, et pourvoient abondamment des établissements privés qui ont souvent plus trouvé un bon filon marketing qu’une pédagogie réellement adaptée.

                  Et l’Education Nationale continue à les ignorer. Après tout, la dénomination « précoce » est révélatrice : avec quoi va cet adjectif dans les expressions courantes (fruit ou légume précoce ? sénilité précoce ?) ? S’ils sont « en avance », il n’y a qu’à attendre, les autres finiront bien par les rattraper !

                  Le hic, c’est qu’il ne s’agit pas d’avance, mais d’une autre façon de fonctionner intellectuellement, qui ne se modifie pas au fil des ans. Alors, que peut vouloir dire « précoce » quand on a 40, 50, 60 ans ?

                  L’appellation de nos voisins belges « haut potentiel intellectuel » est plus intéressante : car, comme pour une boutique, ce n’est pas parce qu’il y a un « potentiel » que vous allez avoir des résultats : il faut aussi actualiser ce potentiel.

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