L’adoption : Faire le bonheur d’un enfant, le bonheur de parents ? Réussir le désir des deux. Offrir à un enfant des parents, donner à des parents l’amour d’un enfant. Un rêve parfait pour tous qui se concrétise en une réalité merveilleuse. Quoi de plus naturel d’aider la nature d’un côté et de combler un vide de l’autre.
Bien sûr, de telles bonnes intentions pour l’équilibre de chacun par la construction d’un foyer heureux où seul règnerait le socle d’un couple basé sur un amour partagé, regardant dans la même direction et désirant offrir une vie harmonieuse, chaleureuse à un petit enfant qui viendrait prolonger leur union, lui donnant à son tour une famille unie, anéantissant du même coup les barrières du sort, comment ne pas y adhérer.
L’image d’un idéal que tentent de plus en plus de réaliser des parents qui n’ont pas la possibilité de donner la vie en accueillant un petit orphelin est tout en leur honneur mais il vrai n’est pas chose facile loin s’en faut.
En termes d’identité ce n’est pas non plus le rêve. Il faut savoir qu’il existe deux possibilités d’adopter un enfant, cela dit dès son plus jeune âge. Bien souvent lorsqu’il s’agit d’un bébé, deux options s’offrent aux nouveaux adoptants.
Il y a l’adoption plénière qui s’explique par le fait que la première identité de l’enfant disparaît totalement, l’enfant devient alors « enfant légitime » juridiquement parlant en matière de succession. La nationalité et le nom de famille des adoptants lui sont donnés.
La seconde procédure est l’adoption simple c’est-à-dire qu’à la première identité de l’enfant s’ajoute le nom des parents adoptifs, Mais laissons de côté les aspects juridictionnels pour ne parler que du ressenti de l’enfant adopté en grandissant, c’est-à-dire lorsqu’il aura conscience, en général à l’adolescence de tout ce qu’implique son statut.
L’adopté devra se rendre compte assez amèrement qu’une partie de son passé a été tronqué et qu’il ne connaît pas forcément toute son histoire ce qui va plus ou moins le handicaper dans l’avenir.
Il ne possèdera pas non plus tous les éléments de réponse à ses questions. Dans le cas d’un enfant dont les origines sont multiples, il se heurtera à vouloir connaître une culture qu’il ne connaîtra pas forcément et dont il se sentira exclu, il aura alors le sentiment d’une double frustration. D’autre part, pour combler le manque de modèle parental biologique auquel il ne pourra se rattacher d’un point de vue « mimétique » pour construire sa propre personnalité, il se sentira attiré par des personnes dont il cherchera à s’identifier et qui n’auront pas forcément de rapport avec lui.
Il peut également idéaliser ses vrais parents par manque de vérité. Il matérialisera dans son esprit sa mère biologique au détriment de sa mère adoptive. A court terme il finira par se rendre compte qu’il vit dans l’illusion, le mensonge parfois et l’incohérence sûrement. Ce sentiment de "château de carte" viendra conforter son impression de non appartenance à sa famille adoptive, à une ethnie, à une communauté, à une nation qui l’entraînera à penser qu’il n’a pas de passé donc pas d’avenir.
Pour lui, tout sera flou. A ce tournant de la vie il pourra inconsciemment se détacher de son milieu familial qui percevra douloureusement une distance prise par leur enfant adoptif sans que celui-ci en est réellement conscience d’ailleurs.
A l’adolescence, certains de ces enfants ont des tendances dépressives ou sont en proie à l’anorexie qui dans la plupart des cas n’ont pas d’aboutissement dramatique fort heureusement.
Bien des situations se résolvent d’elles-mêmes. Les parents adoptifs sont pour une grande part les artisans d’un dénouement positif. Le plus grave enfin pour ceux dont l’adoption est plénière est la mauvaise impression que l’on aura volé leur identité et l’ensemble de leur patrimoine génétique.
Cette souffrance qui se creusera lors de recherches généalogiques qui n’ont rien d’effrayant dans un foyer où les parents sont biologiques et qui sont tellement passionnantes pour leurs descendants devient un véritable cauchemar pour les adoptés qui ne savent plus vers quelle généalogie se tourner.
Rendez-vous compte : on leur dit que leur famille adoptive est leur vraie famille ce qui est contradictoire biologiquement parlant mais pas en termes de justice. On leur explique qu’il faut qu’ils se réfèrent uniquement à ce qui est écrit par la loi, en outre, ils doivent considérer que leur généalogie biologique initiale ne compte plus même si au point de vue de « lien sanguin » ils n’ont rien à voir avec leurs parents adoptifs.
Résumons : psychologiquement, l’enfant adopté doit prendre en compte le fait qu’il a deux couples de parents : les biologiques et les adoptifs, il se sent alors exclu de la normalité.
On peut comprendre la complexité de leur existence. Les adoptés ont alors réellement le sentiment de trahir leur sang. Leur épanouissement personnel dépend de cette réponse à jamais posée « quel arbre généalogique dois-je considérer ? » Certains me direz-vous, les plus positifs considèrent que les deux lignées comptent en se persuadant qu’ils ont quatre parents : deux mères (biologique et adoptive) et deux pères (biologique et adoptif) ce qui leur permet de se rééquilibrer et de redonner à leur vie un semblant de normalité. Ce n’est évidemment pas simple pour eux, leur chemin de vie est fait d’incertitudes et d’angoisses permanentes, cependant les enfants adoptés devenus adultes reconnaissent qu’ils ont eu beaucoup de chance dans leur vie pas tout à fait comme tout le monde, qu’ils ont été choyés, aimés peut-être plus que la moyenne pour ceux dont tout s’est bien passé, il n’est pas rare de rencontrer des personnes qui ont été adoptées adopter à leur tour. D’autres se servent d’une partie de leur première identité pour éviter une pathologie mentale et ainsi garder leur équilibre, bref il leur restera tout de même quelques séquelles pour certains et un vide pour la plupart de ceux qui n’ont toujours pas de réponse à leur passé.
En effet : d’où je viens, qui je suis et où je vais sera sans doute une question sans réponse.
Danièle LONY