L’ère post-industrielle et la crise économique
Dès le début des années 70, des écrivains comme Alvin Toffler prévoyaient l’avénement d’une ère « super-industrielle » qui serait très différente de l’ère industrielle. La lecture de leurs travaux est étonnante en ce sens qu’ils avaient déjà compris avec énormément de lucidité la structure de la société du XXIème siècle. Pourtant, aujourd’hui les politiques, les sociologues et la population refusent d’admettre que nous sommes en train de changer d’ère. Et ceci nous empêche d’aborder correctement les défis auxquels nos sociétés font face.
Ce qu'Alvin Toffler appellait la société "super-industrielle", nous l'appelons aujourd'hui la société "post-industrielle", mais au fond pas grand chose n'a changé. Déja de son temps, Marx avait prévu une crise de surproduction qui sonnerait la fin du capitalisme. Mais Marx n'avait pas prévu qu'une société autre que la société industrielle puisse se former au cours de cette crise. A son époque, la société industrielle était une nouveauté, elle était extrémement puissante et cette forme d'organisation semblait naturelle. En conséquence, Marx a créé un système politique et économique, le communisme dont il a calqué les rouages à la société industrielle.
Nos démocraties et économies capitalistes au contraire n'ont pas été conçues comme un gant pour la société industrielle, mais elles ont été façonnées par celle-ci pendant 200 ans. Et comme en témoignent les crises à répétitions depuis les années 70, elles souffrent énormément du passage à cette nouvelle société. Mais au contraire du communisme, leur non adaptation totale à la société industrielle leur a permis de survivre jusque-là.
La sortie de la crise pour les économies occidentales va ainsi nécéssiter d'adapter notre système politique et économique à cette société post-industrielle qui se met graduellement en place depuis les années 70. Mais comment le faire alors que les politiques et la société civile sont restés bloqués dans le passé ? Facebook vient de dépasser la valorisation boursiére de Boeing, et on voit déja hurler par-ci par-là que Facebook est virtuel alors que Boeing est concret. On investit pour défendre l'industrie. On applique le terme industrie à des activités de service (industrie du disque, industrie du logiciel, ...). Tout dans nos discussions montre que nous n'avons pas encore accepté le changement de société en cours.
Mais au fait c'est quoi la société post-industrielle ? Commençons d'abord par ce que ce n'est pas : La société post-industrielle ne signifie pas que l'on ne fabrique plus rien. Cela signifie juste que l'acte de produire n'est plus l'acte essentiel de l'activité économique. De la même façon, nous avons très peu de paysans mais nous mangeons toujours des tomates même si cela représente une part très faible de notre budget.
En clair, la société post-industrielle apparait lorsque nous atteignons le stade de surproduction prévu par Marx. En même temps se développe une économie de la connaissance : Ce qui fait le commerce c'est la connaissance, la compétence des hommes, la technologie. C'est le droit, l'éducation, les divertissement, la publicité, la mise en relation de personnes. Tout ce qui ne peut que difficilement être surproduit.
Cette économie post-industrielle se met en place mécaniquement du fait de la surproduction. Comme vous surproduisez vous devez redoubler d'ingéniosité pour produire à moins cher. La concurrence s'intensifie. Le vendeur de solutions technologiques devient votre "dealer". Il vous fournit un coup de boost (de la technologie) pour votre productivité que vous payez très cher. Ce coup de boost ne fera effet qu'un temps (le temps que les autres consommateurs s'équipent) et vous y reviendrez de plus en plus souvent. Marx, lorsqu'il a prédit sa crise de surproduction n'avait pas prédit cette emballement technologique responsable de l'accélération exponentielle du progrès technique. Cette accélération du progrès technique va à son tour mettre "hors jeu" ceux qui ne sont pas formés et booster ceux qui ont les connaissances nécéssaires. Economie de la connaissance justement. La société post-industrielle est la fille de la société industrielle même si elle ne lui ressemble pas. Même la finance toute puissance n'est que la conséquence de besoins grandissants en capitaux d'une industrie en cours d'effondrement et des profits fabuleux générés par les entreprises high-tech. Tout cela converge. Tout cela commence dans les années 70 et prend de la vitesse au fur et à mesure que l'on avance.
Et pourtant, notre école, nos états nations sont restés à l'heure de l'industrie. Les formations sont inadaptées à une économie de la connaissance. Nombre de professionnels prennent de mauvaises décisions car ils n'ont pas les formations nécéssaires, que cela évolue trop vite et que rien n'a été prévu pour les reformer.
Prenons l'éclatement de la bulle spéculative de 2008. Il est étonnant de constater que la plupart des personnes en poste dans les institutions financiéres n'avaient ni prévu et encore moins pris leurs assurances. Pourtant individuellement certains experts avaient correctement analysé le problème des subprimes et la chaîne de conséquences qui allaient s'ensuivre (faillite de Fannie Mae et Freddy Mac). Mais au niveau collectif, aucune institution n"a été capable d'utiliser ces alarmes.
Les politiques eux continuent d'investir de l'argent pour "soutenir l'emploi industriel" qui ne reviendra pas. Au lieu d'investir dans l'éducation et la formation, ils gaspillent l'argent public en investissant dans une aide sociale censée permettre aux chomeurs de retrouver un travail.
On cherche à retrouver notre identité nationale alors que la profusion d'information rendue possible par l'économie de la connaissance a plus que jamais attaqué la cohésion sociale.
Il est urgent d'accepter que notre monde a connu un changement majeur en 40 ans. Le rôle des politiques devrait être d'expliquer ce changement à la population et de réformer en conséquence, pas de tenter de le cacher à la population. L'avénement de la société industrielle a pris plus d'un siécle et causé de nombreux troubles (guerres, révolutions, ...). Il faut espérer que l'avénement de la société post-industrielle puisse être maitrisé. Car les grands pays émergents comme la Chine sont en train eux aussi de subir des transformations dans ce sens. Et sont encore moins préparés que nous.
Source citée :
Alvin Toffler, Le choc du futur
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