• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Actualités > Société > L’hobereau et les indigents

L’hobereau et les indigents

 

Fin de partie…

 

La nostalgie conduit parfois à se faire un film, à imaginer de possibles retours en enfance par le truchement d'une rencontre qui abolit le temps. Fort heureusement, ceci se déroule de temps à autre comme on l'espère et c'est alors un vrai bonheur de retrouver de vieux camarades comme si la quarantaine que l'existence nous a imposée n'avait finalement aucun effet sur un lien qui reprenait comme si de rien n'était.

C'est alors une forme de retour en enfance ou en adolescence que de vieilles personnes s'autorisent à grands coups de souvenirs et de réminiscences qui n'en finissent pas de remonter à la surface. Les anecdotes éclatent tout comme les bulles de champagne qui sont un excellent remède pour réactiver une mémoire dont la coupe n'est jamais pleine. On trinque au temps jadis et c'est là de belles soirées teintées de sépia.

Parfois au contraire, le réel s'impose avec une violence rare. On ne reconnaît pas celui qui fut le camarade d'enfance ; celui qu'on espérait revoir en repassant de temps à autre devant la maison qui fut celle de son enfance et demeure encore celle de ses vieux parents. On le sait ailleurs, engagé dans une carrière professionnelle lucrative sans s'imaginer que cela peut influencer d'éventuelles retrouvailles.

Le temps passe, la maison se ferme. Un des parents est parti pour toujours, l'autre d'après les rumeurs ne serait plus là. L'espoir de revoir un jour celui qui fut si important s'estompe. On se fait une raison, dans un petit village, nombreux sont ceux pour qui les aléas de l'existence ont imposé un départ sans retour. Il faut tirer un trait et vivre alors avec ses souvenirs.

C'est parfois bien mieux qu'un réveil brutal à l'improviste d'une confrontation qu'on n'imaginait plus possible. Le hasard joue un tour pendable, une rencontre inopinée a lieu, forcément surprenante qui met en tension les uns et les autres. Une impression fugace qui demande réflexion et partage : « N'est-ce pas un tel qui est entré dans la boulangerie ? ». Seule la questionneuse l'a aperçu. Tous les regards alors se braquent pour guetter sa sortie.

Quarante ans plus tard, il réapparaît. La même silhouette en dépit du poids des ans qui ne l'affecte guère. L'un de nous lance son prénom, c'est bien lui. Il s'approche. C'est incroyable, il n'a absolument pas changé, c'est l’allure qui est un marqueur social et qu'il entretient jusque dans le détail vestimentaire et les marques qui l'attestent.

Il ne nous reconnaît pas tous. Nous portons bien plus les stigmates de l'âge que lui. La conversation s'engage par les présentations de ceux qui échappent à sa mémoire. C'est alors que tout bascule pour nous sans qu'il s'en rende compte. Il cherche à se souvenir de l'un de nous quand un déclic se fait dans son esprit. « Tu étais dans une famille d'indigents ! ». Un ange passe, la formule est assassine, nous faisons ceux qui n'ont rien remarqué et pourtant…

La suite sera marquée par cette maladresse à moins que ce ne soit l'expression d'un mépris de classe. Il se raconte sans honte, évoque ses nombreux voyages à travers le monde tandis que d'autres travaillaient pour lui. Il a passé ses après-midi au golf tout en gagnant beaucoup d'argent avec un commerce qui fut sa manne financière.

Qu'attendait-il ? Qu'on s'extasie devant son parcours ? Qu'on l'envie ? Qu'on s'étonne d'une réussite qui était programmée dès le départ ? Soudain, nous n'avions plus envie d'en savoir davantage, de devoir faire le compte de ses avoirs et de ses privilèges. Son allure en disait bien assez, ses propos enfoncent le clou de la fracture sociale qui nous sépare à jamais. Il nous salue car il lui faut partir. Il ne nous manquera plus jamais. Nous ne sommes pas du même monde même si nous fûmes du même village. Il fallait que l'on fût bien naïfs pour penser qu'il eut pu en être autrement.

JPEG


Moyenne des avis sur cet article :  4.71/5   (17 votes)




Réagissez à l'article

18 réactions à cet article    


  • juluch juluch 26 mars 10:41

    Cela peut arriver....l’oublie de ses origines ou plutôt le refus du souvenir...se qui est pire !


    • C'est Nabum C’est Nabum 26 mars 11:52

      @juluch

      C’est blessant


    • Gégène Gégène 26 mars 10:45

      L’hobereau propre s’est fait jeter, je présume . . .


      • Sirius Brutus 26 mars 11:24

        chez les oiseaux, le hobereau est un petit faucon, mais chez les hommes, c’est un vrai


      • Gégène Gégène 26 mars 11:46

        @Brutus

        J’ai vérifié, tu as raison !


      • C'est Nabum C’est Nabum 26 mars 11:53

        @Gégène

        Pas vraiment
        Nous sommes restés courtois
        NOUS


      • Sirius Brutus 26 mars 10:50

        de même que la musique a besoin de silences, de pauses et de soupirs pour donner sa vraie valeur au son, la mémoire a besoin d’oublis


        • JPCiron JPCiron 26 mars 11:00

          @Brutus

          En effet, la mémoire est un tout. Inconscient.
          Pour sembler cohérente, elle doit faire des choix.
          Avec de nouvelles données, elle doit s’adapter...


        • Sirius Brutus 26 mars 11:18

          @JPCiron

          ... comme l’Histoire


        • C'est Nabum C’est Nabum 26 mars 11:53

          @Brutus

          Superbe


        • Gorg Gorg 26 mars 11:19

          Beau billet Nabum, merci...

          Même s’il faut avoir passé un certain age pour l’apprécier vraiment...


          • C'est Nabum C’est Nabum 26 mars 11:53

            @Gorg

            Merci mon ami


          • mursili mursili 27 mars 07:58

            Euh, c’est le hobereau.

            Le h aspiré serait-il une espèce en voie de disparition ? Avouez que ce serait dommage.

            La convention dans les dictionnaires français est de l’indiquer à l’aide d’une astérisque. (honneur, *honte).


            • C'est Nabum C’est Nabum 27 mars 09:01

              @mursili

              L’haspiration nous inspire


            • mursili mursili 27 mars 13:58

              @C’est Nabum

              À propos du manque de tact des bourgeois, votre récit m’a donné envie de revoir cette scène du film de Bunuel Le Charme discret de la bourgeoisie quand le personnage joué par Delphine Seyrig dit à la servante « ah bon, je comprends... » et le personnage joué par Jean-Pierre Cassel en remet pour ainsi dire une louche dans la remarque blessante « c’est vrai, elle servait déjà chez mes parents quand j’étais tout petit » : 
              https://youtu.be/0WzYrp2wb70?t=5558

              Merci pour l’inspiration !


            • C'est Nabum C’est Nabum 27 mars 14:10

              @mursili

              Beau rebond
              merci


            • xana 29 mars 16:17

              Oui, c’est vrai. « l’hobereau » est une fôte d’hortografe...

              Si vous n’êtes pas sûr de ce que vous écrivez (ca arrive) prenez un dictionnaire et vérifiez. C’est mieux que de publier son manque de culture...

              Par contre ne demandez rien à votre « correcteur orthographique » qui ne connaît pas grand-chose aux règles. C’est un robot, ou comme on dit « une IA » qui ne fait que répéter ce que le plus grand nombre croit être la règle.


              • C'est Nabum C’est Nabum 29 mars 16:34

                @xana

                Voilà qui rend caduque mon écrit chez les gens au dessus de ces bassesses impardonnables

                hobereau
                nom masculin
                1. 1.
                  Faucon de petite taille.
                2. 2.
                  Gentilhomme campagnard de petite noblesse, qui vit sur ses terres.

Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité