L’Indigné indigne…
Il fut un temps où Stéphane Hessel, notre indigné de service, et donneur de leçons vedette, a oublié de s'indigner. Mince alors… Malheureusement, son oubli nous a jeté dans les affres catastrophiques que l'ensemble de l'humanité subit aujourd'hui. Toute l'humanité, sans aucune exception. Bravo et merci Monsieur Hessel… Vraiment merci beaucoup.
Le succès de l’ouvrage Indignez-vous de Stéphane Hessel constitue un signe avant coureur de cette volupté annonciatrice des fins de monde que l’humanité a déjà connue de nombreuses fois. L’auteur, un Berlinois, né en 17, diplomate, militant, combattant de la France libre et déporté à Buchenwald, a été Secrétaire de la Commission ayant élaboré la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Son opuscule de 30 pages s’est déjà vendu à plus de quatre millions d’exemplaires et fait l’objet de plus de 60 traductions. Un véritable raz-de-marée qui nous invite à nous indigner en faisant très attention à ne pas nous indigner de nos comportements personnels mais surtout et avant tout de ceux des autres. Oui, Jean-Paul Sartre avait raison, l’enfer c’est vraiment les autres… Moi je ne suis qu’une toute petite chose ballotée entre de grosses mains avides de me posséder et de posséder mes besoins et mes envies. Leur but, me vendre toutes les marchandises possibles sous le couvert d’une mondialisation soi-disant bienfaitrice, qui n’est en réalité que l’un des noms sous lequel se cache la cécité organisée d’une humanité défoncée à l’égocentrisme.
Donc, indignons-nous des autres parce que pendant ce temps chacun peut continuer ses petits arrangements avec sa conscience et entretenir bien sagement ses jouissances personnelles. Indignons-nous, parce que les autres nous volent l’espoir de pouvoir continuer de savourer nos éphémères contentements qui rendent notre quotidien aseptisé plus supportable. Certaines politiques ont lessivé des millions d’Américains en leur faisant croire qu’ils allaient accéder à la propriété. D’autres ont essoré des millions d’Européens en leur faisant miroiter que la mise en commun de leurs ignorances respectives était le meilleur garant de leur prospérité personnelle. Quand on est c… on est c… chantait Brassens. Quel philosophe…
Le blanchiment de conscience proposé par Stéphane Hessel, c’est donc l’indignation. Quel beau programme. Indignons-nous mais surtout, ne changeons rien à nos habitudes. Bien au contraire, renforçons-les au nom du mythe de la liberté individuelle. Enfilons le costume de l’indigné comme on enfile celui du cocu dans les comédies de boulevard. Défilons ensuite en scandant des slogans qui nous font plaisir mais qui permettent surtout de ne pas nous remettre en question.
Le plus intéressant, c’est que notre Zorro de salon évite soigneusement de nous parler d’une chose essentielle : s’il a œuvré en tant que Secrétaire lors de la rédaction de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, pourquoi ne s’est-il pas indigné à l’époque de l’ignominie à laquelle il participait ?
Faut-il croire qu’aveuglé par le prestige que lui procurait sa fonction, le docte Secrétaire a oublié l'indispensable à savoir que pour que lesdits Droits aient une quelconque chance de survie encore faudrait-il qu’ils soient associés aux Devoirs correspondants.
Mais ce jour là, notre Stéphane était certainement aux indignés absents. En oubliant que des Droits sans Devoirs ne mènent à rien parce que se sont justement lesdits Devoirs qui assurent les Droits, il a contribué à tuer dans l’œuf ce qui aurait pu bouleverser positivement les rapports humains. Facile ensuite de venir nous donner des leçons alors qu’il n’a pas pipé mot lorsque le moment était propice, afin de nous éviter tout ce que nous devons subir aujourd’hui. A l’image de ceux qu’il dénonce, notre résistant de service résiste en fait là où çà l’arrange et empêche dès lors l’un des plus beaux combats que l’homme aurait pu mener contre lui-même. En détournant l’attention de l’essentiel, il renforce ce que justement il veut nous faire croire qu’il combat. Dites-moi que j’ai tort mais ni je ne m’indigne de cet indigné indigne ni je ne m’indigne des dérives qu’il prétend combattre puisque, dans un cas comme dans l’autre, c’est mon égocentrisme que je chercherais à protéger et çà, cela serait vraiment indigne de ce que je suis.
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