Ce stylo a remporté rapidement un succès important dans le milieu des objets publicitaires écologiques. La consécration a été obtenue par le choix de cet objet comme stylo officiel du sommet de Copenhague. Le B2P a également terminé deuxième d’un concours Européen de design, visant à récompenser le meilleur produit recyclé organisé par l’European Association of Plastics Recycling and Recovery Organisations (
http://entreprise-environnement.org/stylo-b2p/)
L’Usine Nouvelle rapporte en 2009 que ce stylo représente environ 10% du chiffre d’affaire de la société PILOT CORPORATION OF EUROPE soit environ 10 millions d’euros par an de chiffre d’affaire, une vraie success story (L’usine Nouvelle les cahiers de supplément au numéro 3169 • 12 novembre 2009).
Alors quel est le problème ?
Un reportage de France 3 Ile de France fin septembre ( France 3 12/13 Paris Ile-de-France du 26 septembre 2010) a présenté un reportage sur cette entreprise de Savoie et ce produit dans le cadre d’une émission sur les PME innovantes. Lors du reportage le responsable technique a raconté que la création du concept de ce stylo a été réalisée par un technicien pendant son temps libre.
Le magazine Challenge raconte la même histoire "L’idée est née dans cette usine. Un ingénieur s’est penché sur le PET recyclé pour fabriquer des stylos, dont la silhouette rappellerait celle de leur bouteille mère" et avec un certaine fierté un dirigeant revendique l’innovation interne "« Une grande fierté, explique Marcel Ringeard, président de Pilot Europe. Il a été entièrement imaginé et développé en France. Et il est produit ici. »
http://www.challenges.fr/magazine/coulisses/0163.26097/
Une question vient naturellement à l’esprit : à qui appartient donc cette création ? Toujours dans le même article du magazine Challenge on peut lire "Après plusieurs mois d’échanges entre les équipes marketing d’Allonzier-la-Caille et de Paris, puis un petit séjour chez un designer, le stylo a acquis sa forme définitive. « La matière n’est pas facile à travailler, souligne Patrick Dormeur, le directeur industriel de Pilot Europe"
De quelle création parle-t-on ? Une création technique brevetable ? Dans ce cas le propriétaire serait l’entreprise selon le code de la propriété industrielle mais c’est peu probable car on ne voit pas cette création comme une solution technique à un problème technique, définition classique de l’invention brevetable ? Une recherche rapide dans la base de données de l’OEB (office Européen des Brevets) n’a rien donné. Alors un dessin et modèle ? Une recherche dans la base de données de l’INPI n’a pas donné de résultat.
Ce concept est donc visiblement une œuvre de l’esprit qui relève de la législation du droit d’auteur.
Les droits de propriété patrimoniale et morale appartiennent donc en toute logique à son créateur, ce fameux technicien qui travaille sur son temps libre, la déclaration du responsable technique est une première preuve. Bien sur l’entreprise a modifié de manière mineure la création mais sans en changer le contenu.
L’article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle énonce que la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre doit comporter à son profit la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation.
L’existence d’un contrat de travail conclu par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits de propriété incorporelle.
La jurisprudence indique que ce caractère proportionnel au chiffre d’affaire réalisé est impératif sauf les exceptions prévues par la loi. Des pourcentages de l’ordre de 2 à 3 % du chiffre d’affaire ont déjà été annulés comme non sérieux et s’apparentent à une fraude.
Un pourcentage de 10% du chiffre d’affaire comme rémunération est courant , on peut donc estimer grossièrement la rémunération qui pourrait être due par la société PILOT CORPORATION OF EUROPE à ce fameux technicien autour de 1 million d’euros par an.
Interrogée par mail la société PILOT CORPORATION OF EUROPE a répondu
"Comme vous l'évoquez, l'un des salariés ayant participé à l'élaboration de ce nouveau stylo en plastique recyclé a effectivement déposé une Déclaration d'invention de salarié sur imprimé CERFA en date du 28 juin 2009.
Cette déclaration a fait l'objet d'une instruction et nous tenions à vous en informer.
Vous souhaitant bonne réception de cette précision et vous confirmant l'attachement de PILOT au respect de la réglementation en vigueur.
PILOT CORPORATION OF EUROPE
tel :+33 (0)4 50 08 33 40 / fax : +33 (0)4 50 46 43 59
La société PILOT CORPORATION OF EUROPE semble uniquement prendre en compte la partie brevetable de la création (probablement la mise en oeuvre) mais visiblement pas la partie relevant du droit d'auteur qui est le coeur de la question. Une demande de précision de l'auteur en ce sens est restée sans réponse à ce jour. Nul doute que les conseils juridiques de l'entreprise étudient la question. La question reste posée :
L’inventeur du stylo écologique B2P a t-il été oublié ?
Tout ce que l’on peut dire c’est que la réference à ce créateur a disparu des communications officielles de l’entreprise au profit d'un discours sur une innovation interne collective.