L’ouverture du procès AZF : un accès à la justice inégalitaire
Le 21 septembre 2001, l’usine AZF explosait. Bilan : 30 morts et 4500 blessés.
Lundi 23 février s’ouvre le procès de cette affaire hors norme devant le tribunal correctionnel. 1500 parties civiles, 60 avocats, 200 témoins et un dossier de 54 000 pages, l’affaire est sérieuse.
Le groupe Total propriétaire d’AZF a-t-il respecté les règles élémentaires de sécurité ? S’agissait-il d’un accident ? d’un attentat ? L’ouverture du procès devrait en principe répondre à ces interrogations... ou pas.
En effet, on peut relever deux ombres à ce procès qui sera - pour la première fois en France - filmé intégralement.
1. L’égalité de tous devant la justice : un principe bafoué ?
Notre Droit français connaît de nombreux principes fondamentaux, tels que l’égal accès de tous devant la justice, l’exigence d’un procès équitable... Ces principes sont d’autant plus importants lorsque des victimes s’attaquent à un groupe (Total) qui est le premier groupe industriel français (en 2008 son bénéfice est de 14 milliards d’euros).
Le premier élément venant tempérer ces divers principes concerne l’aide juridictionnelle.
L’aide juridictionnelle permet à certains citoyens (vivant avec moins de 1400 euros net par mois) d’obtenir une assistance gratuite (ou à moindes frait) d’un avocat, dans le cadre d’un dossier judiciaire (300 millions d’euros y sont consacrés chaque année en France, 10 fois moins qu’en Grande Bretagne).
Dans le cadre de l’affaire AZF, la justice a décidé d’attribuer aux avocats des victimes pauvres... la modique somme de 190 euros pour 4 mois d’audience (40 centimes de l’heure, lorsqu’un ténor du barreau de Paris pour la même affaire prendra 1700 fois plus).
Voici donc le premier élément inquiétant de cette affaire : alors que le groupe Total sera représenté par Mes Jean Veil et Daniel Soulez-Larrivière (deux des plus grands avocats pénalistes français), les victimes les plus pauvres qui souhaitent affronter ce groupe puissant devront compter sur des avocats payés au lance pierre. 192 euros pour 4 mois sur un dossier aussi sensible..alors qu’un avocat parisien réputé, pour 1heure sur un dossier banal prendra 400 euros. cqfd.
« 190 euros pour quatre mois de procès, nous sommes dans une disproportion scandaleuse qui donne le vertige », s’étrangle Me François Axisa, le bâtonnier de Toulouse (Mediapart).
2. Le retrait de l’adversaire principal de Total... suite à un chèque de 150 millions d’euros.
La thèse officielle retenue au terme de l’instruction est celle de l’accident.
L’argent, encore. Il y a un mois, le magazine L’Usine nouvelle révélait que le groupe Total avait versé quelque 150 millions d’euros de dédommagements à la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), une entreprise mitoyenne d’AZF qui a subi un lourd préjudice social et commercial après la catastrophe. La SNPE avait engagé, devant la justice civile, une procédure d’indemnisation.
Les victimes de l’explosion, qui attaquent Total, comptaient énormément sur la SNPE, qui était l’une des parties civiles les plus coriaces dans ce dossier pénal. (avec une grande qualité d’expertise, pouvant contrer les arguments de Total).
Suite à ce chèque de 150 millions d’euros, et ce retrait, c’est tout le système de défense, profitable pour les autres parties civiles, qui tombe à l’eau...
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