La classe moyenne américaine est en perdition
La population américaine appartenant à la « middle class » nous indique peut être avec quelques années d’avance la voie que nous suivons, c’est pourquoi elle mérite tout notre intérêt.
Divisions de la classe moyenne
Premièrement il existe de vraies disparités à l’intérieur de cette classe moyenne. Une étude d’Ariel investments a démontré que la récession était plus difficile pour la “black middle class” que pour sa contrepartie Wasp. Ainsi près de 50 % des ménages noirs gagnant plus de 50 000 $ par an ont vu leurs compte d’épargne et de retraite fondre à vue d’oeil ces deux dernières années, pour 31 % environ des ménages blancs. Malgré tout, les ménages afro-américains de la middle class sont plus optimistes que les ménages Wasp sur la sortie de crise.
Notons que cette façon de publier des études sur des critères ethniques, si typiquement américaine, présente pour les gouvernants l’immense avantage de diviser pour mieux régner à l’intérieur de cette classe moyenne. On ne sera donc pas étonnés si maintenant ou d’ici quelques années, la France emboîte le pas à ces méthodes visant à désolidariser un groupe qui pourrait autrement être beaucoup plus revendicatif.
Une décennie perdue pour la classe moyenne
Deuxièmement, la situation économique a été très néfaste à la classe moyenne américaine dans son ensemble. L’indice d’insécurité économique est à son plus haut depuis 25 ans. Si les ménages pauvres ont vu leur insécurité économique doubler sur cette période, le rapport de la Rockefeller Fondation insiste sur “l’agitation croissance de la middle class”.
Pour qui serait tenté d’agiter à ce propos le chiffon du fantasme ou du catastrophisme, voici quelques faits tangibles.
Le nombre d’américains sous le seuil de pauvreté a augmenté de 15 % entre 2000 et 2006.
Chaque année de nouveaux contingents viennent grossir ces rangs. Ainsi pour satisfaire un besoin primaire, près de 40 millions d’américains utilisent des coupons alimentaires en 2010, ce qui signifie qu’un habitant sur huit est maintenant dépendant du gouvernement fédéral pour se nourrir. Ce chiffre a augmenté de 21 % en un an, ce qui est considérable et sans précédent récent aux Etats-Unis. Et d’où viennent ces 21 % ? De la classe moyenne évidemment !
Pire, ce déclassement se fait parallèlement à une forte augmentation de richesse d’une infime minorité de la population. Selon Harvard Magazine, 66 % de la croissance entre 2001 et 2007 est allée à 1 % de la population. Les différents hold-up postérieurs à 2007, de la crise des subprimes aux saisies de biens immobiliers et faillites personnelles, ont encore aggravé ces inégalités.
Le taux de chômage réel en 2010 serait de près de 22 %. Ce chiffre inclue les “sous-employés” (le critère U6 du département du Travail américain), et les américains qui désespèrent de trouver du travail et ont cessé de chercher, sortant ainsi des statistiques officielles.
Obama, qui joue avec les vis du cercueil, sent venir le contrecoup politique. Il a beau faire des pieds et des mains pour montrer qu’il s’intéresse au problème, ses paroles restent impuissantes face à la dégradation de la condition de vie des classes moyennes. Le président américain a déclaré sur le sujet : “une récession brutale est venue s’ajouter à ce qui était déjà une décennie perdue pour la classe moyenne”. Jolie façon de dire qu’il n’y est pour rien, et que si ça empire, il n’y pourra rien.
Montée de la colère
Enfin comment ne pas parler de la montée du mouvement populiste “Tea Party”, décrit par ses adhérents comme le parti des américains ordinaires, déçus par l’étatisme et la politique telle qu’elle se pratique aujourd’hui, en résumé déçus je cite par “l’européanisation de l’Amérique”. Voilà qui est cocasse pour des Européens qui ont coutume de dénoncer “l’américanisation de l’Europe”.
Ce parti connaît une popularité croissante, mais il est encore mal structuré et éprouve du mal à formuler des voies politiques alternatives. L’écrivain Lee Harris raconte dans son livre “La prochaine guerre civile”, que la colère actuelle n’est que l’histoire séculaire d’une élite d’experts qui tente d’imposer sa volonté à des gens, dont un bon nombre finit par se révolter”. On comprend que cette “élite” ait du mal à tolérer la montée en puissance de Tea Party, et use de tous les artifices habituels pour le disqualifier. Tout l’enjeu est de savoir si cette colère sera canalisée par le système (peut être l’est-elle déjà ?), ou au contraire débordera de ses structures traditionnelles.
Mais qu’elle agisse politiquement ou non, la classe moyenne est regardée avec condescendance, comme en témoigne cet article du New York Times intitulé : No sex please, we’re middle class. Ce portrait au vitriol décrit l’homme du ménage de la classe moyenne comme un simple rouage d’une machine interne commandée par les femmes. Un homme éternellement garçon qui “porte d’encombrants T-shirts, shorts et espadrilles des classes d’enfant à l’âge mûr.”
Une population soumise, infantilisée et interchangeable, qu’on peut railler à loisir, et démanteler morceau par morceau sans trop faire de vagues. La classe moyenne idéale en somme... A moins d’un grain de sable.
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