La course à la performance, la course à l’inutile ?
Le progrès, c’est une bonne chose. Mais pas lorsqu’on nous l’impose...
Noël est déjà derrière nous, avec son cortège de cadeaux high-tech, de machins et bidules divers que, vous comme moi, nous avons offert à nos proches avec les meilleures intentions du monde : appareils photos numériques, écrans plats, lecteurs MP3...
Mais sans tomber dans la nostalgie de bas étage, pour Noël et pour le reste, n’avez-vous parfois pas l’impression de donner dans le gadget ? De quelles évolutions réelles avons-nous pu être témoins récemment, et auxquelles avons-nous pu vraiment échapper ?
Prenons le cas des écrans de télévision plats. Actuellement, si vous voulez un écran LCD familial de marque, doté d’un contraste raisonnable, il vous en coûtera un minimum de 700 euros. Avez-vous déjà songé à remplacer votre cathodique par... un autre cathodique ? Non ? Pourtant, vous diviseriez le prix par deux, et à bien y regarder, le rendu de l’image n’est pas beaucoup plus mauvais ; sur le réseau hertzien, si c’est toujours celui que vous utilisez, il sera même carrément meilleur, car la "trop bonne" définition des écrans LCD/plasma a pour résultat une pixellisation de la réception.
Le lecteur MP3 dernière génération ? Un peu moins évident, là il y a vraiment un gain dans l’écoute par rapport aux médias analogiques, et les potentialités de mémoire sont plus étendues. Soit, admettons que dans ce cas, notre bon vieux baladeur peine dans la comparaison. Ceci dit, du temps des cassettes, personne ne nous menaçait avec un arsenal juridique parce qu’on se copiait la compil’ de Dorothée depuis la cassette d’un ami - mais je m’égare...
En informatique, la course artificielle à la performance a fait les choux gras des constructeurs et des éditeurs pendant bien longtemps ; c’était à celui qui aurait la plus grosse carte graphique, la meilleure carte son, la carte mère la plus rapide... Et, bien entendu, les nouveaux logiciels qui sortent demandent toujours plus de mémoire et plus de rapidité, et donc ne fonctionnent que sur les PC dernière génération. On se demande souvent, par exemple, pourquoi Word 2000 rame tant sur les vieilles bécanes alors que la version 97 fonctionne très bien, le tout pour des performances semblables... Personnellement, je me satisferais aisément d’une version 97 d’Office sur mon PC actuel, ça irait plus vite et ça coûterait moins cher. Mais à chaque fois qu’on sort des ordinateurs plus performants, on sort aussi les logiciels plus lourds, plus lents, moins bien programmés, qui vont avec, alors...
Mais le cas le plus probant, peut-être, est la voiture. Après des innovations sécuritaires indubitablement utiles, telles l’ABS, les airbags, les matériaux compressibles, les constructeurs ne savent plus quoi inventer pour nous faire croire qu’ils vont de l’avant. Outre les airbags surnuméraires qu’on nous place maintenant un peu partout (on ne change pas une équipe qui gagne, la tête, les jambes, les genoux, les pieds, bientôt les oreilles, les lèvres, l’entrejambe... ?), on nous rebat les oreilles avec des gadgets technologiques qui, pour pratiques qu’ils soient, sont à des années-lumière de l’indispensable. Le régulateur de vitesse, OK, pour ceux qui sont incapables de regarder leur compteur. Ensuite, le radar de recul, pour ceux qui sont incapables de faire un créneau. Puis, les essuie-glaces qui s’enclenchent tout seuls, pour ceux qui sont incapables de voir quand il pleut. Les phares automatiques, pour ceux qui sont incapables de voir qu’il fait nuit... Et, bien sûr, les clignotants dans le rétroviseur, pour ceux qui... heu, on n’en sait rien, mais c’est joli et surtout le rétro coûte maintenant 200 euros au lieu de 40, la belle affaire.
Je passe rapidement sur les "incroyables innovations" dont nous gratifient régulièrement les fabricants de brosses à dents (elle nettoie la langue, le palais, l’intérieur des dents, purifie l’haleine, bientôt détartre votre lavabo et vous prépare le café le matin) et de rasoirs (cinq lames maintenant, on dirait une tondeuse à gazon, ils n’ont donc pas peur du ridicule ?) ; pas besoin de sortir de Polytechnique pour comprendre qu’une bête brosse à dents de discount et un rasoir Bic feront l’affaire presque aussi bien, pour cinq fois moins cher.
Alors, face à cet océan d’absurdités, je tiens à dire STOP au marketing débilitant qui tente de nous faire confondre performance brute et innovation véritable, confort et gadgétisation, et malheureusement y parvient la plupart du temps... Mais je veux également saluer les initiatives de certaines marques (car elles existent !) qui tentent réellement de suivre l’envie du consommateur... et non pas d’ajouter une couche sur ce que tout le monde sait faire et dont personne n’a besoin, en vendant à grands coups de pub.
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