La culture qu’on assassine
Alors qu’en France nous nous préparons à subir la tempête HADOPI, au Parlement européen se prépare un ouragan de grande ampleur, qui risque de dévaster complètement notre Culture, avec l’approbation de certains grands artistes...
Coup sur coup ce sont deux nouvelles lois qui tentent de s’abattre sur le Parlement Européen. Deux lois, qui misent ensemble représentent le plus gros danger de l’Histoire pour la Culture, le danger de voir notre Culture happée par une oligarchie. Nous ne serons plus égaux devant la Culture.
Loi sur l’allongement des droits d’auteur à 90 ans contre 50 ans aujourd’hui
La réflexion est simple : Pourquoi un artiste ayant débuté il y a plus de 50 ans ne pourrait plus toucher un centime sur la vente de ses premières oeuvres qui "tomberaient" dans le domaine public ?
Cela peut paraître aux premiers égards louable pour peu que l’on passe rapidement sur cette information et pourtant...
"Tomber" dans le domaine public... la déchéance d’une oeuvre pensent certains artistes qui veulent tout faire pour continuer à tirer des revenus de leurs oeuvres.
Mais peut-on encore qualifier d’artistes ces personnes qui confondent Culture et produits commerciaux ? Car une oeuvre ne "tombe" pas dans le domaine public elle s’élève dans le domaine public pour atteindre l’immortalité.
Mozart, Goethe, Beetovhen, Wagner, Hugo. Leurs oeuvres sont toutes passées dans le domaine public, elles sont devenues patrimoine culturelle de l’humanité et ce pour le bien de tous. Nous pouvons librement étudier et interpréter ces oeuvres.
N’importe qui peut ressusciter une oeuvre du domaine public qui serait tombée dans l’oubli (car c’est le seul endroit où peut tomber une oeuvre). Peut-on dire la même chose d’une oeuvre qu’on aurait empêchée de s’élever dans le domaine public ? Si les oeuvres de Charles Aznavour tombent dans l’oubli dans dix ans, qui pourra les ressusciter ?
Le rapport Medina sur les droits d’auteur (voir le rapport [en])
Cette fois-ci c’est un rapport du député socialiste espagnol Manuel Medina-Ortega qui vise à achever la Culture déjà à l’agonie. Ce rapport préconise ni plus ni moins, et ce sans concertation ou analyse au préalable, et contrairement à l’étude indépendante ordonnée par la Commission Européenne :
- Riposte graduée : le rapport recommande la "riposte graduée" contre le partage de fichiers sans autorisation dans toute l’Europe, y compris la coopération des FAI sur dénonciation des industries du divertissement (points 31, 37).
- Filtrage des contenus d’Internet : les recommandations demandent le déploiement de technologies de filtrage d’Internet « à des buts d’identification et de reconnaissance […] en vue de distinguer plus facilement les produits légaux des produits piratés », contredisant la nature même d’Internet (point 35).
- Responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet : le rapport « invite à la réflexion sur la responsabilité des fournisseurs d’accès à Internet dans le combat contre le piratage » et comprend comme objectif de rendre les fournisseurs d’accès à Internet responsables des contenus publiés par leurs utilisateurs (points 32, 36, 37).
- Opposition aux exceptions au droit d’auteur : ses conclusions sur les exceptions au droit d’auteur anticipent les résultats de la consultation publique lancée par la Commission Européenne sur le « Droit d’auteur dans la société de l’information » et annoncent que toute réforme de la directive de 2001 sur le droit d’auteur est indésirable, que le régime existant des exceptions au droit d’auteur l’est aussi, et qu’il n’est pas nécessaire d’introduire de nouvelles exceptions. Cette position archaïque sape la créativité, l’interopérabilité et l’innovation (points 3, 20, 23, 25).
« Les députés européens doivent s’élever contre la position de la commission JURI (NDLA : ce rapport a été voté par la commission JRI le 20 janvier) et rejeter ce rapport. À quelques mois des élections, les électeurs observeront si leurs députés européens représentent leurs intérêts ou ceux d’industries déliquescentes qui font la guerre à leurs clients. » conclut Zimmermann.
Les deux lois combinées : Une Arme de Destruction Massive contre la Culture
Une oeuvre devrait donc le plus longtemps possible ne pas s’élever au rang de patrimoine culturel de l’humanité, tant qu’on peut encore gagner de l’argent avec.
Pire, il faut traquer, filtrer, punir et empêcher ceux qui voudraient se cultiver à moindre prix. La Culture devient un produit de luxe, qu’on ne proposera qu’à ceux qui auront les moyens d’y mettre le prix.
Le raisonnement est déjà en soit pathétique en temps normal, mais le monde connaît une crise comme il n’en a que très peu connue. Une crise initiée par les fanatiques de la "Main Invisible d’Adam Smith" qui ont conduit au chaos que l’on connaît aujourd’hui.
Et ces même fanatiques veulent aujourd’hui piller notre Culture pour y imposer leur racket.
Piller un peuple de sa Culture, le priver de sa Liberté, c’est déjà le réduire en esclavage. Tant de gens se sont battus, tant de larmes ont été versées, tant de sang a coulé pour nous permettre à nous leurs descendants d’accéder à la Culture pour devenir des Hommes Libres, tout celà se retrouve aujourd’hui menacé par l’appât du gain de ces quelques personnes à la Culture plus que limitée.
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs. _Art. 35 Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1793_
Face à ces lois, et fort heureusement, se dressent des actions populaires. Ainsi l’Open Right Group a lancé la campagne Sound Copyright et se propose d’organiser une réunion publique à Bruxelles le 27 janvier afin de fournir aux eurodéputés des informations objectives sur l’allongement de la durée des droits d’auteur.
"Écrivez à votre eurodéputé pour lui demander d’y assister, ou mieux encore, faites le déplacement et venez donner vous-même votre avis sur la question" propose Danny O’Brien d’Electronic Frontier Foundation
Même remarque sur le site de la quadrature du net concernant le rapport Medina. La Quadrature invite les citoyens de l’UE à demander à leurs eurodéputés de rejeter fermement le rapport Medina en plénière. Un outil wiki, Mémoire Politique, est disponible pour aider à contacter ses députés européens et pour garder trace de leurs votes sur ces enjeux cruciaux.
La révolution est en marche
Preuve que les démarche de lobbying sont vouées à l’échec à moyen-court terme.
De plus en plus d’artistes choisissent peu à peu la voie des licences dites libres (qui implique au minimum la libre distribution et diffusion de l’oeuvre).
Ce courant, encore difficilement accessible il y a quelques années (peu d’oeuvres grand public) connait un essor sans précédent.
A tel point que le groupe ayant le plus vendu d’album mp3 sur Amazon en 2008 est le groupe américain Nine Inch Nails qui avait publié cet album sous licence Creatives Commons By-NC-SA (libre distribution, possibilité de créer des oeuvres dérivées sous même licence à vocation non commerciale, respect de la paternité).
Depuis de nombreux artistes ont rejoint les rangs de NIN dont récemment Curt Smith, le leader de Tears for Fears (Mad World, Change, Shout... ). Il a publié son dernier album Halfway, pleased sous licence Creatives Commons By-NC-SA.
Pour lui c’était juste le bon choix à faire pour tout le monde.
Afin de se faire respecter des majors et des hommes politiques qui nous gouvernent, il faut donc soutenir ces artistes qui ont fait le choix volontaire de contribuer à la diffusion de la Culture pour tous et non aux plus nantis.
Peut-être qu’à force comprendront-ils que leur modèle économique est dépassé et qu’il est temps d’en changer
13 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON