La démocratie en danger
L’offensive du lobby maternaliste contre la résidence alternée des enfants de moins de six ans mérite d’être remise à sa juste place, celle d’une manipulation destinée à faire obstacle à l’égalité entre les femmes et les hommes, d’une régression démocratique sous couvert de l’intérêt de l’enfant, qui se trouve détourné.
Ainsi, les mères sont sommées de retourner à leur foyer pour s’occuper de leurs bébés. Pour les maternalistes, seule une femme peut répondre aux besoins d’un bébé, un homme en est, par nature, incapable. Pour vendre leur potion amère, ils brandissent des pleurs d’enfant. Un tel raisonnement devrait aussi les conduire à interdire l’utilisation de la voiture aux enfants de moins de six ans au motif que certains y sont terriblement malades.
Cette idéologie simpliste et archaïque trouve en ce moment un écho inespéré dans les médias, bien qu’elle soit contredite par les études les plus récentes et que, seuls, quelques psychiatres en mal de reconnaissance lui donnent un aval intéressé.
Que l’association, fer de lance de cette campagne, s’intitule "L’enfant d’abord" ne constitue pas la garantie d’un souci authentique de l’intérêt de l’enfant, tout comme le slogan "Les Français d’abord" ne coïncide pas inéluctablement avec l’intérêt des Français.
A l’évidence l’assignation des hommes à la sphère productive et des femmes à la sphère reproductive favorise :
la précarité du travail féminin
le cantonnement de l’activité féminine à des secteurs spécifiques
a consolidation des obstacles à l’accès des femmes aux postes de direction
A l’évidence la spécialisation des rôles en fonction du genre constitue un handicap insurmontable pour la construction d’une société démocratique. Toute politique familiale mise en oeuvre dans le cadre souhaité par les maternalistes ne fera qu’entériner la dévalorisation des activités des femmes dans le domaine économique, et le double travail des femmes.
La société devrait donc imposer ces handicaps aux femmes sous prétexte que les nourrissons exigeraient leur présence, la leur seule ! Les conceptions freudiennes des rapports mère-enfant, qui sont mises en avant pour imposer ce point de vue, sont loin de faire l’unanimité dans la communauté scientifique :
"Il y a assimilation abusive entre mère et figure d’attachement. Les travaux sur l’attachement indiquent seulement que le bébé a besoin de nouer une relation de confiance avec la (les) personne(s) qui lui donne(nt) les soins. La meilleure configuration relationnelle est celle où l’enfant est parvenu à s’attacher à ses deux parents."
(Jean Lecamus, professeur émérite en psychologie sociale)
"L’attachement ou les nuits chez le père pris isolément sont des biais si ces variables sont prises isolément dans une étude sur le mode de garde après séparation."
(Gérard Poussin, professeur de psychologie)
"L’hostilité de principe de certains pédopsychiatres à l’alternance de la résidence après une séparation ne semble donc pas découler seulement du constat du mal-être de certains bébés dans certaines de ces situations, mais aussi, et plus globalement, de présupposés sur ce que peut être la bonne famille, et la bonne répartition des rôles parentaux."
(Gérard Neyrand, sociologue)
La volonté de soumettre les femmes à la maternité, dénoncé en son temps par Simone de Beauvoir, ne correspond en rien aux aspirations des femmes d’aujourd’hui. Malgré le matraquage de la société patriarcale pour modeler, dès le berceau, leur inconscient à leur futur rôle, 10 à 15 % des jeunes mères succombent à la dépression postnatale. Après l’accouchement, ce que les stéréotypes exigent d’elles leur inspire de vives inquiétudes et suscite en elles un sentiment d’incapacité.
L’idéologie maternaliste, qui, déjà, appelle à la rescousse des médecins en blouse blanche pour rééduquer les femmes qui ne se conforment pas à ses schémas, est un véritable danger pour les femmes et la démocratie. A l’opposé de ces délires, le défi de la société actuelle est d’inciter fortement les hommes à s’impliquer dans l’éducation de leurs enfants.
Cela n’a rien d’illusoire. Des chercheurs (comme Anne Storey) ont démontré que des transformations hormonales peuvent se produire chez le père pour le préparer aux soins des enfants sous l’influence de la même hormone que celle qui agit sur le comportement des femmes. Cette capacité ne demande que des conditions et un environnement social favorables pour pouvoir s’exprimer de manière naturelle. Cela ne se fera sûrement pas en tenant les pères à l’écart des bébés et des enfants.
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