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Accueil du site > Actualités > Société > La famille, un système complexe

La famille, un système complexe

Il est impossible de donner une définition universelle de la famille contemporaine. En effet, les formes familiales sont diverses, du mariage à la cohabitation, de la famille classique à la famille monoparentale ou recomposée en passant par l’homoparentalité. Les sociétés changent et se transforment, la notion de famille aussi. Cependant, une chose reste immuable : la complexité du fonctionnement familial !

Le mot famille vient d’un emprunt tardif au terme latin classique familia, dérivé de famulus (serviteur) et qui signifie « ensemble de tous ceux qui vivent sous le même toit ». Elle peut être envisagée comme un groupe d’appartenance flexible.
Pour Yvonne Castella (1986) une définition de la famille serait
« une réunion d’individus : unis par les liens du sang, vivant sous le même toit ou dans le même ensemble d’habitations, dans une communauté de services ».
Mais la famille est bien plus que cela ; il s’agit d’un système social structuré avec ses propriétés et ses règles, dans lequel chacun a un rôle précis.
Dans notre pays, la famille est considérée par l’Insee comme « la partie d’un ménage comprenant au moins deux personnes et constituée, soit d’un couple marié ou non, avec ou sans enfants, soit d’un adulte avec un ou plusieurs enfants. Dans une famille, l’enfant doit être célibataire (lui-même sans enfant) ».
Il est aussi important de souligner que la famille fait partie d’un groupe plus large qui représente la parentèle. Elle est constituée par le réseau des parents « liés par le sang ».

S’il est ardu d’établir ce qu’est une famille, il en est de même pour la notion de famille « saine ». A quoi ressemble une famille qui fonctionne bien ?
« Saine » renvoie à santé, il s’agit d’une absence de maladie, il est donc possible se représenter la santé d’une famille comme un certain état d’équilibre.
Une famille saine peut rencontrer des difficultés, l’état d’équilibre sera alors menacé mais au lieu de le conserver à tout prix (en faisant par exemple comme si tout allait bien), une famille fonctionnelle sera capable de surmonter ses problèmes en entrant dans une dynamique qui la mènera vers un nouvel équilibre.
Il n’y a pas une seule manière d’être une famille saine, chacune trouvant ses propres solutions et son propre modèle.

L’approche systémique a permis d’assimiler la famille fonctionnelle à un système en perpétuel recherche d’équilibre : entre ouverture et fermeture.
Le fonctionnement du système familial peut être comparé à celui d’une cellule : sa paroi représente un lieu d’échange en même temps qu’une limite indispensable à la vie et à la stabilité du milieu. Trop ouvert, l’organisme se perd, trop fermé, avec des limites trop rigides, il meurt également.

Ainsi une famille « fonctionnant bien » aura un équilibre dynamique entre stabilité/homéostasie (fermeture) et flexibilité/adaptabilité (ouverture).
Le maintien et le changement sont donc deux notions essentielles de la famille saine. Si la famille présente des mécanismes homéostasiques trop forts, son fonctionnement deviendra pathologique en cas de nécessité de changement.
Chaque famille va rencontrer, au cours de son histoire, des situations difficiles, des incidents qui vont venir menacer son fonctionnement. L’adaptabilité du système familial va alors lui permettre de changer sa structure en maintenant sa cohérence quand les conditions internes ou externes changeront.
Mais il peut aussi arriver qu’une telle adaptation soit impossible. En effet, selon le modèle de l’homéostasie, « tout changement est considéré comme une erreur à corriger ou à freiner ». Cela concerne les familles rigides, et plus généralement toute famille dysfonctionnelle.

La fonction d’adaptabilité est essentielle pour la santé d’une famille, elle s’exprimera par un équilibre dynamique entre stabilité et flexibilité.
Une famille pathologique sera enfermée dans la rigidité, la répétition et la désorganisation.
Dans une famille saine, cela se traduira par la séparation effective des générations, par l’entente conjugale, par une loyauté moins importante envers la famille d’origine qu’envers la famille nucléaire (son conjoint et ses enfants), ainsi que par la possibilité de se sentir aussi bien au sein de la famille qu’en dehors. Il y a respect de l’autre et le rapport entre les différents membres de la famille est égalitaire.
La pathologie peut se rencontrer dès qu’il y a non-respect ou déni d’une personne comme, par exemple, la triangulation de l’enfant dans les problèmes du couple.
Enfin la communication favorisera la relation ; elle tient donc une place importante au sein de la famille.

Dans le temps, l’équilibre dynamique entre maintien et changement va intervenir sur trois plans différents :

- la gestion du quotidien sur un rythme journalier des évènements banaux.

- les phases du cycle de vie

- les passages transgénérationnels

Les adaptations à des évènements banaux sont, d’après Watzlawick, des changements de premier ordre. Ce sont des changements de règles et de rôle, des adaptations par résolution de problèmes ou par négociation.
Il pourra s’agir de gérer le rhume du petit dernier, les mauvaises notes d’un des enfants ou la visite des beaux-parents. Ces changements sont quantitatifs.

Les stades du cycle de vie de la famille et les évènements importants vont engendrer, toujours selon Watzlawick, des changements de deuxième ordre, qualitatifs. Ils vont entraîner une nouvelle structure dans le système familial.
Par exemple, le brusque passage d’un enfant à l’adolescence va changer la relation entre les membres de la famille, cet évènement va modifier la structure familiale.
Chaque stade de cycle de vie est un évènement à risque.
Le stade du mariage illustre bien cela ; il s’agit de former un couple en s’y engageant, le risque étant dans ce cas le non-engagement lié à un manque d’autonomie de l’un des partenaires et à un non-remaniement du lien avec sa famille d’origine.
Chaque stade se construit sur le précédent, la santé de la famille est donc liée à son développement.
Si la formation du couple est difficile, il y a de gros risques que l’enfant qui naîtra dans cette famille soit « pris en otage » dans la relation dysfonctionnelle de ses parents.
Un stade arrivant trop tôt, trop tard ou « sauté », provoquera un dysfonctionnement dans la structure familiale.
Chaque transition de stade peut s’accompagner de difficultés et de tensions qui ne seront pas forcément pathologiques et qui pourront être réglées de façon saine par un changement.
Il existe également des évènements de vie qui ne s’inscrivent pas dans le déroulement classique du cycle familial comme le divorce, le remariage, la perte d’autonomie d’un grand-parent...
Ainsi chaque famille a son histoire personnelle jalonnée par des situations difficiles comme le chômage, la mort, le déménagement, un enfant handicapé...
L’adaptabilité des systèmes familiaux permettra de changer de structure quand les conditions internes ou externes changeront tout en maintenant une certaine cohérence.

Lorsque les générations sont proches, il peut y avoir des crises qui se déclenchent en même temps : crise d’adolescence pour les plus jeunes, crise du nid vide pour les parents et crise de la vieillesse pour les grands-parents. Toutes ces crises sont des occasions de changements ratés ou réussis.
Les générations se succèdent, la continuité transgénérationnelle passe par des phénomènes conscients comme l’éducation et les traditions familiales et d’autres moins conscients comme la transmission de loyautés invisibles, de non-dits et de mythes familiaux.

Les familles saines, bien que toutes différentes, possèdent donc un point commun : un équilibre dynamique qui permettra de s’adapter aux évènements que traverseront, ensemble, les membres de ce système complexe qu’est la famille.


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12 réactions à cet article    


  • aquad69 (---.---.33.228) 14 mars 2007 13:38

    Bonjour e-psychologue,

    merci de votre article sur un sujet important pour l’être humain, et éclipsé dans les médias par une actualité superficielle, plus politique.

    La famille va mal, d’une manière générale aujourd’hui, celà parait indéniable, la fréquence des divorces et les difficultés de l’enseignement le prouvent ; mais il y a chez nous comme une sorte de tabou qui fait que l’on préfère parler de changements plutôt que de déséquilibres.

    S’il y a une chose qui frappe l’esprit quand on lit des ouvrages de sociologie, et que l’on retrouve dans votre article, c’est que ce sont toujours des démarches qui constatent et décrivent des aspects psychologiques ou sociaux de l’humain actuel, en tant qu’état de fait, de manière totalement neutre, mais sans jamais qualifier la situation ; sans préciser, par exemple, si c’est une situation normale, inquiétante ou même grave ; comme s’il y avait un refus de la juger, de la situer.

    On a l’impression d’être ici en présence d’un interdit majeur : remettre en question le milieu, cad notre société, et sa normalité.

    C’est un peu comme si l’on étudiait la pollution de telle ou telle région de la terre et que l’on se contentait de la décrire comme un phénomène d’évolution normal, de changement légitime, sans la remettre en question.

    Il existe ici une différence générale d’attitude profondément étonnante entre notre manière de considérer la nature extérieure « terrestre » et la nature humaine.

    Comme s’il était évident que chaque être vivant sur cette planète ait sa nature propre, qu’il faille respecter, à l’exception d’un seul, l’homme, qui devrait, lui, être indéfiniment adaptable à tous changements, quitte à devoir un jour être remodelé...

    Qu’en pensez-vous ?

    Cordialement Thierry


    • aurelien (---.---.251.138) 14 mars 2007 14:26

      Psychologiquement, la famille, tout comme la nation est un système clos et sécuritaire.

      Or existe-t-il réellement quelque chose que l’on puisse appeler « sécurité » au niveau psychologique ? Je crains que non, comme en témoignent tous les déséquilibres individuels, sociétals ou collectifs.

      L’attachement, la dépendance, et la pesanteur de l’esprit font que celui-ci préfère l’appartenance à un groupe plutôt qu’une autonomie véritable et créatrice.

      Toutes ces questions sont très importantes en éducation. L’éducation, nationalisée, n’est qu’un simulacre d’éducation, une mascarade intellectuelle, un conditionnement des jeunes esprits. La famille en tant que système éducatif perpétue des modèles hérités et croisés. Nous sommes dans la perpétuation, la répétition, la propagande. C’est ainsi que toute la société fonctionne. Aimer, vivre, partager sont des concepts à déconstruire pour en saisir vraiment le sens.qu’est-ce qu’aimer, qu’est-ce que vivre, qu’est-ce que partager ? C’est déjà sortir de tout système, de toute pensée aliénante, de toute contrainte psychologiquement conditionnante. Elaborer la complexité dans la pensée sans saisir la complexité de la pensée elle-même est insuffisant pour rendre compte des mécanismes socioogiques à l’oeuvre dans toute étude un peu plus approfondie des relations humaines.


      • aurelien (---.---.251.138) 14 mars 2007 14:35

        Votre article résulte-t-il d’une démarche citoyenne ou professionnelle ?


        • e-psychologue.fr e-psychologue.fr 14 mars 2007 16:55

          Ecrivant en tant que psychologue et non en tant que citoyenne (il ne s’agit pas d’un article d’opinion mais d’un article didactique) à propos d’un sujet concernant un des champs de la psychologie (la systémie étant une des orientations des thérapies familiales), ma démarche est donc professionnelle. Cependant je ne suis pas thérapeute familial.


        • aurélien (---.---.251.138) 14 mars 2007 23:09

          Très bien, attention donc aux écueils journalistiques si vous vous écartez trop de votre formation de base.

          Pour bien cerner ce genre de sujet, une approche globale est recommandée.

          cordialement


        • wallaceJD (---.---.120.40) 14 mars 2007 16:19

          Juste un truc : « homéostasie » ne signifie pas « fermeture ». Au contraire c’est la capacité dynamique à maintenir les valeurs du milieu intérieur stables malgré les changements extérieurs ce qui signifie de fait une prise en compte de l’extérieur et donc une certaine ouverture.


          • e-psychologue.fr e-psychologue.fr 14 mars 2007 17:02

            Merci pour cette correction très importante, c’est effectivement cette propriété d’un système entre « ouverture et fermeture » que je voulais mettre en avant.


          • josé (---.---.53.193) 14 mars 2007 17:02

            Mais en France je croyais que ce qui compte c’estait la famille à géometrie variable.


            • (---.---.6.115) 14 mars 2007 22:52

              La complexité du simple


            • chmoll chmoll 15 mars 2007 19:28

              pour moi la famille ,je comparaitrais la famille comme une entreprise,ont ontient des résultats (bon ou mauvais) selon la façon dont ont la dirige


              • aurelien (---.---.6.90) 16 mars 2007 10:51

                et bien ça ne doit pas être joyeux tous les jours chez les schmoll ! smiley


              • chmoll chmoll 16 mars 2007 17:43

                ha non des fois y a un emploi fictif,ça arrive aussi un dessous de table,parait que ça s’appelle du black

                là c’est a l’insu de mon plein gre,tiens ça m’fait penser à quelqu’un s’te phrase

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