Les couvertures de magazines, les affiches dénudées, les présentatrices de télévision, les mannequins sublimes et les starlettes ne sont qu’un paradoxe à une situation culturelle et sociologique qui élimine de plus en plus les belles femmes du monde du travail. Car ces créatures de rêve ne représentent guère plus de quelques pourcents des offres d’emplois dans des niches bien ciblées. Pour les autres, plus on a l’air ordinaire, flasque et sans forme, habillées sans gout, plus on a de chance de trouver un travail. Jadis, le moindre petit patron ou chef de service rêvait d’une secrétaire avec des ongles incroyables et une poitrine hors de la tête qui la faisait ressembler vaguement à Marylin, à Bardot ou à Sophia Loren. Maintenant, ces gens n’osent plus recruter eux-mêmes et laissent ce soin à des cabinets spécialisés ou au département des ressources humaines bien souvent dans les mains de femmes aigries entre deux âges, mal fagotées, généralement en surcharge pondérale et qui ne laisseront aucune chance à la vamp maquillée à la gouache et au string apparent, ni a la beauté éclatante de discrétion. La moindre bretelle de soutien-gorge visible à l’entretien d’embauche et c’est l’échec assuré d’entrer dans la carrière. A compétence égale, une femme chargée du recrutement choisira toujours la plus moche, sauf si elle travaille dans la mode, est lesbienne ou mère maquerelle.
Tout commence au lycée et au collège où sous prétexte de respect, de jeunes glands qui se frottent l’appendice en solitaire, insultent en la traitant de salope toute fille osant porter une jupe ou un décolleté dépassant les cinq centimètres en dessous de la glotte. Dans certains collèges on se croirait revenu à l’étiquette de la cour d’Espagne au temps de Charles Quint. Mais s’il n’y avait que ces jeunes intégristes, c’est sans compter sur le corps enseignant et les conseillers d’orientation qui incitent les jeunes filles à se présenter à l’oral du baccalauréat avec le moins de signe visible de féminité. Parler de Descartes ou des protozoaires ne doit pas être fait dans un climat de séduction et les rares professeurs mâles encore sensibles à une belle adolescente ont tellement peur de la pédophilie, du détournement de mineure ou de l’abus d’autorité qu’ils s’autocensurent et pénalisent inconsciemment toutes celles qui se présentent à l’épreuve habillées comme des petites femmes.
Dans le monde du travail, les modes américaines font des ravages. D’abord les espaces de bureau, qualifiés de cette origine où l’on s’entasse à quarante dans une grande salle sans cloison ont été créés soi-disant pour améliorer le rendement, diminuer les surfaces à louer, mais en réalité pour supprimer la drague au bureau qualifié de harcèlement. On ne dit pas des mots doux et on tente encore moins un baiser ou une main au cul devant dix-huit collègues. La moindre plaisanterie est qualifiée de grivoise et si ce n’est pas les procès qui foisonnent encore, la pression morale est telle qu’il n’y a plus beaucoup de place pour la gaudriole en entreprise. Le féminisme militant rejoint l’intégrisme religieux dans ses condamnations.
A moins d’être un inconscient qui se prend pour Hugh Hefner, aucun petit patron ne demandera à ses employées de mettre des bas, des minijupes ou des décolletés plongeants. Ces petits entrepreneurs ont pour la plupart peur du scandale et des poursuites et ils laisseront le choix de leurs collaboratrices à une revêche bourrue qui évincera les plus belles. Il existe désormais dans les grandes et moyennes entreprises des postes spécialisés dans l’entretien d’embauche, le plus souvent tenus par des femmes souvent assistées d’une psychologue tout aussi avachie, inélégante et ronchon que ses collègues du recrutement. Et de s’en donner à cœur-joie pour éliminer toutes celles qui ressemblent encore à des femmes. Celles qui n’arrivent pas à l’entretien en pantalon de ville, en tailleur, chemisier boutonné jusqu’au cou n’ont aucune chance. Sans parler du maquillage, des bijoux, des chaussures aux talons trop hauts et aux ongles qui ne doivent pas être trop agressifs. Un 95 C trop apparent sous un T-shirt moulant est encore plus rédhibitoire qu’un voile islamique pour trouver un emploi. Il existe de façon plus ou moins consciente une traque au minois et au petit museau et les hommes ayant des responsabilités sont devenus trop lâches pour protester. Ils se laissent imposer des laiderons de peur d’être taxés de lubriques et de machistes éhontés. Avec la crise économique, la remontée du chômage et du sous emploi, les plus belles femmes sont celles qui resteront les premières sur le carreau.
Et comme aucune femme n’osera s’adresser à la Halde pour discrimination parce qu’elle est trop belle et n’arrive pas à trouver de boulot autre qu’hôtesse d’accueil ou serveuse dans un bar, les pudibonds et les aigries ont toutes leur chance d’exercer leurs revanches et des représailles sur les beautés qui sautent aux yeux dans la rue mais n’ont plus droit de cité dans l’entreprise. A la Halde, la Licra, au Cran et chez NPNS, on lui rirait au nez à la donzelle.
Alors certaines obéissent au leurre de la notoriété et courent les castings et se font un press-book, ne sachant pas qu’elles vont s’exposer à bien des déboires car il y a beaucoup d’appelées et peu d’élues. Pour rester dans la terminologie évangélique, il est plus facile à un chameau de passer par le trou de l’aiguille que pour une jolie femme de remplacer Marie Drucker ou présenter la météo ! La plus quelconque Vanessa Paradis diplômée de banlieue doit dorénavant passer par le purgatoire du pôle emploi avant de se trouver un boulot décent
On peut comparer cet appât, ce leurre de notoriété pour les femmes avec l’avenir de footballeur pour les jeunes noirs et arabes des citées HLM qui dérangent les voisins du rez-de-chaussée en tapant avec un ballon dans leurs volets clos jusqu’à pas d’heure. Car pour un Zidane, Nasri, Benzema, Henry ou Anelka il y a 2000 jeunes défavorisés qui finiront en Division d’Honneur ou au mieux en championnat CFA, les autres ne dépasseront jamais les matches intercommunaux entre deux stages non rémunérés et le passage par la case chômage.
Mais revenons aux belles femmes qui n’ont plus que la plage, la piscine et les discothèques pour exhiber leur plastique et faire rêver les hommes. Et encore, la moralité laïque au travers du féminisme rend suspecte toute velléité de coquetterie. Il faut s’habiller de la façon la plus banale et la plus ordinaire pour faire figure d’intellectuelle ou de femme moderne et libérée. Sinon, on est considérée comme une salope, une écervelée ou une inconséquente. Il est en train de se créer une nouvelle catégorie de fashion victims, celle des beautés trop agressives pour être supportables par la société normative et le monde du travail. L’intelligence passerait désormais par le slip en coton équitable !
Et même en politique, il est de bon ton de ne pas être trop glamour ; il faut rester austère et invisible. Dati et Royal, critiquables sur bien des points purement politiques ont été attaquées sur leur aspect physique et leur habillement probablement plus que sur leurs idées. C’est plus le côté new age ménopausée de Royal qui attire les lazzis que l’inconsistance de ses propos. Triste réalité, morosité ambiante qui fait que la France n’est plus le pays de la mode et de l’élégance féminine et encore moins celui de la séduction. Et là, islamistes, chrétiens conservateurs, féministes et moralistes sont tous étrangement d’accord pour réprimer la beauté, la sensualité et le charme.
PS : Il a quelques années j’ai eu l’occasion de discuter dans un bistro avec une jeune fille plutôt belle qui voulait devenir « nez » et étudiait le parfum à Grasse. Au cours de la conversation elle déclara péremptoire : « Je préfère vivre de mon nez que de mon cul ! » Ce à quoi j’ai répliqué, le nez tout comme le cul sont deux parties du corps tout aussi respectables.