La grande duperie sécuritaire
A l’approche de périodes électorales, il est d’usage que réapparaisse l’initiative sécuritaire. Depuis 1994, elle rythme nos vingt heures et est devenue un exercice de pression psychologique et de manipulation de la population sur la base de réalités qui demeurent et qui persistent car c’est notre organisation économique qui les maintient.
Cette instrumentalisation de nos peurs n’est que politicienne, c’est ce que je vais essayer de développer. Dire cela ne signifie pas que les délits et crimes ne se sont pas accrus, mais que la présentation qu’en font les politiques vise plus à une utilisation électoraliste qu’à une réduction effective de leur réalité.
Quelques chiffres du total des crimes et délits en milliers de 1950 à 2006 à suivre sur les tableaux.
Pour une inflexion du taux de croissance et du pouvoir d’achat, les courbes des délits et crimes et du chômage suivent la même courbure
Ces quelques chiffres sont toujours absents du débat politique qui se borne à donner des pourcentages d’évolution qui ne sont que des indications de peu d’intérêt au regard de l’ensemble, que ne connaissent pas bien, naturellement, la plupart des Français.
Il est donc facile avec quelques sujets choisis mis en orchestration dans les médias (comme la dernière intervention des forces de l’ordre) de manipuler l’opinion et de rendre crédible l’action d’efficacité d’une activité répressive que dément les chiffres.
Cela est dû à l’usage d’informations immédiates partielles à court terme aux fins polémistes souvent, qui gomment celles du fond qui, sur et dans le temps, donnent une information directionnelle.
Une lecture rapide montre que la plus spectaculaire évolution des crimes et délits a eu lieu des années 1965 à 1985, réduisant donc à néant le fallacieux discours qui attribue la montée de la violence aux années Mitterrand. Mais ne croyez pas que de ce fait je vais l’attribuer aux autres et tenir un discours de comptoir.
Ainsi, entre l’année 1985 et 2006, l’ensemble se stabilise autour d’une fluctuation de centaines de milliers de crimes et délits et non sur le fond qui a entraîné sa montée fulgurante.
Cela signifie pour le moins que les conditions qui les ont générés demeurent, et n’ont pas été enrayées comme le soutiennent certains politiques.
Ainsi durant toutes ces années où l’on a distrait grâce à eux les Français du débat idéologique pour les entraîner sur le terrain exclusivement sécuritaire. Ainsi bien des Français se sont fait manipuler, certes sur des réalités comme l’indiquent les chiffres, mais pas sur les véritables causes de la croissance des crimes et délits, puisqu’ils ont continué à se tenir à un niveau très élevé, plus de 3 600 000.
Durant des années, les politiques ont vendu un esprit sécuritaire, ont imposé des caméras, des forces de police accrus, des vigiles de toutes sortes, une existence sous surveillance, qu’en parfait daubeurs les Français ont appelé de vos voeux, cela pour la régulation d’une centaine de milliers de variation de crimes et délits, et non pas pour les causes de fond. Pour quelques variations de milliers de crimes et délits dont l’on peut penser qu’ils sont toujours de trop, les Français mettent dans la balance la liberté et la démocratie.
Pour cette variation, depuis 1994, on nous rappelle au quotidien des faits divers biens croustillants et instrumentalisés que seule une politique sécuritaire est nécessaire.
Nous voyons donc qu’en 1994, quand ont commencé à se développer les mesures sécuritaires, cela faisait dix ans que l’évolution des crimes et délits s’était stabilisée. Il faut convenir que le débat à ce sujet était essentiellement politicien pour compenser la fin du débat idéologique intervenu avec l’écroulement du Mur de Berlin.
Sur cette argumentation non fondée à moins de denier les chiffres officiels que je fournis, il a été choisi les présidents et endossé toutes les litanies des JT du 20 heures sur ce sujet, que chacun a amplifié, au point d’institutionnaliser la délation.
L’évolution « sécuritariste » (pour la qualifier idéologiquement) de notre société qui s’est installée dans ce schéma à partir de réalités qui se sont développées de manière importante des années 1965 à 1985 passant de 666 000 crimes et délits à 3,579 millions, puis se stabilisant autour de ce chiffre en plus ou moins, démontre que cette courbe a suivi celle du développement du consumérisme en même temps que le développement de la précarité.
Evolution du chômage en
milliers.
1950 260-1960 216-
1970 502- 19801 457- 1990 2 254-
2000 2 590-
2006 2 628.
On aperçoit au premier coup d’œil la progression entre les années 1960 et 1980 et 1990.
Pouvoir d’achat moyen sur
dix années. En %
de 1960 à
69, 5,9 - de 1970 à 79, 4,4 - de 1980 à 89, 1,5 - de 1990 à 99, 1,6 - de 2000 à 2006, 1,9
La stabilité de la consommation est maintenue par l’enrichissement croissant bien qu’inégal des Français, dont le patrimoine et l’épargne sont passés de 8 000 euros en moyenne en 1959 à 300 000 euros en 2005.
Il faut donc comparer cette évolution des crimes et délits à
celle de l’évolution de la consommation et celle de l’évolution de la pauvreté
pour l’interpréter sans trop de distorsions par ses convictions. Ces données doivent être examinées avec
précaution, leur présentation trop simpliste ne permet qu’une estimation sociologique
de leurs sources qui est plurielles. Je laisse les lecteurs les interpréter et
discuter mon analyse qui est personnelle.
Ceci posé, il faut convenir que le débat focalisé et grossi par les médias sur support de deux réalités internationales que furent les attentats d’intégristes islamistes 1995 et les guerres d’Irak, ont alimenté et fourni les argumentations du maintien d’un climat sécuritaire qui a rebondi sur les individus, dans une vision thématique des risques que nous font encourir nos innovations technologiques.
Il s’en est suivit également une stigmatisation des comportements qui nous a fait entrer dans la policiarisation, la victimologie et la criminalisation de nos comportements en banalisant ce terme et justifier son extension abusive, qui découle plus du traitement affectif des drames et de leur seuil tolérance soumis à ses quotidiens rappels, que par la réalité des actes qui conduisent les personnes à ne pas considérer la vie de chacun égale en toute chose en justifiant ou admonestant telle ou telle mort suivant la distance qui le sépare des événements dont les médias pourront rapprocher la perception.
Dans ce cheminement où le pouvoir politique se fait élire sur cette aptitude à dénoncer l’insécurité, toutes manifestations de contestations politiques qui troublent l’ordre public se voient rapidement traités comme des activités délictueuses, si elles ne respectent pas une expression qui les rend inefficientes et tranquillise le pouvoir, qu’il n’a à faire qu’à une manifestation de mauvaise humeur folklorique qui cessera.
Sur cette base, tous les amalgames qui se sont par peur focalisés autour du sécuritaire conduiront à assimiler la lutte sociale à une criminalisation, nous allons le voir avec les différentes séquestrations de cadres d’entreprises.
Je ne crois pas que ce soit une nouveauté, il ne manque pas dans le développement de l’histoire sociale d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont péri pour réclamer le droit de ne pas être exploités. J’ai un ami qui enseigne l’histoire sociale ouvrière et il me dit toujours que les jeunes découvrent avec stupéfaction que dans les XIXe et XXe siècles des hommes mouraient sous les coups de la puissance publique qui disaient défendre les droits de l’homme alors qu’elle ne défendait que ceux de quelques privilégiés.
Je crois que l’Histoire nous fait un remake.
J’espère que cet article de conviction éclairera certain sur l’état de manipulation informative dont nous faisons l’objet.
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