La grenouille et le boeuf
Si le corbeau de la fable se contenta d’ouvrir le bec par orgueil qui ne lui coûta que son fromage, la grenouille va plus loin, et sa vanité lui a fait perdre la vie.
Jean de La Fontaine, au 17e siècle, avait l’art de parodier son environnement avec ses fables. Avec les animaux comme principaux acteurs, il présentait clairement les travers des humains.
Quatre siècles plus tard, force est de reconnaître qu’il est toujours d’actualité. Orgueil, vanité, démesure, pouvoir, grandeur, puissance et beaucoup d’autres artifices sont le lot de notre actualité. Nous en sommes les observateurs et souvent les acteurs.
Financiers, politiciens, pays, organismes, entrepreneurs, gestionnaires, groupes de pression se voient TOUS plus grand que nature. Ils rêvent tous de dominer, ils rêvent tous de contrôler un marché, ils rêvent tous au pouvoir absolu, ils rêvent tous de détenir LA vérité. Et en bout de ligne, TOUS frappent le mur. La crise actuelle est la démonstration contemporaine des fables de La Fontaine.
Plus près de nous, à la fin des années 1960, Laurence J. Peter et Raymond Hull publièrent “Le Principe de Peter“. Ce bouquin qui fut un succès planétaire décrivait les dérives bureaucratiques de notre système. Elles sont toujours d’actualité. Pour Peter et Hull, dans une entreprise, les employés compétents sont promus et les incompétents restent à leur place. Donc un employé compétent grimpe la hiérarchie jusqu’à atteindre un poste pour lequel il ne sera pas compétent. À ce stade-là, il devient donc un incompétent qui va occuper son poste indéfiniment. Autrement dit : un incompétent garde son poste, un employé compétent promu est remplacé par un autre employé, potentiellement incompétent, si le nouvel employé est compétent, il sera promu et remplacé à son tour par un nouvel employé jusqu’à ce que le poste échoie à un incompétent. Cette description s’applique à tous les domaines.
Je ne sais plus quel philosophe disait récemment que nous avions, TOUS, la mauvaise habitude de ne pas relire nos classiques. Pour lui, l’humanité ne réinvente pas la roue ou les boutons à quatre trous à tous coups. Nous ne faisons que répéter l’Histoire à intervalles plus ou moins réguliers. Malheureusement, nous ne savons pas retenir les leçons de l’Histoire, nous répétons inlassablement les mêmes erreurs.
Combien de brillants cerveaux se sont éteint en s’imaginant faire mieux qu’un précédent brillant cerveau. Combien d’individus parfaitement “productif“ et apprécié dans un poste de directeur de service ont échoué lamentablement en occupant un poste de direction générale. Combien d’entreprises très rentables ont pensé qu’en fusionnant, acquérant un compétiteur ou se développant démesurément ont failli, déclenchant ainsi des drames sociaux. Les exemples sont multiples actuellement. TOUS le savent, mais les mêmes erreurs se répètent ad nauseam.
L’argumentaire n’est pas de vivre dans le passé, mais plutôt de tirer des leçons du passé. Dans ce sens, les politiciens, tous partis confondus et toutes tendances, obnubilés par leur réélection ; les financiers et entrepreneurs avides de l’argent des autres pour ne nommer que ceux-là, sont incapables de s’astreindre à une telle démarche évaluative. La fuite en avant est leur solution privilégiée quitte à s’écraser dans un mur et avec eux des citoyens crédules.
Les bulles, toutes catégories confondues, se dégonflent l’une après l’autre ; des pays frôlent la faillite ; les politiciens s’épivardent dans tous les sens ; les financiers s’en lavent les mains et ne sont responsables de rien ; quelques-uns s’enrichissent sur le dos de la grande majorité. Il serait peut-être temps que le “bon peuple“ siffle la fin de la récréation et signifie la direction à prendre : faire de l’être humain le but suprême de tout système. Mais oserons-nous individuellement et collectivement ?
Ou continuerons-nous à élire des bouffons et des clowns ? Le Canada et le Québec sont bien mal placés pour donner des leçons, mais à lire les actualités, il semble y avoir pire ailleurs ! Ce n’est qu’une simple consolation. La nature ayant horreur du vide, nous pouvons continuer à espérer et rêver qu’un jour ce vide sera comblé.
Bernard Fournelle Granby (Québec) www.hda-info.com
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