La guenon et le crocodile
En novembre 2013, l'ONU condamne les injures racistes de l'hebdomadaire « minute » qui écrit « maligne comme un singe ... » en légende d'une photo de Christine Taubira. Une BD, "Projet crocodiles" de Thomas Mathieu, n'a pas été exposée à Toulouse comme prévu, qui représentait les hommes (les mâles) en crocodile. Ce qui est perçu comme une répression.
C'est la même figure de rejet identitaire de groupes qui s'exprime dans ces deux images (la guenon et le crocodile).
Cependant, l'une fait horreur, et l'autre paraît ordinaire, un moyen puissant et honnête de dénoncer quelque chose de négatif (la domination masculine).

Il est important de rétablir l'équivalence de ces deux agressions, l'une faite à une femme noire et l'autre faite à l'ensemble des hommes de sexe masculin. Dans la BD, les femmes ont une allure humaine, ordinaire, courante, admissible... humaine, et il n'y a pas d'humains de sexe masculin. Ces femmes humaines sont assaillies par des crocodiles. Un homme de sexe masculin est un crocodile, pour une femme mais aussi pour les autres humains masculins, les autres crocodiles. Et pour les lecteurs. Pas d'humains masculins ; des crocodiles. Pas d'humains noirs, des singes et des guenons.
Nous sommes tellement habitués à entendre ce dénigrement fondamental et absolu des hommes (mâles) que bien des gens l'ont intégré, et des hommes notamment. Cette BD se présente comme une lutte contre le sexisme ordinaire, alors que l'exercice de la raison analytique montre qu'elle est le sexisme ordinaire : la condamnation d’hommes qui ne sont même plus considérés comme des humains, mais comme des bêtes, sans foi ni loi, ne connaissant que la puissance de leur passion et la négation de l'autre sexe pour asservir cette passion, et cela de façon indifférenciée, en nombre (ils sont tous comme ça) et en qualité (rien de les rebute, rien ne les arrête, jamais ; ils sont prédateurs partout et tout le temps).
Aucun discours différent, voire contraire, ne pourrait être publié. Ils sont par avance inclus dans le mal, donc exclus de toute attention et publicité. Ce qui est un marqueur des idéologies.
On peut constater très facilement le décalage entre ce discours, qui est le seul discours admis, et le discours et les pratiques réelles entre les femmes et les hommes. Heureusement que fort peu de gens y adhèrent. Beaucoup en sont profondément énervés pour prendre un adjectif simple. Pourtant, les mass médias continuent de nous parler exclusivement de la domination masculine, de nous présenter les hommes comme des bourreaux des femmes et les femmes comme des victimes des hommes. Le décalage entre le discours public de la société sur elle-même via le quatrième pouvoir et ce qui se passe réellement est très grand, et n’arrive pas à se dire, puisque pour le dire il faut passer par les mass médias, la radio, l’édition… et n’arrivant pas à se dire, il ne peut se faire entendre, aurait dit Lapalisse.
Comme un des récits entre une femme et un crocodile concerne le refus de la sodomie par la femme, que le crocodile aurait accompli quand même, ce qui, pour l’auteur, justifie bien de le dessiner en crocodile (il n'est pas un homme), je vais en donner un autre, vécu aussi. Je connais une femme qui est passée, à propos de sodomie, de la crainte et du refus à l'acceptation résignée, puis à l'acceptation volontaire, puis demandée, et enfin au plaisir reconnaissant. Parce que quand on s'aime, on s'arrange, on se fait plaisir, c’est ce qui fait l'amour… et si l’on ne comprend pas le désir de l'autre, l’amour, c'est de l'accepter et d'y chercher le sien. C'est l'érotisme amoureux qui a permis à cette femme de jouir un peu plus de son corps, dans la confiance en l'autre, dans l'amour. Si elle avait pensé que son homme était un crocodile qui ne lui voulait que du mal, elle n'aurait jamais appris ce plaisir dont elle ne sait plus se passer maintenant.
Si ce récit a peu de chance d'être, et encore moins d'être pris en considération, c'est qu'il établit une entente charnelle, amoureuse et érotique entre une femme et un homme, ce qui n'est plus admis. Dès qu'on parle des hommes et des femmes, il faut maintenant exalter l'horreur de la « domination masculine » et mettre tous les hommes dans le même sac, ici dans la même peau de crocodile.
Or, la loi fondamentale de notre civilisation établit tout être humain égal en droit avec n'importe quel autre être humain, d'où découle une présomption d'innocence qui ne permet pas d'accabler tout un groupe à partir du comportement d'une minorité.
Thomas Mathieu, l’auteur de cette BD, fait exactement le contraire. Il condamne explicitement tous les hommes mâles. Voici ce qu’il écrit : « Métaphore un peu clichée du dragueur/prédateur, on peut aussi y voir une illustration du privilège masculin. Car dans le Projet Crocodiles, même les types sympas sont montrés en crocodiles, tout comme ils jouissent de certains privilèges, sans même s’en rendre compte. » On ne fait pas plus clair. Il n’y a pas d’exception ; il n’y a pas de type sympa ; même les types sympas sont pareils parce qu’ils font pareils, ils ont juste l’air sympa.
S’il est raciste d’insulter quelqu’un en lui donnant un nom d’animal en fonction de la couleur de sa peau et de son origine, alors il est sexiste d’insulter quelqu’un en lui donnant l’apparence d’un animal en fonction de son sexe. Ce devrait être interdit de la même façon dans la loi.
Représenter les noirs en singes et les hommes en crocodiles est la même violation de cette loi fondamentale. Alors que seules sont sanctionnées par la loi et les tribunaux, les insultes racistes.
Il est urgent de voir que ce « féminisme » n’en est pas un, qu’il est un ostracisme incompatible avec les valeurs de notre société.
Il est urgent de pratiquer et de promouvoir un féminisme partagé.
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