La guerre est déclarée au coronavirus SARS-CoV-2
La machine à combattre le Covid-19, un complexe sanitaro-industriel ?
1) La guerre est déclarée. Le 29 février 2020, Emmanuel Macron présidait le conseil de défense et de sécurité national devenu hebdomadaire depuis les attentats de Nice en juillet 2016. Avant 2015 et les attentats de Charlie, ce conseil ne se réunissait que deux à trois fois l’an. Ce dernier samedi, il fut question du virus. Le conseil des ministres décréta un plan d’action dont voici un extrait du compte-rendu publié sur le site de l’Elysée : « Dans ce stade 2, l’objectif des pouvoirs publics est de limiter la diffusion du virus et d’empêcher ou, tout du moins, de retarder aussi longtemps que possible le passage au stade 3, où le virus circulera largement dans la population. L’enjeu est de gagner du temps pour mieux se préparer et aussi, si possible, pour sortir de l’épidémie de grippe, afin que les deux évènements ne se télescopent pas. ». Le 4 mars on peut lire dans Le Monde ceci : « Nouveau conseil de défense à l’Elysée, réquisitions de la production de masques de protection : la mobilisation s’amplifie en France pour tenter de freiner la diffusion du nouveau coronavirus, qui menace de s’ancrer dans la durée ».
C’est donc un nouveau conseil de défense que le président convoqua ce 4 mars, quatre jours seulement après le précédent, avec la participation d’Olivier Véran promu ministre de la défense sanitaire, et de son confrère Jérôme Salomon, promu général en chef du corps d’intervention sanitaire. Cette promotion est justifiée car Salomon a travaillé sur les maladies émergentes et fut acteur dans la gestion de crises sanitaire. Il est connu pour des faits d’armes sanitaires, notamment lors de la crise du H1N1 en 2009. Il est d’ailleurs avec Bruno Lina le co-auteur d’un ouvrage sur cette pandémie grippale qui a fini par devenir bien ordinaire ; selon Véran, il a la responsabilité de concevoir et de conduire la politique de prévention issue de la stratégie nationale de santé.
Ce 4 mars, Emmanuel Macron ne nous a pas promis du sang et des larmes comme Churchill en 1940 mais il nous a averti que la menace épidémique causée par l’invasion du SARS-CoV-2 allait durer des semaines et même des mois. Macron a convoqué les scientifiques le 5 mars pour des états généraux de la recherche. Mais la recherche produit des résultats sur le temps longs, même lorsqu’il faut trouver un vaccin ou un remède en case de crise sanitaire. Le CNRS fut créé par Jean Zay en octobre 1939, un mois après l’entrée en guerre de la France contre l’Allemagne. Ce parallélisme offre une image sur la place de la recherche dans toute opération d'envergure, qu'elle soit économique, écologique, sanitaire ou politique.
2) Il n’y a pas de complot. Dans un commentaire publié sur le réseau LinkedIn, un scientifique indien spécialiste en vaccins écrit ceci : « S’il vous plaît, ne paniquez pas. Ce n’est pas une épidémie, c’est une sorte d’infodémie. Beaucoup de messages et de fausses informations se sont répandus depuis décembre 2019. Simplement prendre soin de l’hygiène personnelle et se protéger contre tout type de transmission. ». Ce néologisme employé tombe à pic. Deux phénomènes se superposent, une épidémie et une infodémie. Le virus se répand à une vitesse épidémiologique et les infos se propagent à une vitesse infodémiologique (pardon pour ce second néologisme). Et ces infos sont contradictoires, entre ceux qui pensent que le SARS-CoV-2 n’est guère plus virulent que les coronavirus du rhume circulant chaque année et d’autres craignant que les populations soient face à une menace de grande ampleur.
Les contradictions dans les déclarations publiques égarent les âmes et conduisent certaines à imaginer quelque complot mais difficile à construire car on ne sait pas à qui profiterait le déclenchement d’une panique ou la diffusion intentionnelle d’une souche virale. Un Etat, un empire, un laboratoire pharmaceutique, une secte genre Illuminati jurant la perte de l’humanité ? Il est certain que des théories du complot circulent mais mon cerveau n’a pas de temps à consacrer à ces bêtises, aussi je m’en tiendrai à une incise philosophique. Les théories du complot jouent le rôle de mythes contemporains. Pour envisager que ces complots soient réalisables et réalisés, il faudrait une organisation, une puissance influente et une intelligence surhumaine. C’est ce même procédé de pensée qui fut à l’origine des mythes archaïques, avec des dieux dotés d’une puissance démonique interférant avec les affaires humaines.
3) Affronter l’ennemi. Depuis la première détection d’un patient infecté par le virus et s’étant signalé auprès du corps médical, la procédure d’isolement est devenue la règle. Elle a été appliquée aux premiers porteurs du virus placés en hôpital sous stricte surveillance, puis aux Français rapatriés depuis Wuhan invités à séjourner pendant quatorze jours dans un centre de vacances sous bonne surveillance. Un dispositif imposant de police fut déployé. Les patients gravement affectés sont suivis dans les établissements de santé, les personnes susceptibles d’avoir été en contact avec un infecté ou provenant de zone à haut risque sont invitées à rester dans leur habitation. Rien de bien extraordinaire. Les autorités compétentes ne font que tracer des lignes de Maginot sanitaire pour éviter que l’ennemi viral ne les franchisse. Est-ce efficace ? La question n’a pas de réponse. En revanche on peut penser qu’il n’y a pas le choix et que c’est la seule mesure qui en théorie, peut avoir un impact sur la propagation. L’Etat français veut-il montrer qu’il prend les mesures censées être utiles et nécessaires pour protéger les populations ? Sans doute mais on ne peut pas reprocher à un Etat d’assurer la sécurité des populations qui à l’ordinaire est assurée par différents corps de métiers ; pour l’essentiel, l’armée, la police, la santé. D’ailleurs la mobilisation des forces de police est prévue dans le plan de lutte contre le coronavirus qui comporte trois stades. Ce 4 mars, c’est le stade 2 qui reste en vigueur.
Parmi les mesures prises, on retrouve quelques vieux réflexes des années de guerre. Il faut gérer des pénuries, non pas de pain mais de masques. Sous l’Occupation divers trafics furent organisés. En 2020, des petits malins se sont amusés à voler des masques, certainement pour les revendre au marché noir. Et d’autres se sont précipités dans les pharmacies pour en acheter, parfois à des prix exorbitants. D’où une mesure de réquisition par l’Etat, un contrôle dans la diffusion des masques, ainsi que le gel des prix du gel hydro-alcoolique. Ce sont des petits détails mais ils donnent la mesure de l’état d’esprit circulant dans le pays.
4) Le complexe sanitaro-industriel. La montée en puissance des Etats-Nations au début du XXe siècle fut accompagnée de la mise en place d’un système hautement organisé et désigné comme complexe militaro-industriel. Ce concept fut popularisé par Eisenhower non pas pour saluer ce dispositif mais pour avertir ses compatriotes des dangers occasionnés par une trop grosse influence des industriels liés au département de la Défense en charge de l’équipement de de l’armée américaine par l’intermédiaire de contrats de défense. Eisenhower avait pu observer ce phénomène en tant que chef du haut-commandement des armées alliées en Europe durant la Seconde Guerre mondiale. Le complexe militaro-industriel est composé de trois systèmes sociaux ; les armées auxquelles on peut ajouter la police, les industries et les centres exécutifs de l’Etat. Ce concept est devenu pertinent depuis 1960 mais il s’appliquait déjà aux nations occidentales, à l’URSS bien avant le déclenchement de la guerre en 39.
La suite de ce texte ne sera pas publiée, elle est prévue pour un éventuel livre sur ce que révèle le Covid-19 sur nos sociétés. Ma conviction n'a pas changé. Le Covid-19 est une grippe un peu plus sévère que la moyenne.
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