La justice à la française : Le rideau tombe
L'affaire DSK a eu le mérite de montrer la supériorité du système judiciaire américain dit accusatoire, qui, contrairement au système français dit inquisitoire, est totalement indépendant des autres branches du gouvernement, comme il se doit dans une véritable démocratie.

L'affaire DSK a eu le mérite de montrer la supériorité du système judiciaire américain dit accusatoire, qui, contrairement au système français dit inquisitoire, est totalement indépendant des autres branches du gouvernement, comme il se doit dans une véritable démocratie.
Un système hérité de l'Inquisition
Puissants ou simples citoyens, tout le monde est soumis à la même loi. Il y a pas de remise de peine, pas de sursis, pas de prescription. Les peines sont cumulées car elles ne peuvent être exclusives. Pourquoi le seraient-elles ? La loi est la loi et elle est expéditive même si les négociations sont possibles une fois admise sa culpabilité.
Les procès ne durent pas comme en France une éternité, avec 10 ans d'instruction. Dans le système américain c'est à l'accusation de fournir les preuves et à la défense de les remettre en question. Les juges anglo-saxons sont là pour juger, pas pour enquêter et faire une inquisition (du latin inquisitio = recherche).
Avant l'Inquisition au XIIe siècle, les systèmes de justice européens étaient tous accusatoires, comme le sont restés ceux des pays anglo-saxons. On peut dire que l'Inquisition a perverti le droit européen. Sous l'Inquisition, le pouvoir ecclésiastique, puis finalement les monarques, pouvaient poursuivre en justice une personne sans que personne ne les accuse de quoi que ce soit. C'est la première marche vers le pouvoir totalitaire où "totalité" signifie simplement le cumul des pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire et, au XIIe siècle, le pouvoir religieux). Le totalitarisme c'est l'absence de séparation des pouvoirs. Certes, la révolution a exigé l'égalité devant la loi mais elle s'est tout de suite fourvoyée dans un système totalitaire dans lequel Robespierre (l'exécutif) commandait des têtes à Fouquier-Tinville (la justice). Napoléon a exigé que l'on rejuge le général Moreau car il n'était pas content de la première sentence trop lénifiante à son goût ! Ah ! Montesquieu où étais-tu ?
Idées fausses ou préconçues
Devant le désastre et l'effondrement du rideau de fumée qui, depuis 50 ans et des centaines d'émissions de télévision sur la barbarie de la peine de mort dans certains États américains (d'ailleurs votée très démocratiquement par référendums), les politiques français de droite ou de gauche sont montés au créneau durant les dernières semaines, accusant la justice américaine de tous les maux possibles.
On dit que nous, en France, on a le juge d'instruction ce qui assurerait une même défense pour tous en omettant de dire que le systeme permet que certaines affaires soient étouffées. Pour détourner le problème certains invoquent même des differences culturelles. Aux États-Unis, « c'est une culture puritaine » différente de "notre culture gauloise grivoise" disent-ils. Sans doute ces idiots utiles n'ont jamais vu une gay paradeà New York ou à San Francisco, ni compris que les États-Unis sont les premiers occidentaux à avoir donné des droits aux femmes et aux homosexuels (droit de vote des femmes dès 1869 dans l'État du Wyoming, en France seulement en 1945).
L'important, et ce qui est rarement jamais dit dans les médias, est que dans la procédure accusatoire, l'accusateur n'a pas le pouvoir de décider seul de l' inculpation. Dans ce système, une personne ne peut pas être jugée tant qu'elle n'a pas formellement été accusée. (*). Il ne peut non plus y avoir de non-lieu arbitraire décidé par un juge ou leParquet
Aux États-Unis, ce pouvoir de mettre en examen est généralement attribué à un jury composé de citoyens locaux. C'est ce « grand jury » de citoyens qui a décidé d'inculper DSK, pas un parquet aux ordres. Le parquet français est surtout bien pratique pour stopper des procès gênants pour le pouvoir. Il est commode quand les affaires touchent des responsables de la majorité au pouvoir avec un « non-lieu ». On remet le couvercle très facilement en France. L'état même, a le pouvoir de tuer dans l'œuf les « affaires ». Si la comptable de Mme Bettencourt avait bénéficié des mêmes protections que la femme de ménage du Sofitel, Dominique Woerth serait sans doute sur le chemin de la prison.
D'autres disent que seuls les riches aux USA peuvent se défendre en se payant de bons avocats, ce qui est totalement faux puisque les avocats qui prennent une part des indemnités sont toujours présents pour une bonne cause à défendre. Aux USA, il n'y a pas de plafonds aux dédommagements et aux réparations qu'un avocat peut demander. Afissatou Diallo, la femme de ménage du Sofitel de New York, si elle a vraiment été violée par Dominique Strauss Kahn, même pauvre, trouvera toujours un avocat, qui se fera payer sur l'immense réparation qu'elle demandera à DSK. De plus en plus cette justice américaine revient à ce qui se passait chez les anciens Celtes : le principe de réparation. Chez nos ancêtres celtes, un viol coûtait 20 vaches, un meurtre 100 vaches ou deux ans de services en tant qu'esclave. Ce n'était pas la justice que l'on payait, mais les victimes. Ce système a donné l'ancien droit coutumier du Moyen-Âge qui au début était accusatoire, pas inquisitoire.
En 2010, un jury de San Francisco a exigé de Philip Morris qu'il paye une indemnité de 2,5 millions de dollars à la famille d'une femme décédée pour avoir fumé pendant 27 ans. Le puissant fabricant de cigarettes perd régulièrement contre de pauvres citoyens, contre de simples citoyens. Ceci est juste un exemple parmi des milliers d'autres. Les trusts pharmaceutiques américains sont bien plus puissants que Servier et pourtant lemédiator n'a jamais été mis en vente aux États-Unis. Un médicament contenant une molécule similaire avait déjà entraîné plusieurs milliers de procès contre le fabricant. Les citoyens avaient dit non. La judiciarisation de la société c'est aussi le pouvoir des citoyens. Ce sont les citoyens américains qui ont fait qu'aucune nouvelle centrale nucléaire n'a été construite depuis 45 ans aux États-Unis.
À noter l'arrogance bien française d'Alain Finkielkraut qui, dans l'émission Mots croisésdu lundi 30 mai, s'en prenait à une justice américaine dont les juges sont élus. Les juges américains élus (comme les juges suisses d'ailleurs) seraient d'après lui trop sujets au désir de réélection et donc sensibles à l'opinion publique. Comme si les juges français ne seraient pas sensibles au pouvoir et à une bonne mutation : avant que le dossier d'Outreau ne devienne un scandale, le juge d'instruction Fabrice Burgaud n'avait-il pas été nommé au parquet de Paris, à la section antiterroriste (où il aurait été bien mieux payé), en récompense de son zèle tout particulier ?
Dénonçant comme d'autres, la tendance vers la transparence des politiques comme une route vers le totalitarisme, Finkielkraut s'est vu asséné par Marcela Iacub, chercheur au CNRS : "Le totalitarisme ce n'est pas quand les citoyens s'immiscent dans la vie privée des gens au pouvoir mais quand le pouvoir s'immisce dans la vie privée des citoyens".
Alors que les chantres de la République à la française mentent et s'enfoncent dans leur entêtement à défendre un système républicain obsolète dont ils tirent parti, le futur de la France apparaît de plus en plus comme devant être une démocratie à l'anglo-saxonne. Ce système vient avec le fédéralisme, la dévolution, l'indépendance de la justice, la démocratie directe et l'« empowerment » des citoyens (le pouvoir des citoyens) .
(*) Dans La France est-elle une démocratie ? de Charles Rouxel (2007). Épuisé. ■
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