La manipulation sécuritaire
Le jour où se tient une réunion de superflics à l’Elysée pour jeter à la vin dicte publique les Roms et les Gens du Voyage, est publié un opportun et prévisible sondage sur le sentiment d’insécurité jaugé par l’ Ifop pour France Soir à paraître ce mercredi 18 juillet . En juillet 2010, 59 % des Français ont le sentiment que "ces derniers mois la délinquance a augmenté... »
Ainsi on fait coup double : Sarkozy a raison de déclarer la guerre aux populations décrétées dangereuses et subrepticement il fait passer le sentiment d’insécurité pour un état objectif de violence et de délinquance généralisée. Ce n’est pas nouveau mais le procédé est toujours efficace pour faire avaler des couleuvres et parler d’insécurité afin d’occulter les injustices et les inégalités.
La crise de confiance envers le Président et son gouvernement est aujourd’hui particulièrement forte. L’été est difficile sur de nombreux fronts pour Sarkozy, le feuilleton Bettencourt-Woerth n’arrange rien.
Quoi de plus naturel que de rhabiller le costume de premier flic de France en gravissant un nouvel échelon dans les déclarations guerrières et la désignation de l’ennemi. On a eu les racailles de banlieues, les islamistes polygames, les délinquants du 9-3 en Ferrari, etc... Aujourd’hui on est sûr de faire un tabac avec les Roms et les Gens du Voyage, s’appuyant sur les préjugés les plus odieux qui traînent dans l’imaginaire collectif.
On remarquera à ce propos que ce ne sont pas des personnes qui sont désignées comme fauteurs de troubles mais des catégories de population vouées à la vindicte publique au mépris des principes du Droit qui récusent tout recours à la responsabilité pénale collective. Notre président commet l’indignité d’exhiber dans sa fonction ce qui ne peut être toléré même au café du commerce : s’en prendre à des groupes « quitte » à attiser des réflexes racistes.
Ce dernier sondage est donc une aubaine : si le sentiment d’insécurité augmente, il faut faire la guerre à ces catégories dangereuses qui deviennent une sorte d’ennemi intérieur.
Mais qu’en est-il dans la réalité ?
Vogelsong cite ainsi Laurent Mucchielli, sociologue au CNRS, qui oppose les faits au bourrage de crâne sécuritaire politico-médiatique.
"Les actes barbares décrits pour achalander le client s’inscrivent en marge de l’approche sociale des violences faites aux personnes. C’est-à-dire un phénomène spécifique ultra minoritaire. On transforme un fait divers en fait de société. Phénomènes mis bout à bout qui donnent l’impression d’une tendance lourde. Dont l’opinion se verra abreuvée.
L’attrait est indéniable pour les politiciens qui depuis une vingtaine d’années se sont lancés dans une course éperdue contre l’insécurité. Qu’ils soient de droite, ce qui est normal, c’est un fond de commerce séculaire, mais aussi de gauche, comme M. Valls qui ne déçoit jamais à ce propos et proposera même “un Grenelle de l’insécurité”. Éluder la question des violences dans la société est irresponsable. Tracer un sillon dangereux nourri de mythologie, idées reçues et sensationnalisme l’est tout autant. Car les faits et les chiffres sont têtus.
Au-delà de l’amateurisme plumitif, il y a la réalité, les diagnostics et les vraies questions. Mauvais coucheur L. Mucchielli, sociologue, reviendra aux tristes réalités de l’insécurité en France. La première mauvaise nouvelle tombe, le nombre d’homicides en France en 2009 s’élève à 819. Soit moitié moins qu’en 1989. Bigre. La violence “décuplée” serinée à longueur d’antennes des jeunes barbares produirait moins de pékins calenchés. Ou bien la violence ultra violente “n’est plus ce qu’elle était ma bonne dame”.
Seconde catastrophe médiatique pour la violence dite gratuite ou sans raison, 80% des actes sur les personnes se font dans le cercle des connaissances. 30% serait dans le cercle marital, 20% en y ajoutant la famille proche, et 30% supplémentaires avec les connaissances.
Quant aux viols ils sont majoritairement un phénomène familial. Bien dommage ! Le mythe de l’attentat la nuit sous un porche humide prend du plomb dans l’aile. Troisième affliction, les jeunes de tout temps furent violents. Ni plus ni moins qu’en 2009.
En écumant les tribunaux depuis 1995, on observe que les actes relevant de coups et blessures, le nombre de jours d’incapacités de travail n’a pas augmenté. Seules les poursuites pour des faits moins graves ont connu un accroissement. Résultat quelque peu contre-intuitif face à la panique (organisée) dans les médias."
On voit bien ici que les faits de violence observables et dénombrables sont très éloignés de l’image de violence sur laquelle on nous fait fantasmer, non seulement, ils ont diminué depuis 20ans (et non 10ans) mais les faits les plus graves n’ont majoritairement parlant peu de rapports avec les faits divers des quartiers sensibles montés en épingle depuis une dizaine d’années.
Mucchielli a raison, les faits sont têtus et contredisent sans aucun respect tous ceux qui sont tentés par le réflexe sécuritaire pour se refaire démagogiquement une santé politique, en particulier dans la perspective de l’élection présidentielle de 2012.
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