La philosophie pour enfants comme remède à notre société
On a l’impression que ce sont les plus petits qui posent les plus grandes questions, souvent, et qu’à mesure que l’âge nous rattrape, notre boulot, notre vie quotidienne et le rythme généralement crescendo de nos semaines et de nos mois nous éloignent de l’essentiel. C’est l’un de mes neveux, qui a lu un super bouquin sur la mort de Socrate et commence à son tour à (se) poser beaucoup de questions, qui m’a fait réfléchir à cette sensation que j’ai de ne plus avoir le temps de penser profondément, intensément. Pourtant ses questions à lui ne sont d’apparence pas très compliquées : "c’est quoi, la mort ?" "pourquoi tu l’aimes depuis tout ce temps" (eh là !), "est-ce que c’est un vrai ami ?", mais derrière, en creusant un peu, ce sont les questions classiques qui reviennent, sur l’amitié, la vie, la pensée, la conscience... en faisant un peu attention, à cet âge là, ça cogite vraiment ! Sa mère, qui est institutrice, rejoint la discussion (d’accord, elle me sauve d’une discussion qui dérive sur la philosophie et que je maîtrise mal). Me parle de la "philosophie pour enfants" (n’est-ce pas la même que la "philosophie" tout court), de la manière d’entretenir le questionnement de ces gamins qui n’ont pas nos petites gênes pour exprimer leurs ressentis.
Je commence à comprendre, au fil de la discussion, que c’est quelque chose que je trouve intéressant, moi qui passe mon temps libre à me demander comment changer cette société qui tourne parfois bizarrement (si vous me suivez, vous savez que la manière dont le commerce de masse fonctionne ou pourquoi on nous refourgue des aliments bas de gamme me révolte et me pousse à trouver des solutions). Car c’est aussi une question d’éducation. Et plutôt que d’avoir l’impression de lutter contre des moulins à vent (nos comportements d’adultes, moi-même je ne suis pas toujours en harmonie avec mes désirs de vie, faute de temps, de moyen, de volonté). Alors, la philo pour enfants, pourquoi pas, si ça peut les amener, tôt, à réfléchir sur des questions qui reviendront les interroger plus tard comme c’est mon cas.
De ce que je me souviens, la philosophie, c’était compliqué. Les noms des auteurs, impressionnants, massifs. Les "dissert’", je n’étais pas bon, loin de là, terrorisé par la feuille blanche, les idées qui germent un peu mais qui ne "sortent" pas. Alors des enfants... comment voulez-vous qu’ils y comprennent quelque chose ? La solution réside peut-être dans un enseignement particulier qui est la philosophie pour enfants. Car oui, c’est bien une matière en soi, qui vise à développer les capacités réflexives des mômes, par des moyens particuliers. C’est-à-dire parfois de la vulgarisation un peu bêtasse, et parfois de belles histoires. De plus en plus, ce sont des livres pour enfants qui s’emparent de ce sujet, me confie ma soeur. C’est-à-dire des livres illustrés, avec des textes adaptés, mais qui peuvent, si l’alchimie prend bien, être compris par les enfants... et par les adultes, je rajoute, car ça ne me ferait pas de mal de commencer par ce qui est accessible.
Il existe deux approches, a priori. Celle par thèmes, comme chez Nathan, Milan ou Gallimard, qui permet de faire écho à une question. La vocation pédagogique est mise en avant, du coup c’est presque une sorte de manuel (un peu comme les encyclopédies "Junior", pour ceux à qui cela évoque quelque chose). Le problème, c’est que ça reste malgré tout théorique, un peu « scolaire » au mauvais sens du mot. L’autre approche privilégie les histoires que les auteurs eux-mêmes racontent, comme dans la collection des Petits Platons, qui choisit les textes-clés d’un philosophe, pour rentrer dans sa vision du monde. Ce qui permet d’avoir une porte d’entrée amusante vers un continent (typiquement, le titre sur Kant que m’a montré ma soeur est assez étonnant, puisque le philosophe qui me paraissait le plus abrupt se présente en randonneur dont la flanerie amoureuse amène un tas d’idées, et des réponses pour mon neveu qui se demandait pourquoi j’aimais ma femme après tout ce temps...). Leur site permet, pour les amateurs de minis-jeux, de manier une "mitraillette philosophique" pour que Kant évite les obstacles métaphysiques.
Il existe également des ateliers de philosophie pour enfants, le site des p’tits philosophes propose ainsi tout un programme pour apprendre à argumenter, concevoir, réfléchir (ce qui ne fait pas de mal vu la soupe que l’on nous sert traditionnellement à la télé et dans la pub !).
Luc, Consommaction
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