La Planète des Femmes, un monde plein d’espérance

« Le rôle des femmes est de permettre que des réalités humaines habilement confinées dans la sphère privée soient reconnues. » François Flahault
Interruption volontaire de grossesse
La femme n’est pas un homme comme les autres, à qui la faute si ce n’est à l’homme. Le monde est inscrit dans une logique masculine belliqueuse où la générosité et le respect ne sont pas les points forts. Notre triste présent et notre sombre avenir sont de toute évidence déterminés par le sexe « fort ». L’homme en tire gloriole et avantages, la Femme et le reste du Vivant en souffrent, parfois atrocement. Le machisme triomphant est le dénominateur commun de toutes nos misères et l’objet du plus grand scandale de notre « humanerie ». Cette dictature masculine impose une matrice autoritaire dont dépend toute vie sur Terre, les options et les actions viriles sont exclusives, irréfragables et affectent la Planète et sa population. Tant que les femmes ne participeront pas à part égale ou mieux prééminente aux enjeux de notre monde, les préoccupations majeures seront biaisées et les valeurs seront inversées. Ce sera toujours l’enfer de l’oppression, un zéro pointé sur la possibilité de bonheur et de sérénité. Atteint d’une incurable myopie écologique, méconnaissant sciemment les sentiments, le vécu et la sensibilité des autres êtres, le choix autoproclamé d’un capitaine phallocrate pour mener notre barque n’était pas le bon.
Mama Gaia, Pachamama, Mother Earth, la Terre-mère, la Terre-nourricière, ces mots évoquent une mère divine, et le genre féminin induit une prise de conscience intuitive, universelle, cosmologique. N’en déplaise aux Thatcher et autres harpies qui confirment la règle… De tous temps, on a loué le rôle rédempteur de la femme éternelle. La femelle d’Homo sapiens, ou mieux dit d’Homo sapiens faber, economicus, modernicus ou demens, est douce, soucieuse, dévouée, attentionnée, altruiste, économe et, si elle s’avère lucide des enjeux environnementaux en renonçant à donner le jour à une progéniture sans avenir, elle reporte alors sa vigilance sur la Planète bleue (ou rose !). L’écoféminisme n’est donc pas une utopie, c’est une nécessité. Mais comment taire les hommes ? Comment pourraient-ils renoncer à leurs immenses privilèges, à cette arrogance cravatée qui nous mène au bord du gouffre ? Comment vaincre la néfaste et démesurée influence masculine, cette mainmise sur l’entièreté de la vie ? Combien de temps encore le pouvoir ne réservera aux femmes que des rôles postiches de potiches, des postes cosmétiques et des partenariats inspirés d’un vil calcul politique ? « Parce qu’elles le valent bien » ?!
Le vocable écoféminisme est un néologisme qui fait référence à l’alliance entre féminisme et écologie. Il sous-entend une analyse de l’économie globale par un regard sexué et politique au féminin, de toute évidence plus attentif. Depuis toujours la femme s’est trouvée reléguée, opprimée, exploitée, comme la Nature et les autres espèces, les autres races. Le sexisme règne à la force du poignet, ne lésinant pas sur les coups quand il faut frapper pour protéger ses acquis. Le sexisme n’est rien d’autre qu’une aberration dans la ligne du racisme, de l’homophobie et du spécisme. Notre culture occidentale attribue à ces trois mondes : femmes, Nature et peuples natifs, un caractère plus irrationnel et sauvage. L'homme Blanc se serait donc senti investi d'une mission : domestiquer ces trois mondes ! L’homme, de préférence occidental et hétérosexuel, préside à l’anthropocentrisme qui gouverne la Planète par un art illégitime de la ségrégation, de la discrimination, il en dicte les règlements, les références, les systèmes politico-économiques, la morale, la culture, la religion, le commerce…
Dès 1949, le message écoféministe est déjà subliminal entre les lignes du Deuxième sexe de Simone de Beauvoir, mère spirituelle de toute philosophie féministe. La pensée et l’action de l’Américaine Rachel Carson ont jeté les bases pratiques de cette écosophie au féminin, notamment dès 1962 par le biais de son livre Printemps silencieux, œuvre pionnière de l’écologisme et de la prise de conscience des dégâts de l’agro-productivisme. L’écho fut donné quelques années plus tard par l’écrivaine libertaire et féministe Françoise d’Eaubonne, lors de la parution de son livre Écoféminisme ou mort. Elle se montrait on ne peut plus péremptoire sur le sujet : « Autrefois les femmes étaient non seulement propriétaires de leur corps, mais aussi des richesses agricoles, qui étaient les premières richesses de l’antiquité. (…) A partir du moment où les hommes ont découvert qu’ils étaient les pères de leur enfants, alors qu’ils croyaient la femme en rapport avec une espèce de divinité qui les fécondait d’une manière ou d’une autre, ils ont décrété, qu’ils étaient les propriétaires de cette fertilité. Cette mainmise des hommes sur la fertilité et la fécondité a abouti aux désastres écologiques actuels, avec l’inflation démographique d’une part et l’épuisement de sols nourriciers de l’autre ». L’homme s’est partout autoproclamé gardien de la fertilité et de la fécondité. Il convient de douter du succès de son domaine réservé : perte des valeurs biologiques des sols, érosion, désertification et effondrement du réservoir génétique de la biodiversité pour ce qui est de la Terre et de la Nature ; syndrome de dysgénésie testiculaire et hécatombe des spermatozoïdes pour l’humain dus aux méfaits des pesticides et autres poisons chimiques imposés dans notre vie quotidienne. Le gestionnaire peut donc pérorer et pavoiser !
Toujours dans les années 1970, des villageoises indiennes avaient fondé Chipko, un mouvement écoféministe devenu célèbre. Pour résister à la déforestation, elles entouraient les arbres de leurs bras, afin d'empêcher les tronçonneuses de les abattre. De 1974 à 1976 à Whyl, dans la région allemande de Fribourg, des femmes rurales se montrèrent très activistes au sein des premiers mouvements antinucléaires. Lors de la conférence internationale Ecofeminism : women and life on earth qui s’était tenue en 1980 à Anvers, les femmes présentes lancèrent un manifeste revendiquant un lien entre les mouvements écologistes et ceux féministes, affirmant que la destruction de la Nature, la négation de la femme, le militarisme, les industries capitaliste et socialiste, la pauvreté dans les pays du tiers monde découlent des mêmes stratégies inspirées d’une hégémonie masculine. Un Agenda 21 des femmes fut proclamé en 1992 lors du Sommet de la Terre à Rio-de-Janeiro, afin de stigmatiser les nombreux points que le document officiel n’abordait pas. En 1999, Vandana Shiva, physicienne et philosophe indienne, et Maria Mies, anthropologue et sociologue allemande, partageant le sentiment que les problèmes de l’environnement et du développement ne sont pas correctement posés, publient alors un ouvrage désormais de référence : Écoféminisme (Éditions L’Harmattan, collection Femmes et Changements). On sait que depuis, Vandana Shiva s’est beaucoup mobilisée aux côtés de millions de paysans indiens dans la lutte contre les pesticides et les semences génétiquement modifiées. Aux États-Unis, l’écoféminisme est maintenant une doctrine, un combat et joue un rôle politique effectif. Il y préconise sensu stricto un mode de vie matriarcale et assez autarcique dans le concept d’écovillages.
Femme-mère et Terre-mère ont un destin scellé
Bien des enquêtes ont révélé la tendance écocitoyenne des dames et des demoiselles. L’institut de sondages Ipsos donnait récemment des chiffres comme 76 % de femmes volontaires pour l’abandon de l’automobile au profit des transports en commun, 71 % pour l’interdiction des OGM, 61 % pour payer plus cher des énergies non-polluantes… C’est réconfortant quand on sait que les femmes tiennent les rênes de la consommation au quotidien et sont donc susceptibles d'influer sur les modes de production. Mais qu’elles prennent garde à la récupération par l’imposture débordante du blanchiment vert et des marques s’annonçant de qualités bio, écologique, équitable…
Certains prétendent que l’écologisme risque de sonner le glas de la libération féminine en renvoyant la femme à la maison, pour accomplir des taches sanitaires que la modernité leur épargnait, en un mot pour laver à nouveau des couches non-jetables, et pourquoi pas redevenir lavandière au bateau-lavoir. C’est une vision simpliste qui zappe le rôle de l’homme. Le projet d’une société écologique est aussi celui d’un monde plus juste, et donc de l’avènement de « l’homme de ménage ».
Terriens, nous sommes reliés à notre Planète par un cordon ombilical que nous avons trop tôt coupé. « Elles » en sont pleinement conscientes et pour cela elles souhaitent protéger les plantes, les animaux et les humains qui demandent assistance. Primatologues dont on connaît les noms, nombreuses sont celles qui se sont magnifiquement dédiées aux Grands singes, c’est tout à fait significatif.
Dualité de l’écologisme au féminin
L’écologisme est-il progressiste ou réactionnaire pour les femmes ? Et l’écoféminisme représente-t-il une revendication d’émancipation ou une pure résignation biologique ? Ce sont d’étonnants paradoxes, mais pas tant que ça.
Le paradoxe ordinairement entretenu s’inspire du fait que féminisme, éco ou non, est une légitime rébellion en réaction à la séculaire domination du mâle habitué à reléguer le sexe féminin, comme il infériorise les autres races et les autres espèces. C’est donc une revendication contre la trilogie machocentriste sexisme-racisme-spécisme. L’écoféminisme en appelle à une libération de la femme. Mais, selon une grille de lecture prosaïquement au ras de l’éthologie biologique et du comportement naturel, l’écologisme (ou écologie politique) ne ferait rien d’autre que renvoyer la femme-femelle au foyer. Selon une approche adverse, les écologistes puent sous les bras, souhaitent un retour à l’âge de pierre ou au moins à la bougie et veulent du même coup renvoyer les femmes à la maison. C’est sans nul doute le point de vue d’une frange de conservateurs irrités par l’annonce d’une nouvelle éthique. Il serait donc réactionnaire de rouler à vélo, de cuire son pain, d’acheter ses légumes chez un maraîcher du voisinage et pour une femme d’allaiter son enfant. Pour esquiver la contradiction, pour évacuer l’exploitation maligne de ce paradoxe, il faudrait faire de l’espèce humaine une espèce à part, isoler Homo sapiens de l’ordre des fondamentaux naturels. On se heurte alors à une nouvelle contradiction : l’écologie tend tout au contraire à un biocentrisme, à nous rappeler que notre espèce ne doit pas s’illustrer excessivement par son agrément civilisationnel, que sapiens est dans la Nature, comme la Nature, à l’image des autres espèces. Qu’en est-il de la libération féministe chez les autres grands mammifères ? Et soyons cohérents, même si nos outrances, pour contrecarrer d’autres outrances qui nous ont par trop éloignés de l’ordre des choses, nous portent à déclarer l’égalité de l’homme avec la limace, tâchons de rester entre « mammi-frères » hominidés dans nos comparaisons. Donc, qu’en est-il alors de la libération de la guenon ? Quelle que soit la logique choisie, il semble impossible d’en sortir !
De la différence des sexes en économie politique est un recueil des textes de Nancy Folbre, où l’économiste féministe égraine les conflits entre intérêts de classe, de sexe et d'âge, dans le cadre d'une société patriarcale. Son analyse tend à prouver ce paradoxe : la tendance à une prise de pouvoir des femmes tend à se retourner contre elles en incitant les hommes à se désintéresser de leur famille et à refuser d'assumer le coût de l'éducation des enfants. La diminution du pouvoir des pères au profit d’un accroissement de celui des mères, qui n’est en fait qu’un transfert, induit une incidence en baisse de la natalité, elle engendre aussi une perte d’implication masculine concrétisée par une fuite des engagements et l’abandon des progénitures. C’est tout dire de la mauvaise conscience des hommes. Constat d’un chantage navrant : ce dont l’homme a jouit depuis des lustres, à savoir le cumul du beurre et de l’argent du beurre, la femme ne peut y accéder.
C’est censément sous couvert des religions monothéistes que la prétendue contradiction de l’émancipation féminine trouve son plus grand écho, notamment dans sa frange droite la plus dogmatique et conservatrice. Mais il est des théologiennes écoféministes, chrétiennes avec les pieds sur terre, qui expriment éloquemment leur argumentation sur le sujet, développant une rude critique des traditions religieuses hiérarchisantes, impérialistes et dominatrices de la Nature, centrées sur la dommageable dichotomie entre le corps et l'esprit. Elles expriment l’urgent besoin de trouver des rapports plus égalitaires, plus chaleureux entre les différents éléments de l'univers. « L'écologie est à la Terre ce que l'amitié est pour les personnes » écrit Mary Hunt dans son étude Fierce Tendernes. Dans Rethinking Theology and Nature, Carol P. Christ montre l'ampleur multidimensionnelle du désastre écologique : elle a « la conviction que la crise qui menace la destruction de la Terre n'est pas seulement sociale, politique, économique et technologique, mais qu'elle est à sa racine spirituelle ». Dans La théorie, un dimanche, Nicole Brossard affirme qu’« il n'y a pas de spiritualité et d'éthique écologiques toutes faites dans les traditions passées » et déclare que « le féminisme contemporain, tout en prenant en charge la promotion des femmes et l'extension de leurs droits est aussi et surtout devenu une pensée, une morale, une éthique ». Dans Gaia & God. An Ecofeminist Theology of Earth Healing, Rosemary Radford Ruether relève qu'il faudra innover dans le domaine religieux. Dans Models of God. Theology for an Ecological, Nuclear Age, Sallie McFague énonce nettement que « l'imagerie impérialiste traditionnelle de Dieu s'oppose à la vie ». (Source : Préoccupations écologique et éthique féministe, de Monique Dumais, professeure de sciences religieuses et d'éthique de l'Université du Québec à Rimouski).
Le mouvement des femmes, dès ses origines à la fin des années 1960, s'est affiché contre le déterminisme biologique qui avait été utilisé dans le passé par les hommes pour justifier leur contrôle sur les femmes. Désormais, les femmes ne sont plus enfermées dans une Nature, mais deviennent participantes à part égale avec les hommes dans toutes les démarches pour conserver la Planète Terre.
Pour que le projet devienne réalité, aidons les femmes à sauter les remparts du bastion phallocrate.
Documents joints à cet article



40 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON