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La question du logement : d’un hiver à l’autre, longue vie au DAL, à ATD, à Habitat humanisme et à la Fondation Abbé Pierre

La crise du logement resurgit chaque hiver avec l'annonce de mesures d'urgence assénées avec autant de conviction que de retard. Cécile Duflot respecte la tradition. Une recherche rationnelle et cohérente de solutions mérite d'être menée et des idées nouvelles apportées. Hervé Le Bras et Pierre Carli s'y essayent dans un ouvrage récent : Crise des liens, crise des lieux. Ils imaginent un loyer adaptable aux revenus.

 L’hiver est là, c’était prévisible mais notre ministre a attendu le 20 octobre afin de solliciter ses collègues, on imagine qu’il s’agit des autres ministres afin de mettre à disposition les logements qui appartenant à l’Etat seraient encore disponibles. Notre ministre a également indiqué sa volonté de réquisitionner les logements vacants. 2014 et 2015 se préparent, pour 2012 et 2013 espérons un rapide redoux, tant attendre octobre pour bâtir la politique de l’hiver paraît dérisoire.

Le logement constitue un problème constant en France depuis 1945, nous n’avons jamais su construire suffisamment pour répondre à la hausse du nombre des ménages. L’abbé Pierre puis sa Fondation ont témoigné de cette situation depuis 1954. Les raisons en sont multiples : outil de production et capacité financière d’abord insuffisant puis erreurs de prévisions, urbanisme restrictif, et politiques jacobines et inconstantes ignorant le caractère fragmenté des marchés, enfin le rejet de la construction de logements par les populations les mieux logées et les collectivités locales qui leur ont emboîté le pas. 

En France, la question du logement des plus défavorisés passe par le recours au logement social et aux structures d’hébergement et ce quasi exclusivement. D’autres pays européen savent mobiliser le logement privé, ou ont su maintenir la présence des grands investisseurs institutionnels dans la production de logement. En France, malgré les efforts de l’ANAH et dans l’attente d’une initiative gouvernementale à destination des zinzins, l’initiative privée est à la peine face à la pauvreté.

Facteur aggravant, les difficultés de logement se sont étendues aux classes moyennes d’abord à Paris, puis dans les grandes métropoles régionales et certaines zones frontalières.Le marché cale également face à cette demande. Dans un livre un peu technique Hervé Le Bras et Pierre Carli* explorent quelques voies d’adaptation à cette situation.

En termes d’analyse et de diagnostic, ils mettent en évidence la fin du modèle actuel du logement social issu de la loi de 1977 et qui devait permettre à chacun de bénéficier d’un logement dans la limite d’un taux d’effort acceptable.

Sont notamment distinguées les populations relevant de l’assistance, de la solidarité et du marché pour leur accès au logement. En 30 ans la première catégorie a évolué de 100 000 à 3 000 000 de personnes et dans le même temps on a vu apparaître une catégorie qualifiée de "moins pauvres exclus du marché". Bloqués dans le logement social et sans aides au logement ces derniers condamnent de facto d’autres qui en auraient encore plus besoin d’y trouver une solution.

Alors que les populations au seuil de pauvreté ont significativement diminué de 18 à 13% entre 1970 et 2008, la hausse des dépenses contraintes et l’enrichissement des plus riches ont accru le sentiment d’inégalité.

Le logement joue d’ailleurs un rôle prépondérant dans la construction de ces inégalités, de 1998 à 2004 seuls les 30% des ménages les plus pauvres ont vu leur patrimoine s’amoindrir.

Les accidents de la vie, au rang desquels les divorces justifiant pour l’essentiel à la fois une demande de logement croissante mais également une pauvreté accrue, contribuent à l’urgence et aux frustrations ressenties par de nombreux ménages face à leurs difficultés d'obtenir un logement adapté à leurs besoins.

Les auteurs démontrent également la mauvaise place faite à la jeunesse qui n’a jamais eu depuis les années 30 une situation si dégradée en matière de revenu et de précarité à l’exception depuis 2000 de l’accès à la propriété qui s’est redressée chez les jeunes en lien avec la transmission anticipée de fortune entre les générations et le développement d’une accession à la propriété à bas coût souvent loin des villes.

Des solutions originales sont avancées face à ce constat implacable. La rareté des moyens budgétaires est prise en compte et c’est une habile péréquation des loyers qui constitue la proposition principale.

Partant de la nécessité de faciliter l’intégration dans un logement social des personnes aux plus faibles revenus ou le maintien dans leur logement de ceux dont les revenus baissent brutalement, un loyer adaptable au revenu est envisagé dans le respect d’un taux d’effort acceptable. L’application du Droit au logement s’en trouverait également amélioré grâce à une fluidité accrue entre les structures d’hébergement et un logement pérenne.

Une contrepartie sans doute juste mais douloureuse est prévue dans la hausse des loyers pratiqués pour les ménages les plus aisés qui devraient accepter un d’effort accru limitant tout effet d’aubaine lié au maintien dans un logement à bas coût sans justification sociale.

Limité au niveau de loyer du marché, ce dispositif n’a pas vocation à écarter ces ménages du logement social, préservant ainsi la mixité sociale.

Crise des liens, crise des lieux, solidarité et logement, ce sont bien les questions auxquelles est confrontée Cécile Duflot, elle devra sans doute trancher parmi des intérêts divergents pour dégager une politique utile pour tous et adaptée aux évolutions de la société. A défaut de propositions hardies, le Droit au logement, le Logement d’abord risqueraient bien de ne rester que des slogans sans issues concrètes tandis que les hivers succéderont aux hivers assurant certes longue vie à la Fondation Abbé Pierre mais également de grandes désillusions pour nos concitoyens.

 

*Hervé Le Bras, Pierre Carli -Crise des liens, crise des lieux. Pour un logement social solidaire Edition de l’aube-Travail effectué avec un groupe d’experts et de praticiens du logement social Gérard Salmona, Olivier Brachet, Serge Guérin, Dominique Hoorens, Eric Lamoulen, Olivier Landel, Christine Nassiet-David, Eric Pliez, Michel Rouge, Cédric Van Styvendael.


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2 réactions à cet article    


  • Robert GIL ROBERT GIL 29 octobre 2012 12:31

    Non seulement il manque des logements, mais certains appartement proposés à la location sont insalubres et les loyers de plus en plus chers ! Même en travaillant, il devient impossible de se loger, et de nombreux jeunes sont obligés de rester chez leurs parents ! Il faut donc encadrer les prix des loyers, et ne plus laisser la fameuse main invisible décider de tout. Lorsque dans les années 70 on a libéré les prix des loyers, c’était pour que soit disant la concurrence régule le marché ! Et on en est ou aujourd’hui ???

    Voir :
    http://2ccr.unblog.fr/2012/01/06/le-logement-une-priorite/


    • ZenZoe ZenZoe 29 octobre 2012 13:45

      Le problème du logement ne date pas d’hier. Pour rappel d’abord, la pénurie a toujours existé, surtout dans les grandes villes. Les logements insalubres et les proprios ripoux ont toujours existé. Par exemple, la situation n’était pas meilleure il y a seulement 40 ou 50 ans. Les garnis (aussi appelés meublés) aux meubles pourris, aux lits pleins de punaises quand ce n’était pas des rats, les chiottes bouchées sur le palier pour tout un immeuble, l’eau courante à un robinet dans la cour en bas ou à une fontaine sur la place dans les villages, les dégueulis d’ivrognes sur les murs et les odeurs d’urine partout. Je n’exagère pas, ce sont quelques-uns de mes souvenirs d’enfance. Frédéric Dard avait les mêmes et je suis fière d’avoir un point commun avec lui.
      Mais revenons à aujourd’hui.
      La cause première est une trop grande concentration de la population dans les grandes agglomérations - où le travail existe bien sûr, rien de surprenant là. Ajoutons à cela des infrastructures de transport inadaptées qui font que les gens préfèreront toujours se loger le plus près possible de leur boulot, et vous avez un problème grandissant.
      La construction de logements en zones denses étant difficile, on obtient vite un déséquilibre entre offre et demande, qui fait monter les prix en flèche et empêche beaucoup de précaires à accéder à un logement.

      A mon sens, ce problème de logement ne pourra pas être résolu sans d’abord tenter de mieux répartir l’emploi et les administrations dans toutes les régions, en favorisant le retour dans les zones rurales, en développant le télétravail par exemple, en réhabilitant l’agriculture, les services de proximité, en remettant des services publics là où on les a enlevés etc. Il me semble que le reste devrait suivre.

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