La réforme de la carte militaire fait des dégâts collatéraux
Au nom de la de la révision générale des politiques publiques (RGPP), le ministère des Armées est touché par un plan de réorganisation-restructuration sans précédent. Au nom de regroupements de sites, de réductions d’effectifs, de nombreuses villes de garnison s’apprêtent à souffrir. Conscient des traumatismes suscités par son plan, le ministre de la Défense, Hervé Morin a demandé à François Fillon la mise en place rapide « d’outils d’accompagnement social adaptés ». A sa façon et sans plus de gants, l’Etat reproduit des pratiques de délocalisation dignes du capitalisme sauvage. Ce n’est pas un simple aménagement, un simple toilettage de la carte militaire, mais un bouleversement. Dans le mauvais rôle, celui du fossoyeur, Hervé Morin. Le ministre de la Défense s’en rend compte un peu tard, mais contraint par ses ambitions personnelles à manger son maroquin. Le 28 mars dernier, il alertait par courrier le Premier ministre. En vain.
Le ministre relève pourtant que le plan va entraîner « une modification considérable des implantations territoriales des unités », et imposer aux personnels civils concernés une mobilité géographique et fonctionnelle « inédite dans son ampleur ». Un effort supérieur à celui mené entre 1997 et 2002 dans le cadre de la professionnalisation des armées qui s’était traduit par une réduction d’effectifs d’environ 15 000 personnes sur six ans.
On attend toujours la réponse de François Fillon. Est-il il est vrai le bon interlocuteur ? Le dysfonctionnement de l’exécutif est propice à tous les doutes. En attendant, collectivités et personnels concernés sont inquiets. Les élus ont utilisés les mécanismes d’alerte habituels.
L’Association des maires de France (AMF), réunie le 30 avril dernier a dans un communiqué regretté le manque de transparence de la réforme, et “la nécessité de respecter le principe de l’équilibre des territoires et de leur aménagement qui doit tenir compte des spécificités locales”. Derrière la notion d’équilibre, on retrouve celle largement oubliée par l’Etat d’aménagement du territoire.
Si une garnison est supprimée sur leur territoire, les élus demandent à l’Etat de “mettre en place un plan d’accompagnement permettant de compenser les préjudices économiques et financiers subis par les communes, à travers la création d’un fonds spécifique”. Ces préoccupations sont partagées par les élus de tous bords. A Bordeaux, par exemple, le maire et ancien Premier ministre, Alain Juppé, ne ménage pas ses efforts pour obtenir que l’Ecole de santé navale ne soit pas supprimée.
Mais, ce sont les petites collectivités rurales qui sont les plus exposées aux conséquences économiques de ces fermetures. L’Association des petites villes de France a rappelé le poids de l’impact économique et social qu’auraient ces restructurations sur les communes concernées, d’autant plus qu’il s’agit pour leur majorité de petites villes qui ont déjà dû faire face à d’importantes réorganisations des services de l’Etat (succursales de la Banque de France, des douanes, des commissariats, de la carte hospitalière et de la carte judiciaire…). Là encore, l’absence criante de concertation est dénoncée.
La méthode elle-même pose problème. On annonce des mesures, la fermeture d’une trentaine de sites et la suppression au final de 42 000 postes et après seulement est évoqué la réalisation d’une étude d’impact susceptible de déboucher sur des solutions alternatives.
La réorganisation de la carte militaire va donner lieu à une « densification » d’implantations, par un regroupement de certaines unités, et surtout par la création de quelque quatre-vingt-dix « bases de défense » conçues pour permettre une mutualisation des fonctions de soutien, dans une logique interarmées.
L’Est de la France est particulièrement touché. A Bitche, ville-citadelle de Moselle, décorée de la légion d’honneur en 1919, l’incompréhension est totale. En février dernier, dans le cadre d’une opération ville morte, près de 700 personnes manifestaient pour le maintien du 57e régiment d’artillerie. Tous ont conscience de la catastrophe économique que représenterait un tel départ. “Si le 57e RA est dissous, les 1 300 civils travaillant pour la garnison perdront leur emploi et 2 500 personnes devront quitter Bitche”, ville comptant quelque 5 700 habitants, a déclaré Yves Peiffer, délégué FO pour la région Terre Nord-Est.
Le Limousin, terre traditionnellement de gauche serait également particulièrement concerné. Limoges très lourdement touchée qui abritait jusque-là le 4e état-major de l’armée de terre, mais, aussi, Tulle et Guéret qui perdraient deux structures militaires.
Les syndicats des personnels civils de la Défense devraient annoncer une grève nationale peu avant le 19 juin, jour où Hervé Morin doit présenter officiellement la liste des sites militaires touchés par la réorganisation.
En vidéo : manifestation de Bitche
Illustration : Ville de Bitche (crédit photo : Cliophoto-Claude Robinot)
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