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Accueil du site > Actualités > Société > La salle d’attente

La salle d’attente

Il pénétra dans l'immeuble l'angoisse au corps et la démarche mal assurée.

La lourdeur de ses cinquante huit ans pesait sur ses épaules comme pèsent sur les étagères des bibliothèques les beaux livres reliés de cuir qui ne sortent jamais et pourtant combien loquace ils auraient été si on les avait ouverts.

La voix teintée d'une gêne toute provinciale et le ton trop bas, Il se présenta à l'accueil et récita à l'hôtesse son nom et l'objet de sa présence à la manière d'un enfant de paysans se présentant à l'entrée d'une grande école de la ville.

Le sourire grenat de la jeune fille mêlé à un discret parfum de lavande le replongea dans un monde qu'il avait jadis connu mais il y a si longtemps.

Il prit place sur l'un des fauteuils de cuir et passa sa tenue en revue.

Il portait un costume de flanelle grise, seul rescapé d'un passé confortable et relique d'une carrière brillante qui avait depuis une dizaine d'années emprunté le sentier obscure de ceux qui devenu trop vieux devaient céder leur place aux fringants trentenaires armés de sourires carnassiers et de smartphones.

Il avait prétexté un rendez vous galant pour emprunter à l'un de ses amis une chemisette de marque et quelques gouttes d'un parfum trop cher pour lui à l'image d'une cendrillon usurpant sa condition pour s'assurer l'entrée d'un bal où la pacotille et le clinquant sont les gages de ceux qui sont bien nés.

Il n'avait malheureusement pas trouvé le moyen de lui emprunter sa serviette de cuir et dut se contenter d'une pochette de plastique où il avait soigneusement rangé son CV et sa lettre de motivation comme l'aurait fait un hobereaux de ses titres de noblesse pour attester de son droit à jouter avec les chevaliers de la cour.

La porte du DRH s'ouvrit comme celle du purgatoire de Dante ; apparut alors un quadragénaire aux dents trop blanches et au teint hâlé qui l’invita à entrer.

Il se leva et prit garde à dissimuler en tirant sur sa manche sa montre de quartz qu'il jugeait indigne de ce rendez vous et répondit à son interlocuteur un révérencieux : "bonjour monsieur le directeur".

Ayant passé le pas de la porte, son claquement résonna dans sa tête comme l'aurait fait le marteau d'un juge prêt à annoncer sa sentence.

Il s'avait qu'allait avoir lieu le moment fatidique où à la faveur d'un avis, pourrait se dessiner devant lui la fin de carrière honorable qu'il espérait ou s'abattre la phrase consacrée :

 

"Votre candidature est intéressante, mais nous n'avons hélas pour le moment aucun poste qui puisse vous correspondre."

 


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2 réactions à cet article    


  • zygzornifle zygzornifle 15 juillet 2015 18:59

    a 58 ans il n’y a plus qu’en politique ou on est dans le coup ...... au sénat on est un jeune con ....


    • Ryokan81 16 juillet 2015 02:07

      Je confirme : c’est du vécu.
      A cela, il faut ajouter les faux entretiens qui servent d’entrainement aux jeunes recruteurs (et recruteuses)

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