C’est une des caractéristiques de notre époque, qui vaut aussi bien pour nos dirigeants politiques que pour les dirigeants de nombreuses entreprises. Secoués comme des pruniers par une actualité dont ils n’arrivent plus à s’extraire pour réfléchir et prendre de la distance, l’immédiateté tue réflexion et action.

Réagir plutôt qu’agir
Nicolas Sarkozy représente sans doute un des prototypes de ces dirigeants qui ne réfléchissent plus, mais se contentent de réagir promptement, mais superficiellement, à toute actualité. C’est ainsi que pendant les années qu’il a passées comme ministre de l’Intérieur, il a multiplié les déclarations viriles et les projets de loi plus ou moins sécuritaires. Ce faisant, il a donné l’impression d’être un ministre efficace, sur tous les fronts. Pourtant,
pour qui examine d’un peu plus près son bilan, il est extrêmement mauvais. En effet,
le nombre de coups et blessures a augmenté de plus de 60%, une dégradation bien plus importante que sous Jospin… Il est, paradoxalement, celui qui a mis fin à la double peine.
Ce monde de la réaction est profondément dysfonctionnel. D’abord, parce qu’il est incapable de voir plus loin que le bout de son nez, les problèmes se sont jamais véritablement traités. Ces dirigeants à courte vue ne font que concevoir des rustines, qui génèrent souvent d’autres problèmes, amenant d’autres rustines… etc.
Un député a imaginé un projet consistant à donner une ristourne pour les personnes qui font du covoiturage sur l’autoroute. Théoriquement, ce n’est pas inintéressant, pour qui n’est pas rebuté par la complexité de la mesure. Mais en fait, cette mesure risque surtout d’être un formidable effet d’aubaine pour certains, sans véritablement changer les comportements.
Une société complexe et injuste
Mais il y a un second problème avec cette société de la réaction, outre le fait de ne pas véritablement régler les problèmes. A force d’empiler les réactions législatives et fiscales superficielles, notre société devient extraordinairement complexe, créant un maquis obscur qui ne protège plus réellement ceux qui auraient un véritable intérêt à être protégés mais finit par ne faire que servir ceux qui en profitent pour défendre leurs intérêts personnels. C’est ce qui permet
aux multinationales du CAC40 de ne payer que 8% d’impôts sur les sociétés contre 22% pour les PME… En outre, cela permet à certaines multinationales de pratiquer à grande échelle la désertion fiscale,
comme l’avait révélé Marianne.
On en arrive aux aberrations de la société moderne où, pour « protéger » les citoyens consommateurs, on multiplie les procédures ou les textes légaux, qu’il convient d’accepter comme si on les avait véritablement étudiés, mais que personne ne maîtrise tout à fait, certains n’étant que des agitations légales sans impact, d’autres étant en revanche des opportunités d’arnaques légales à la faveur d’entreprises habiles légalement. Car si les règles peuvent protéger ceux qui en ont besoin, l’excès de règles extrêmement complexes ne finit que par favoriser les plus forts, qui, seuls, ont les moyens de défricher ce maquis pour en exploiter toutes les opportunités, alors que le péquin lambda ne peut que s’y perdre.
Il faut bien reconnaître que les évolutions technologiques, (qui font que j’écris) aggravent sans doute cette tendance à la myopie de nos sociétés, où les réactions superficielles priment sur l’action de fond. Un jour, tôt ou tard, nous parviendrons enfin à reprendre plus de recul sur le cours de nos vies.