Le 22 à Asnières ou l’anticommunication
Je vais passer pour une vieille conne (j’y ai l’agréable compagnie de Philippe Delerm – mais son titre sonne moins bien au féminin !) si je vous dis que je râle sans arrêt contre les abus de la communication qui tuent la communication.
Je m’explique : toute personne normalement constituée et intégrée à notre époque (dont on a le droit de penser pis que pendre, mais quand même, c’est ici et maintenant que l’on vit) possède actuellement un téléphone fixe + un téléphone portable + un ordinateur avec une adresse mail et une adresse de réseau social. Soit au moins quatre possibilités d’être contactée à tout moment.
Et quelle est la phrase que l’on entend le plus autour de nous ?
J’AI PAS REUSSI A TE JOINDRE !
M’enfin, dirait Gaston, y’a un problème ?
Ouais, un gros problème. Ou plutôt plusieurs problèmes qui s’accumulent, et nous renvoient en pleine figure l’existence d’une énorme solitude en plein cœur de la foule.
La technique, d’abord. C’est super, les nouvelles technologies, mais ça marche jamais. J’étais pas connecté (et comment je pouvais le savoir ?)… j’avais plus de batterie (même réflexion)… mon serveur était en panne (idem)… Ah zut, on a été coupé… Toutes ces petites pannes quotidiennes qui donnent bonne conscience quand on « oublie » simplement de décrocher parce qu’on n’en a pas envie.
La psychologie, ensuite. Puisqu’on sait très bien qu’on a de multiples possibilités de se parler, on ne fait pas l’effort de le faire, on verra ça plus tard… Y’a toujours quelque chose d’urgent sur le feu, n’est-ce-pas ?
J’étais sur mon portable (quand on appelle sur le fixe, et lycée de Versailles). j’étais coincé sur l’ordinateur (quand ça sonne dans le vide) ou excuse-moi, je dois répondre au téléphone (quand on réussit à se parler en direct sur le net). Sans oublier le pire du pire : je suis en face de toi, mais tu réponds à la sonnerie de ton i-phone, c’est sûrement important. Et moi je reste planté là, comme disait Balavoine, et ça réveille en moi des envies de meurtre quand ça se reproduit toutes les cinq minutes !
C’est un constat accablant que je ne commente même pas, suffit de se référer à la simple évidence.
Ayant atterri aux Urgences à la suite d’un malaise que l’on diagnostiqua cardiaque, mais sans gravité, je tombe sur un jeune interne qui me conseille de prendre un rendez-vous pour une échographie du coeur.
- « C’est où ?
- Là, juste au-dessus !
- Bon, j’y vais.
- Non, vous bougez pas.
- Alors, j’appelle.
- Non, c’est interdit.-
- Vous, appelez, alors…
- O.K… Mais zut, ça marche pas !
- Alors je fais comment ?
- Ecoutez, le plus simple, c’est que vous rentriez chez vous, vous allez voir votre médecin et vous lui demandez de téléphoner pour prendre un rendez-vous ici. »
Le plus simple, bien sûr. Et 26 euros de plus pour le trou de la Sécu, alors qu’il y avait juste quelques marches à grimper !
Effarée, je lui demande si ça ne lui rappelle pas le 22 à Asnières.
Il me lance alors un regard oblique signifiant que ça n’est pas du cœur que je suis malade. Evidemment, il ne doit pas avoir plus de 25 ans !
Autre exemple : pour prendre rendez-vous avec un conseiller à La Poste de mon village (pas plus de 2 minutes à pieds), je dois depuis peu passer par une plate-forme d’appel en 36 où un jeune homme, charmant au demeurant, me demande comment ça s’écrit déjà le nom de mon bled… Oui c’est vrai, il est à l’autre bout de la France ! Et il est inutile que je me déplace, l’agenda aussi est délocalisé.
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