Le bébé chute de plusieurs étages, il s’en sort indemne ; pas ses parents...
La plupart des journalistes et autres commentateurs avaient décidé d’en faire "un miracle" ; après tout, pourquoi pas ?
Il est vrai que l’histoire de ce petit bébé d’à peine 18 mois qui fait une chute de 6 ou 7 étages (selon les sources) et rebondit sur le auvent d’un café avant d’être rattrapé par un passant méritait sûrement d’être qualifié ainsi ; et ce d’autant que l’enfant n’a apparemment rien eu (il a juste un peu pleuré avant de s’endormir) et que le café en question était fermé ce jour de Toussaint mais que le système mécanique était défaillant et n’avait heureusement pas permis de remonter le store.
N’en jetons plus, tout était réuni pour pondre de beaux articles ou même carrément faire l’ouverture de certains journaux télévisés avec un maximum de détails et, si possible, quelques témoignages comme pour présenter une lueur d’espoir, un instant de bonheur et de chance avant de passer au traditionnel développement des autres informations toutes plus réjouissantes les unes que les autres.
Mais l’histoire ne s’arrête pas vraiment là.
Deux heures après les faits, de retour d’une promenade, les parents ont eu à peine le temps d’apprendre que le garçon était parti à l’hôpital sain et sauf que les policiers les ont interpellé et placé en garde à vue ; mesure renouvelée le mardi dans la soirée.
Et au final, selon une source judiciaire (comme disent ceux qui nous transmettent ce que nous devons savoir), ils devraient être convoqué pour délaissement de mineurs et "blessures involontaires par manquement à la sécurité".
Normal pour des si mauvais parents se diront sans doute certains...
Ouvrons le gros bouquin rouge juste à côté de moi et lisons tous ensemble le contenu de l’article 227-1 du code pénal :
"Le délaissement d’un mineur de quinze ans en un lieu quelconque est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100000 euros d’amende, sauf si les circonstances du délaissement ont permis d’assurer la santé et la sécurité de celui-ci."
Le texte n’en dit pas plus.
Une lecture a contrario de la disposition permet tout de même de penser que le délaissement suppose l’impossibilité d’assurer la santé et la sécurité.
C’est donc vers le juge qu’il faut se tourner pour en apprendre plus.
Un arrêt du 23 février 2000 est particulièrement intéressant sur ce sujet.
Dans cette affaire, la Cour de cassation a étrangement statué sur le fondement de l’article 223-3 qui réprime le délaissement d’une personne hors d’état de se protéger alors qu’au moins deux des enfants concernés avaient moins de quinze ; le visa de l’article 227-1 du code pénal aurait sans doute était plus approprié.
Mais l’essentiel n’est pas là et les conclusions développées par la chambre criminelle concernent aussi bien la première que le deuxième disposition citée.
En l’occurrence, la haute juridiction nous rappelle, comme on s’en doutait, que "le délit de délaissement suppose un acte positif, exprimant de la part de son auteur la volonté d’abandonner définitivement la victime"
De cela, il est possible de tirer quelques déductions concernant la situation des parents de ce petit bébé miraculé de dix-huit mois.
D’abord, si le texte législatif applicable ne précise pas clairement que l’abandon doit avoir un caractère définitif, la solution dégagé dans l’arrêt du 23 février 2000 montre que la Cour cassation là.
Cette exigence permet alors d’exclure certains comportements du champ de la répression.
Pour certains auteurs, le défaut de surveillance, voire la négligence, ne suffit pas pour caractériser le délaissement.
De plus, comme tout autre délit, l’infraction définie à l’article 227-1 suppose une intention de la part de l’agent.
Dans notre cas, la chambre criminelle réclame que soit rapportée la preuve de la volonté d’abandonner la victime.
Ainsi, le fait "d’oublier" un enfant sur une aire d’autoroute ne serait pas non plus réprimable sur ce fondement en raison du défaut d’intention coupable.
Alors, quel sera le dénouement de cette histoire ?
Je ne le sais pas et je me permettrais pas de prendre la place de ceux qui seront chargés d’écrire la conclusion.
Le retour des parents (certes, celui-ci intervient plusieurs heures après les faits) remet peut-être en cause une quelconque expression de la volonté d’abandonner définitivement leur petit garçon et leur petite fille.
Le très jeune âge des deux enfants aura-t-il toutefois une influence sur la décision judiciaire qui sera prise.
Je ne sais rien de tout cela ; je me contente seulement d’y réfléchir un peu... peut-être très mal me direz-vous...
L’avenir nous en dira plus et je pense que les médias se feront un plaisir de nous informer sur la suite donnée à cette affaire.
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