Le bracelet électronique : mieux punir et mieux surveiller
Le haut niveau d'incivilité et de violence existant actuellement dans la société française, joint à ses difficultés économiques, et à sa volonté de punir de manière plus douce que dans l'ancien temps, tout en préservant au mieux en elle un climat de respect des autres et des lois, sont un ensemble de contraintes qu'elle a de plus en plus de mal à affronter. Dans le sillage de Bentham, on pourrait envisager que, pour desserrer ces contraintes, elle ait recours à des innovations technologiques : plus précisément, qu'elle ait recours au bracelet électronique.
Les problèmes rencontrés par la France pour punir les coupables.
Comme cela est bien indiqué par Hobbes, si la société française veut établir en elle, autant que possible, des comportements respectueux des autres et des lois, alors il lui faut punir un minimum ceux qui ne respectent pas ces choses : afin de les neutraliser, et de dissuader les autres de faire comme eux. Comme Kant peut aider à le penser, la société française doit aussi faire cela, pour réparer l'injustice qui a voulu que tel faible se trouve à la merci de tel fort mal intentionné, et pour pouvoir légitimement demander aux forts de ne pas se faire justice eux-mêmes. Par ailleurs, la société française ne veut pas traiter trop durement les coupables : ne pas les punir de mort, ou par un châtiment corporel, ou par l'amputation d'un membre, ni les envoyer au bagne, aux galères, ou dans des prisons trop insalubres... Les punitions, plus douces, qu'elle veut infliger, lui coûteraient souvent plus cher. À cela s'ajoute le fait qu'actuellement, le climat de respect des autres et des lois, dans la société française, est en mauvaise santé : non seulement, donc, chaque punition qu'elle veut infliger coûte, par sa douceur, relativement cher, mais en plus, il y a en elle beaucoup de gens qui font des actes méritant d'être punis, si bien que, s'il faut punir tous les coupables comme prévu, cela reviendrait très cher. Or enfin, la société française est aujourd'hui dans une période de difficultés économiques, qui limitent fortement les moyens financiers de l'État.
La société française a de plus en plus de mal à affronter ces contraintes : la distance se creuse entre ce qu'elle dit qu'elle fait, et ce qu'elle fait réellement. Si elle faisait ce qu'elle dit, elle punirait tous les coupables, de manière assez rapide, et dans des prisons en bon état, et non surchargées. Mais ce qu'elle fait réellement est d'avoir des tribunaux en manque d'effectif, et par suite des punitions pas assez, ou pas assez vite appliquées, puis des prisons insalubres et surchargées. Par là, les coupables sont perdants, quand ils attendent trop longtemps leur punition, ou subissent, au cours de leur peine, d'autres choses non prévues par la loi, liées à la surpopulation et à l'insalubrité. Ils sont encore perdants quand à cause de cela, la prison renforce trop en eux de mauvaises dispositions. La société est elle aussi perdante, quand les peines ne sont pas assez, ou pas assez vite, appliquées, ou quand les coupables sortent de prison avec de mauvaises dispositions trop renforcées par elle.
Il est vrai que l'état de violence et d'injustice qui s'installerait dans la société, si elle cessait de punir un minimum les fautes, sera toujours bien pire que la dureté de ces punitions, quels que soient les moyens financiers qu'elle a pour infliger chaque punition. De plus, ceux qui ne commettent pas de fautes ne doivent pas payer, en vivant dans un tel état de violence et d'injustice, pour ceux qui par leurs fautes établiraient un tel état. Lorsqu'un homme commet une faute, au sein d'une société qui dispose de tels moyens financiers, et en laquelle la délinquance atteint tel niveau, il est donc nécessaire que la société punisse cet homme, quels que soient ces moyens financiers et ce niveau de délinquance. Autrement dit, le fait que cet homme soit puni, avec un niveau de douceur qui reste dans les limites des possibilités de la société, est une conséquence des actes de cet homme. La société ne doit donc pas avoir de scrupules, en punissant tous les coupables, avec un niveau de douceur qui reste dans les limites de ses possibilités : les coupables récoltent alors les conséquences de leurs actes, et ce n'est qu'à eux-mêmes qu'il faut qu'ils s'en prennent, si ces conséquences sont désagréables.
Cela étant dit, même quand c'est nécessaire et justifié, cela ne fait pas plaisir de condamner des coupables de manière très dure. Pour cette raison, on devrait trouver bienvenues toutes les innovations technologiques qui pourraient desserrer ces contraintes, par lesquelles s'élève la dureté nécessaire des peines.
La solution du bracelet électronique.
Une telle innovation pourrait être le bracelet électronique. Par exemple, on pourrait décider de continuer de punir comme aujourd'hui, fréquemment par de la prison, les actes les plus graves : parmi lesquels les violences contre les personnes, directes, c'est-à-dire agressions physiques, ou indirectes, c'est-à-dire vandalisme. Par contre, les actes les moins graves, plutôt malhonnêtes que vraiment méchants, tels les vols, les trafics, les fraudes..., pourraient parfois recevoir une punition autre que la prison, basée sur le bracelet électronique. Concrètement, ce genre de punition pourrait consister à accrocher, à la cheville du coupable, un petit bracelet doté d'un GPS : par lequel les autorités pourraient savoir à tout moment où il se trouve. La durée de port de bracelet pourrait être plus longue que pour la prison, par exemple, 1 an de bracelet au lieu d'1 mois de prison, 12 ans de bracelet au lieu d'1 an de prison... Le porteur du bracelet pourrait être soumis à des obligations, comme des travaux d'intérêt général, le respect d'un couvre-feu... Le porteur du bracelet ne pourrait commettre de nouvelles fautes sans que les autorités le sachent : s'il agresse quelqu'un, participe à une émeute, brule une voiture, cambriole une voiture ou une maison, passe une douane..., la police saura qu'il était sur les lieux de l'agression, de l'émeute, de l'incendie de la voiture, du cambriolage, au moment où cela a eu lieu, ou les douaniers sauront qu'il s'apprête à passer la douane... Les obligations auxquelles le porteur du bracelet serait soumis, pourraient s'alléger au fil du temps, par exemple, sur une période de 5 ans de bracelet, seulement la première année avec des travaux d'intérêt généraux, les deux premières années avec un couvre-feu tous les soirs, les quatre premières années avec un couvre-feu tous les soirs sauf le vendredi et le samedi...
Dans le cas où elle s'applique aux fautes les moins graves, la peine de bracelet ne serait pas une manière déguisée, pour l'État, de cesser de punir ces fautes. Dans ce cas, cette peine garde son côté dissuasif, et suffit pour faire justice, car elle reste assez lourde à côté d'une faute comme un vol, trafic, une fraude... Elle permet de neutraliser les porteurs de bracelets, par le couvre-feu, ou parce qu'ils savent qu'ils ne peuvent commettre une faute, ou même passer une douane..., sans que les autorités le sachent.
Par ailleurs, les avantages d'une telle punition, à la place de la prison, seraient considérables. Premièrement, la peine de bracelet ne coûte rien à la société, et même lui rapporte si elle s'accompagne de travaux d'intérêt général, tandis que la peine de prison coûte cher. Les prisons seraient ainsi désengorgées : il deviendrait à nouveau possible de punir comme il faut tous ceux qui commettent des fautes plus graves ; et comme les prisons où ils iraient seraient moins surpeuplées, elles renforceraient moins leur disposition à mal se comporter. Peut-être même que le dispositif carcéral français deviendrait trop gros, ce qui permettrait à l'État de faire des économies en le réduisant. Deuxièmement, le bracelet évite d'envoyer des coupables souvent moins méchants que ceux qui commettent des fautes graves, côtoyer ces derniers dans des prisons surpeuplées, et ressortir de prison bien plus disposés à mal se comporter. Troisièmement, le bracelet peut être appliqué à des coupables qui de toute façon n'auraient pas été punis à de la prison ferme : les petits actes de délinquance peuvent être plus punis, en ajoutant le bracelet à une peine de prison avec sursis ou à une peine de travaux d'intérêt général. Les peines sanctionnant ces petits actes de délinquance deviennent ainsi plus dissuasives. Quatrièmement, comme la peine de bracelet peut durer beaucoup plus longtemps qu'une peine de prison (1 an de bracelet au lieu d'1 mois de prison, etc...), elle permet de neutraliser les gens mal disposés à respecter les autres ou les lois, pendant beaucoup plus longtemps que ne le permet la prison. Cinquièmement, les porteurs de bracelets restent au sein de la société, tout en respectant mieux les autres et les lois, et même des obligations comme le couvre-feu : ils prennent de meilleures habitudes, peuvent plus difficilement se renvoyer à eux-mêmes, et à leur entourage, une image de "rebelles", ou de délinquants, donnent alors un meilleur exemple... Sixièmement, la société souligne mieux la gravité des fautes les plus graves, en leur donnant un statut particulier, leur réservant plus la prison : cela peut renforcer la dissuasion de faire ces fautes plus graves. Septièmement, la peine de bracelet peut sembler plus juste, car plus proportionnée que la prison à la faute commise, quand la faute en question n'est pas trop grave, comme un trafic, vol, une fraude...
Il est possible qu'au départ, les Français soient réticents face à une large utilisation du bracelet, parce qu'ils s'imagineraient que c'est une manière déguisée de cesser de punir certains coupables. Mais des hommes politiques courageux ont à leur disposition de nombreux arguments, pour les convaincre que loin d'être une telle chose, une plus grande utilisation de cette innovation pourrait, en vérité, résoudre certains problèmes graves rencontrés par le système judiciaire et carcéral, et renforcer la sécurité dans le pays.
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