Le caractère propre de l’Enseignement Catholique
Le caractère propre introduit dans la Loi Debré en 1959 est une notion complexe et multiforme.
Il permet à l'enseignement catholique dans le cadre de la formation de tous les enseignants de proposer une formation à la prise en compte du fait religieux et aux principaux éléments de la culture chrétienne dans le cadre d'une matière.
Il permet à des chefs d'établissements catholiques d'annualiser les horaires par matière en mettant de séquences de 50 minutes au lieu d'une heure et d'imposer à un enseignant 21 séquences de 50 minutes plutôt que 18 séquences d'une heure.
Le caractère propre introduit dans la Loi Debré en 1959 est une notion complexe et multiforme.
Il permet à l'enseignement catholique dans le cadre de la formation de tous les enseignants de proposer une formation à la prise en compte du fait religieux et aux principaux éléments de la culture chrétienne dans le cadre d'une matière.
Il permet à des chefs d'établissements catholiques d'annualiser les horaires par matière en mettant de séquences de 50 minutes au lieu d'une heure et d'imposer à un enseignant 21 séquences de 50 minutes plutôt que 18 séquences d'une heure, de supprimer certains horaires et certains référentiels dans certaines classes.
Il permet à des chefs d'établissements d'organiser des réunions pédagogiques pour les enseignants uniquement sur l'aspect de la religion .
Il permet aux établissements de mettre en avant le caractère propre dans le règlement intérieur.
Une sanction peut alors être prononcée si l'on ne respecte pas le caractère propre de l'enseignement catholique :
Il permettra également de licencier une enseignante :
Ce fut le cas en 1975 lorsque l’assemblée plénière de la Cour de cassation a déclaré légitime le licenciement de Mme Roy, institutrice d’un établissement sous contrat simple, pour la raison qu’elle s’était remariée après avoir divorcé.
Quel est donc ce caractère propre de l’enseignement privé, qui, bien que non défini, ni du point de vue légal, ni du point de vue jurisprudentiel, permet à l’enseignement catholique d'utiliser ce caractère propre qui semble donner aux établissements des droits dans de nombreux domaines ( religieux, enseignement, environnement).
Regardons la loi Debré et notamment son article premier qui introduit le caractère propre :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/loidebre/sommaire.asp
Article premier.
Suivant les principes définis dans la Constitution, l'État assure aux enfants et adolescents, dans les établissements publics d'enseignement, la possibilité de recevoir un enseignement conforme à leurs aptitudes dans un égal respect de toutes les croyances.
L'État proclame et respecte la liberté de l'enseignement et en garantit l'exercice aux établissements privés régulièrement ouverts.
Il prend toutes dispositions utiles pour assurer aux élèves de l'enseignement public la liberté des cultes et de l'instruction religieuse.
Dans les établissements privés qui ont passé un des contrats prévus ci-dessous, l'enseignement placé sous le régime du contrat est soumis au contrôle de l'État. L'établissement, tout en conservant son caractère propre, doit donner cet enseignement dans le respect total de la liberté de conscience. Tous les enfants sans distinction d'origine, d'opinions ou de croyances, y ont accès.
Dès le début de la Loi, il y a cette notion de caractère propre avec son vis-à-vis : la liberté de conscience.
Ces deux notions peuvent paraître antinomiques et contradictoires en première instance, puisque le caractère propre tendrait à faire accroire que le chef d’établissement peut faire ce qu’il veut au nom du caractère propre, mais l’enseignant doit pouvoir mettre en avant sa liberté de conscience.
Les choses ne sont pas aussi simples, même en 2012 :
En effet, les chefs d’établissements et directeurs diocésains ne se gênent pas pour demander aux futurs enseignants leur religion, s’ils seront d’accord pour faire de la catéchèse, violant ainsi manifestement la liberté de conscience des enseignants, qui est aussi un droit constitutionnel.
Actuellement, dans la plupart des établissements privés catholique du 1° degré, les chefs d’établissements catholiques font faire une 28° heure de catéchèse (bénévole bien sûr) et peu d’enseignants osent refuser, alors qu’ils sont agents publics.
http://ec-ressources.fr/PVC/PVCdossier/PVCf2.pdf
Cette recherche et cette compréhension ne doivent pas nous emmener trop loin.
Une première analyse, basée sur la réalité des établissements catholiques s'impose
La réalité est simple :
La loi ne définit pas le caractère propre, la jurisprudence non plus.
On le discerne bien en distinguant ce qui relève de l'éducation et ce qui relève de l'enseignement. Le caractère propre, c'est la « valeur différente » de l'enseignement privé, le style de l'éducation, l'encadrement, les activités postscolaires, les formes de la vie pédagogique, les rapports avec les familles, avec les élèves, la disposition même des locaux, les valeurs au nom desquelles cet établissement a été créé... »
Dans l'Enseignement catholique, ce caractère propre correspond à cette approche, à cela près qu'il est lié explicitement à une anthropologie, à des finalités, à une conception de la culture, qui trouvent leur source dans la Bonne Nouvelle de l'Évangile.
La loi ne définit pas les établissements catholiques, mais les établissements privés.
Chaque établissement privé peut avoir son caractère propre, son ipséité, pour le dire plus concrètement.
Pour le conseil d’état, le caractère propre de l’enseignement catholique est lié à uneanthropologie et à une culture dont la source est le crédo de l’Eglise catholique et le Christ.
J’avais déjà à l’occasion fait un article sur l’opposition entre caractère propre et liberté de conscience.
La réalité des établissements catholiques est que la liberté de conscience est bafouée avec régularité et consciencieusement au nom du caractère propre.
Il n’y a pas du tout équilibre, puisque bien souvent les établissements organisent des réunions « pédagogiques » qui sont liées à la religion et non à l’enseignement. Les chefs d’établissements jouent de leurs pouvoirs pour imposer ce « caractère propre lié à la religion catholique ».
http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-waeselynck/131110/liberte-de-conscience-et-caractere-propre
L’ICP (Institut Catholique de Paris) dit clairement la même chose que le conseil d’état :
« Même si la tâche n’est pas toujours aisée, cela revient à la fois à prodiguer la catéchèse sans prosélytisme abusif et à éveiller à la connaissance des croyances et des convictions ; à respecter la dignité de chaque conscience ; mais également à procurer les meilleurs formations culturelles, éthiques, scientifiques et professionnelles ; tout cela pouvant être relu dans une perspective d’anthropologie chrétienne et à la lumière de la Doctrine sociale de l’Eglise. »
L’ICP va plus loin et considère que le droit canon a valeur à s’appliquer dans l’enseignement catholique, ce que nous, les syndicats (sauf le SPELC), refusons catégoriquement. En effet, la formation des chefs d’établissements est bien évidemment axée sur l’anthropologie chrétienne et sur le droit canon, les statuts des chefs d’établissements étant définis par les Evêques. L'enseignement catholique serait mieux inspiré de former les chefs d'établissements en droit social, comptabilité, gestion et droit réglementaire.....
L'enseignement catholique et l'Eglise catholique voient l’espace de liberté qui leur est accordé selon eux, et estiment que l'équilibre juridique d'aujourd'hui offre toutefois de larges espaces de liberté à l'enseignement catholique.
C'est au chef d'établissement, « véritable maître d'œuvre du projet éducatif fondé sur l'identité religieuse », qu'il revient de faire vivre le projet éducatif portant l'identité religieuse.
Sauf que l’établissement n’a pas le droit légalement de mettre des cours de catéchèse au milieu de l’emploi du temps.
Et que la plupart des élèves et des parents actuellement, mettent leurs enfants dans l’enseignement catholique à cause des résultats et pour des problèmes de mixité scolaire.
L’enseignement catholique a envisagé des « pistes juridiques » pour faire mieux respecter l'identité religieuse des établissements. Certains ont avancé l'idée que le droit privé et le droit des contrats pourraient permettre à l'enseignement catholique de mieux faire prévaloir son « caractère propre », au détriment de la liberté de conscience des professeurs. L’enseignement catholique a donc imaginé le message que les enseignants eux-mêmes souhaiteraient cette « avancée »
Voir
http://www.creer-son-ecole.com/index.php?page=news&id=32
et :
http://medias.formiris.org/cle_184_1.pdf
http://ep.inrp.fr/EP/colloques/colloque_repenser_justice/communication_sylvie_da_costa/
Le Concile de Vatican II affirme que le caractère propre de la foi suppose la liberté d'adhésion de l'homme croyant
« Par sa nature même, l'acte de foi a un caractère volontaire puisque l'homme, racheté par le Christ Sauveur et appelé Jésus-Christ à l'adoption finale, ne peut adhérer au Dieu révélé, que si, attiré par le Père, il met raisonnablement et librement sa foi en Dieu. Il est donc pleinement conforme au caractère propre de la foi qu'en matière religieuse soit exclue toute espèce de contrainte de la part des hommes. »
La réalité, comme je l’ai rappelé plus haut, c’est que certes, les chefs d’établissements ne peuvent imposer la foi à un enseignant, mais se permettent de proposer les heures bénévoles de catéchèse, les heures bénévoles de réunion liée à l’église catholique, lié à la religion catholique.
http://gdlyon.pagesperso-orange.fr/EcoleCatho.htm
Le conseil constitutionnel saisi par la droite et tous les députés UPMP adonné une décision touchant au caractère propre et aus enseignants.
On voit bien le lobby de l'enseignement catholique et la droite qui est son relais pour qu'aucune loi ne vienne à l'encontre des désirs de l'Enseignement catholique.
des modifications introduites à l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 31 décembre 1959 ( loi Debré) :
- - suppression dans la phrase : "Dans les classes faisant l'objet d'un contrat, l'enseignement est dispensé selon les règles et programmes de l'enseignement public" du mot "générales", introduit par la loi de 1971, après le mot "règles" ;
- - en ce qui concerne la nomination des maîtres, substitution des termes "en accord avec la direction de l'établissement" à ceux de "sur proposition de la direction de l'établissement" ;
- - suppression de la phrase : "Les maîtres assurant cet enseignement sont tenus au respect du caractère propre de l'établissement prévu à l'article 1er de la présente loi" ;
On voit bien sur ces propositions, que la Loi Debré et son carcatère propre sont toujours au centre d'apres négociations.
Le conseil constitutionnel dans son article 11, conclut ainsi :
Considérant qu'ainsi l'abrogation de la disposition de la loi du 25 novembre 1977 imposant aux maîtres enseignant dans les classes sous contrat d'association l'obligation de respecter le caractère propre de l'établissement n'a pas pour effet de soustraire les maîtres à cette obligation qui découle du dernier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1959 ; qu'une telle obligation, si elle ne peut être interprétée comme permettant qu'il soit porté atteinte à la liberté de conscience des maîtres, qui a valeur constitutionnelle, impose à ces derniers d'observer dans leur enseignement un devoir de réserve ;
Le respect du caractère propre par un enseignant pourrait se résumer à un devoir de réserve dans son enseignement (ce qui est quand même délicat à appliquer dans certains cours : histoire, philo, svt,...d'autant plus que l'enseignant, agent public, est soumis aussi à l'obligation de respecter les programmes et à une obligation de réserve vis à vis de l'Etat).
Néanmoins une obligation de réserve n'empêche pas d'aborder certains sujets dans son enseignement si c'est avec modération.
Le conseil constitutionnel s'est donc penché sur le caractère propre et en a en quelque sorte défini les limites :
- obligation de respecter le caractère propre de l'établissement
- le caractère propre ne peut être interprété comme permettant qu'il soit porté atteinte à la liberté de conscience des maîtres, qui a valeur constitutionnelle, impose à ces derniers d'observer dans leur enseignement un devoir de réserve ;
il est donc dès lors évident que l'enseignement catholique semble sortir outrepasser le cadre constitutionnel du caractère propre dans sa vision et sa communication sur la liberté de l'enseignement et "biaise" cette notion surtout quand elle voudrait faire des enseignants leurs instruments actifs du caractère propre.
La Loi sur le port des signes d'appartenance religieuse n’a pas concerné les établissements privés au nom du caractère constitutionnel du « caractère propre ».
http://www.senat.fr/rap/l03-219/l03-2198.html
Et pourtant, nombreux sont ceux qui pensent que l’enseignement catholique a perdu son « caractère propre ». Les parents mettent leurs enfants dans l’enseignement catholique pour d’autres raisons : mixité sociale, résultats aux examens, enfants « mieux tenus », devoirs et « meilleure préparation aux examens, sont certainement les choix mis en avant de la part des parents.
C’est également la perception d’un certain nombre d’Evêques dont Mr Cattenoz, qui, lui voulait imposer la religion dans toute sa dimension (mais il est très minoritaire) :
http://www.france-catholique.fr/Oublie-son-caractere-propre-l.html
C’est ce que fait apparaître Veille-Education, un site « pro-catholique ».
Pour l’enseignement catholique et l’Eglise Catholique, » l’éducation doit être donnée selon les principes traditionnels de l’éducation catholique ; les distinctions entre matières profanes et religieuses paraissent moins tranchées. L’enseignement religieux et la catéchèse y tiennent une place privilégiée. Enfin, l’organisation interne de l’établissement est marquée par l’esprit évangélique en ce sens que l’école doit être une communauté éducative et spirituelle ».
Il est évident que ce point de vue se heurte à l’obligation des établissements de dispenser les matières suivant les référentiels de l’Education Nationale. Peut-on faire de la Physique avec un esprit évangélique ? Par contre la question est beaucoup plus légitime pour des matières telle que l’économie, l’Histoire, la philosophie.
On imagine actuellement les chefs d’établissements qui pourraient faire pression sur les enseignants de philosophie pour leur faire parler de « l’amour » du point de vue de la religion catholique.
Bernard Toulemonde pense également que l’enseignement catholique, par le biais de son secrétaire général, a commis une faute juridique en appelant à des discussions sur le mariage pour tous dans les établissements catholiques. Il semble donc que le caractère propre ne permette pas tous les excès, l'enseignement privé ayant également des devoirs.
Enfin, le caractère propre s’invite jusque dans les conventions collectives puisque tous les personnels de droit privé s’engagent à respecter le caractère propre de l'établissement, y compris les psychologues.
ConventionsConvention collective nationale des personnels des services administratifs et économiques, personnels d'éducation et documentalistes des établissements d'enseignement privés du 14 juin 2004.
Caractère propre et projet éducatif.
Dans le respect de la liberté de conscience, les membres du personnel s'engagent à respecter le caractère propre de l'établissement, qu'il s'agisse ou non d'un établissement catholique d'enseignement.
Chacun participe, dans le cadre de ses fonctions, à la mise en œuvre et à la promotion du projet éducatif de l'établissement qui doit lui être communiqué dès son embauche.
- Convention collective nationale des psychologues de l'enseignement privé du 11 janvier 1985.
- Caractère propre.
Article 3 En savoir plus sur cet article...
Le psychologue respecte le caractère propre de l'établissement ou du service dans lequel il travaille.
Je mets ici quelques liens permettant d'éclairer cette notion de caractère propre de l'enseignement catholique :
http://www.fondationpourlecole.org/fr/articles/hors-contrat-et-caract-re-propre.html
http://blogs.mediapart.fr/edition/laicite/article/080210/caracteres-propres
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