Après avoir montré comment la globalisation néolibérale affaiblit nos démocraties en les soumettant à des règles uniformisantes qui tournent toujours pour les mêmes, Natacha Polony et ses co-auteurs consacrent une grande partie de leur livre « Bienvenue dans le pire des mondes » à la sérieuse remise en question du modèle républicain Français, éducatif, comme sociétal.

Entre dérive éducative et communautarisme
Pour eux, « ce qui est à l’œuvre est à la fois la destruction des barrières culturelles freinant le déploiement généralisé du néolibéralisme et de son corollaire, la globalisation, et le formatage systématique des individus, pour qu’ils adhèrent avec ferveur au modèle qui leur est proposé dans une insistance toute bienveillante (…) Avis aux doux rêveurs et aux fieffés ractionnaires : l’éducation n’a rien à voir avec la culture, la perpétuation d’une civilisation ». Pour eux, le projet éducatif, c’était « transmettre des savoirs dont l’assimilation modifie la personne et développe l’humanité en elle ». Mais prédomine le « reniement de toute forme de conservation des valeurs traditionnelles et des savoirs anciens ».
Ils citent «
L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes » de Michéa qui dénonce la mise en place de «
l’école du capitalisme total », et fait le parallèle entre l’abaissement du niveau et
le refus de renouvellement des élites : «
le marché se contente assez facilement d’une situation où seule une petite élite mondiale accède à la formation ». Ils dénoncent les exceptions au concours anonyme de Sciences Po. Pour eux, «
les réformes scolaires fabriquent des crétins satisfaits, que la mise en avant de l’oral et l’obsession du ‘self esteem’ à coup de suppression des notes et de remarques positives sur les bulletins rendent hermétiques à toute idée d’effort, de rigueur et d’exigence ».
Ils évoquent un manuel scolaire Nathan où l’on trouve ce SMS : « Sa va dps samedi ? G1 truc a te dir jcroi kon devré fer 1 brek… » ! Ils dénoncent la « baisse drastique du nombre d’heures de français (…) la disparition progressive de la grammaire (…) ce sont les outils conceptuels du raisonnement qui sont attaqués, la capacité à distinguer l’essentiel de l’accessoire, la capacité à déterminer un enchaînement logique (…) Les collégiens et lycéens sont prisonniers de l’indicatif, le mode du réel, de ce qui est ». Ils dénoncent « la prééminence absolue de l’individu, dont il s’agit de laisser s’épanouir les talents. Les savoirs anciens sont donc considérés comme les armes servant à imposer des valeurs et des traditions à un individu qui doit au contraire se libérer du passé pour s’autoengendrer ».
La globalisation et l’UE s’attaquent également au modèle républicain de société : «
l’utopie européiste vise à remplacer les patries par un Etat supranational qui est aussi un vaste hall d’aéroport anonyme dans lequel les droits de toutes les personnes en transit seraient garantis (…) dans les faits, plus il y a d’Europe, moins il y a de patriotisme, et plus le besoin d’identité de substitution, régionale ou confessionnelle, grandit (…) L’immigré n’a plus à s’adapter à la société française. Désormais, c’est la société française qui doit se transformer pour accommoder la diversité, perçue systématiquement comme un enrichissement », comme le demande l’UE, qui critique l’interdiction de la burka en France. Pire, avec le burkini, forme de «
djihad civilisationnel », «
le Conseil d’Etat a entériné juridiquement une pratique qui consacre l’infériorisation des femmes au nom même des droits de l’homme ».
Pour eux, « le voile intégral est un symbole idéologique pour véhiculer un message d’occupation du territoire et des esprits, un drapeau derrière lequel se rangent les militants de l’islam politique ». Ils dénoncent « cet antiracisme qui s’érige en totalitarisme soft au nom de la tolérance est paradoxalement en train de faire le lit d’un totalitarisme pur et dur, celui-là, l’islamisme » et citent Mathieu Block-Côté, pour qui l’islamisme « instrumentalise les droits de l’homme pour poursuivre l’installation d’un islam radical dans les sociétés occidentales et parvient à le faire en se réclamant de nos propores principes ». Pour eux, « derrière cet hymne aux droits individuels se cache la volonté d’en finir avec tous les droits collectifs (…) Un nouvel ordre mondial où la technologie numérique nous esclavagise, nous lobotomise chaque jour un peu plus », où les normes et contraintes n’ont rien à voir avec la régulation.
Avec une idéologique qui freine toujours davantage les apprentissages fondamentaux ou qui remet en cause notre modèle de société, et « Google ou Facebook, (…) (comme) propagandistes indirects de l’Etat islamique », on finit par comprendre pourquoi les auteurs ont intitulé leur ouvrage « Bienvenue dans le pire des mondes », ce qui amène à se poser la question de la guerre des mots en cours.
Source : Natacha Polony et le comité Orwell, « Bienvenue dans le pire des mondes », Plon