Le couple version Titanic : mirages, ravages, naufrage...
"Ne vous fiez pas aux couples qui se tiennent par la main : s'ils ne se lâchent pas, c'est parce qu'ils ont peur de s'entretuer."
Groucho Marx
Même mes jeunes amis aux idées libertaires les plus avancées, sans cracher pour autant sur toutes les blagues boulevardières servies à profusion sur les réseaux sociaux, frémissent, rougissent, pâlissent à la seule évocation du mot « adultère ». Il faut avouer qu’il est des mots qu’on peut penser, mais ne pas dire en société, comme le chantait un grand philosophe des seventies qui ne dédaignait pas non plus d’exhiber son postérieur à toute la France gaullienne – c’est dire s’il était iconoclaste !
Alors, que révéler de nouveau sur ce sacro-saint couple qui fait couler tant d’encre, de sueur, de bile et de larmes ( je n’irai pas plus loin dans l’évocation de ses diverses sécrétions corporelles) ?
Commençons par l’origine de son monde, à savoir son étymologie : du latin « copulare », c’est clair et je ne vous fais pas, à dessein, de dessin plus précis…
Mais chacun sait que le mariage n’existe plus, sauf sur TF1 qui fait des cartons d’audimat au bénéfice de Coca-Cola en exhibant des postulantes de tous âges au titre suprême, s’affrontant sans vergogne et sans aménité aucune dans l’exercice intitulé « c’est moi qui ai le mieux réussi le plus beau jour de ma vie », quelle merveilleuse consolation pour celle qui vient de se faire prendre dans un piège pervers n’ayant rien à envier à la tapette à souris version Hooker avant l’intervention de PETA ! Récompense : un « voyage de noces » idyllique aux îles Caïman (rien que l’idée d’une lune de miel dans un pays au nom de crocodile me ferait frémir de terreur !).
On lui a inventé de nouveaux ersatz, méthadones inoffensives de la félicité nuptiale décomplexée : union libre, PACS, alliance gay ou lesbienne… Et aussi des substituts anti-routine vieux comme le monde : triolisme, échangisme, fétichisme, sadomasochisme, transformisme… Mais tout cela ne change rien ! Le couple reste la référence sociale suprême, et son but la création d’une famille (dont nous avons osé écrire dernièrement qu’elle était une cellule de destruction massive). Quant à l’image du couple modèle, idéal, parfait, le « beau » couple regardé avec béate admiration, elle fait encore de multiples ravages dans la publicité, les magazines people et le cœur des ados (parfois attardées, oui féminin pluriel, hélas !) qui bavent d’envie devant la ribambelle de rejetons fabriqués ou choisis par le blockbuster monogamique Brad Pitt/Angelina Jolie.
Donc le couple reste, cela semble évident mais ne l’est pas tant que cela, la machine à produire et à faire perdurer un clan, toujours défini, appelé, identifié par le nom du père – et si mes rares amies qui ont osé s’opposer à cette tradition séculaire autant que sécuritaire n’ont pas été pléthore dans les bureaux de l’Etat Civil, je ne les en admire que plus !
Mais non, nous rétorquera le chantre de la médiocrité télévisuelle du samedi soir après l’turbin et du p’tit bonhomme en mousse, le but avoué du couple c’est l’AAAmour, avec un triple A que les agences de notation ne sont pas près de dégrader. C’est beau, l’aveuglement total et la croyance absolue en la tradition Valentinienne dégoulinant de bons sentiments aussi écoeurants qu’une overdose de fraises Tagada ! Dommage, dommage, mais ça n’existe pas, désolée de casser un mythe pas si millénaire qu’on pourrait le croire…
Sachez que mon professeur de littérature médiévale à La Sorbonne commençait chaque année son cours aux étudiants débutants par cette interpellation « Mesdemoiselles, Messieurs, l’amour, cette invention du XIIème siècle … », sûr qu’il était d’un choc inattendu sur nos esprits désespérément romantiques et lamentablement dévoyés par les studios Disney, en reprenant cette phrase de l’historien Seignobos, réactualisée ensuite par la prolifique et nobelisable Joyce Carol Oates. Eh oui, avant le XIIème siècle, point d’amour connu entre hommes et femmes, ça fait quand même un sacré tsunami culturel !
Adam et Eve, Samson et Dalila,, Judith et Holopherne, Antoine et Cléopâtre, pfff ! Intérêt, sexe, pouvoir ou reproduction, mais point d’amour… Ne parlons pas non plus de Phèdre, ni d’Andromaque, ni même de Bérénice, pures inventions d’auteurs du XVIIème (siècle, pas arrondissement) visiblement obsédés par des tragédies toujours annoncées, mais jamais étayées par une quelconque preuve historique. Conclusion : le couple amoureux n’a que neuf cents petites années d’existence sur les cinq millions écoulés depuis l’apparition de l’Australopithèque, comment voulez-vous qu’on le prenne au sérieux ?
Nous avons donc une expérience très limitée en la matière, si j’ose dire, et tout reste à inventer, ouf ! – parce que jusqu’à maintenant, c’est loin d’être brillant ! On s’attire – simple réaction chimique - on s’attache et on s’abandonne (n’est-ce-pas, charmant Christophe Maé qui, après tant d’autres, en avez fait votre fonds musical d’ agitateur adulé de fan(e)s en délire), on se cache et on fusionne, on se contorsionne, on s’emprisonne, on se contusionne de blessures narcissiques, puis on s’empoisonne à mort et en définitive…
Alors, les filles, arrêtez le massacre ! Ayez des enfants, transmettez-leur votre matronyme, et faites mentir Sigmund – il bénéficia seulement des 83 ans de sa propre vie pour se concocter un savoir matrimonial digne de ce nom, et il les employa à culbuter sa belle-sœur sur tous les divans qui passaient par hasard à sa portée, pas très sérieux pour s’ériger en juge et en théoricien d’une relation d’origine prétendument tellurique !
Réinventez le couple matriciel et le culte de la déesse-mère, qui assurait seule la reproduction de la race. Lorsque le mâle prit conscience de son rôle de géniteur et de père pouvant devenir dominant, il n’eut de cesse que de s’approprier la femme qui, de mère libre, passa au statut d’« épouse » et de servante, d’esclave sexuelle en perpétuel contrôle. L’ère du couple patriarcal est terminée, l’unité fusionnelle, à l’instar de La guerre de Troie, n’aura pas lieu. Il ne s’agit pas d’amour, la démonstration fut faite, alors n’apportez pas dans la corbeille de « copulation » la recherche inconsciente de vos manques et la compensation de vos faiblesses.
Le besoin de l’autre ne correspond qu’à une blessure initiale, primale, remontant à la côte d’Adam et à l’éviction du jardin d’Eden. Si l’on ne se remet jamais vraiment de la nostalgie du paradis perdu, ce n’est pas une raison pour le rechercher dans le premier bellâtre venu, et d’avoir pour lui les yeux d’une Chimène qui se moquerait comme d’une guigne de la vie de son papa, beaucoup trop prétentieux au demeurant pour être regretté.
Notre société est malade d’un déséquilibre entre les polarités masculines et féminines : trop de rationnel, trop de combats, trop d’argent, trop de puissance et d’avidité de pouvoir. Ramenez ce monde à la fluidité, l’intuition, la douceur, la tendresse, la délicatesse. Privilégiez la pulsion de vie d’ Eros par rapport à Thanatos, cessez toute complicité avec la destruction et la mort.
Si douce était la vie en Crète, au temps de la Grande déesse minoenne, tournée vers la nature, le culte de la végétation et des animaux pacifiques ! Même son régime alimentaire est donné en exemple : envoyez se rhabiller ce cher docteur Dukan qui veut vous gaver de minables protéines de chairs en décomposition pour vous rendre maigres à décoller les affiches de chez Mac Do rien qu’en les regardant, et convaincre les couturiers teutons misogynes que vous semblez anorexique à point pour exhiber vos os sur les podiums de l’Avenue Montaigne.
Gavez-vous d’aubergines, de tomates et d’oignon crus, de fromages de chèvre frais et de pain aux graines de sésame parsemé d’ un filet d’huile d’olive, laissez-vous tenter par les pâtisseries orientales, cheveux d’anges arachnéens et pâte amandine à la rose, et terminez par de blonds raisins séchés à la caresse du soleil grec : vous voilà prête à tenir le rôle qui vous est assigné de toute éternité.
Pardon, Elsa, mais je prends pour un sacré tordu celui qui a osé dire que la femme était l’avenir de l’homme ! Elle est elle-même son propre avenir, mais elle est surtout l’avenir du monde, et de la société tout entière…Dont acte : Mesdemoiselles, puisque vous fûtes récemment supprimées du vocabulaire de tous les formulaires administratifs, tirez-en les conclusions qui s’imposent.Cogitez-vous un état civil inédit, réinventez votre vie, existez quoi, il est grand temps !
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