Le Dakar est mort ! Vive le Raid 4L Trophy ?
Le Paris-Dakar 2008 n’aura pas lieu. Coup tragique pour la trentième édition qui n’aura donc pas lieu. Faut-il pour autant s’attrister de cette annulation ? Pas sûr... Ne serait-il pas plus judicieux de multiplier les initiatives comme celle du Raid 4L Trophy ? Ne serait-ce pas le meilleur moyen de contrer les effets d’une politique économique et de civilisation dont on peut craindre qu’elle ne soit perçue comme trop outrancière ?
Et bien que les déclarations du directeur Etienne Lavigne se voulaient optimistes au lendemain de cette annonce : le Paris-Dakar est « sonné, mais debout, je vous confirme aujourd’hui que l’aventure n’est pas terminée » (source), il est un avis partagé par beaucoup à savoir que l’organisation du Paris-Dakar n’est pas prête de retrouver le chemin des dunes. Les organisateurs de cette aventure des temps modernes se disent manifestement ébranlés par cette annulation.
Mais celle-ci a remis sur le devant de la scène les polémiques que cette aventure - à l’origine humaine et devenue au fil des ans une organisation massivement commerciale pour les grandes marques de l’automobile - avait éparpillé derrière elle dans les nuages de poussière de sable. Il faut dire que la réalité du Paris-Dakar n’est pas toute reluisante : les villages de pays en guerre traversés à folle vitesse au risque de tuer quelques enfants au passage de bolides et dont la population rêve ou plutôt désespère quant à elle de traverser les rives de la Méditerranée même dans des canots de sauvetage...
Voilà une réalité qui symbolise peut-être le mieux les paradoxes les plus terribles du monde occidental, et plus particulièrement de l’Europe, et notamment de la France. Ceux d’un monde riche qui estime que le monde - et notamment les pays que l’on désigne par un euphémisme tragique comme étant en voie de développement mais à qui on reproche de trop polluer - est un immense terrain de jeu. Bien sûr les organisateurs du Paris-Dakar affichaient la volonté d’une action « humanitaire », mais dans la réalité celle-ci frisait le ridicule, voire l’affront au regard des sommes engagées dans ce domaine [648 000 € de budget sur les 5 dernières années soit à peine 130 000 € par an - source] en comparaison de celles nécessaires pour faire courir les équipages qui feraient pâlir les chefs de village africains.
Aussi quand le gouvernement chilien a confirmé officiellement au cours de la semaine son intérêt pour son recevoir le Paris-Dakar (source), nul n’a pu être surpris d’une réaction aussi rapide. Le « Dakar » [eh, oui mettons des guillemets désormais] est une entreprise et comme telle elle attise les convoitises. Ce qui devrait interpeller les citoyens européens, c’est pourquoi aujourd’hui il existe un tel désamour entre les Africains et les Européens. Les derniers événements qui ont touché le continent africain devraient nous faire réfléchir à comment conduire nos relations avec ces pays qui aujourd’hui aspirent à des relations non seulement équilibrées financièrement, mais aussi respectueuses de la dignité. Or tant dans le domaine du sport, que dans le domaine de la politique ou de l’économie, l’Afrique n’est pas considérée comme un partenaire à part entière, mais comme un terrain de jeu au mieux, un continent où l’on peut vendre des armes sans conscience, un continent dont on peut exploiter les richesses sans avoir à réfléchir au pourquoi et au comment il faudrait assurer la redistribution des richesses produites vers la population. Faut-il alors s’étonner que les Européens, et les Français aujourd’hui en particulier [avec les événements de Mauritanie, du Tchad] fassent aussi facilement l’objet d’un racisme manifeste ? Celui-ci est certes peut-être attisé au gré des intérêts de tels ou tels responsables politiques ou militaires en quête de pouvoir. Mais la vraie question est savoir si cette situation n’est pas la conséquence d’un comportement outrancier bien antérieur aux tristes faits divers. Cela est d’autant plus dommageable que cette situation ne peut aboutir qu’à une réaction en chaîne difficile à maîtriser conduisant les citoyens à se détourner de l’Afrique et à adopter, ici en Europe, un regard toujours plus suspicieux sur l’étranger.
Aussi, je ne pleurerais pas sur l’organisation annulée du Paris-Dakar. N’en doutons pas, celle-ci saura rebondir ce qui donnera encore plus raison à ce type d’analyse car démontrant que l’esprit dans lequel cette aventure avait été crée par Thierry Sabine avait malheureusement disparu depuis longtemps au bénéfice des intérêts financiers. Aussi, je vous invite plutôt, si vous aimez l’Afrique et si vous aimez aussi la voiture, à vous intéresser à un autre rallye, le Raid 4L Rally créé en 1996 sur l’initiative de personnes qui repartent à l’origine du Dakar « découvrir le désert et vivre une aventure aussi exceptionnelle », mais seulement avec le constat « aucun d’entre eux n’avait [à 20 ans] les moyens de s’acheter un 4×4 à l’époque » d’où l’idée de « le faire avec des bagnoles normales ! » On rejoint notre problématique, celle du rapport à l’argent.
Alors, je vous invite donc à soutenir
ce Raid 4L Rally dont il faut espérer qu’il ne fera pas les frais lui aussi de
cet aveuglement de nos responsables.
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