Le déni de démocratie permanent
Si certains doutaient encore du peu de considération de nos dirigeants envers la démocratie qu'ils clament pourtant haut et fort, la proposition de loi organique tendant à "moderniser" les règles relatives à l'élection présidentielle viennent effacer ces quelques derniers doutes. La gauche, pourtant peu avare en leçons de morale sur les valeurs et principes démocratiques, est une nouvelle fois à l'origine d'un recul en la matière. Aidée, bien entendu, par son complice de toujours, l'UMP, déguisée en "républicains", la gauche et la droite, main dans la main, pour fragiliser la démocratie, près de dix ans après la ratification anti-démocratique du Traité de Lisbonne.
Pour être précis, la proposition de loi - que l'on doit notamment au Ministre de la Justice en exercice lorsqu'il n'était encore que député de la majorité - qui est sur le point d'être adoptée aura pour effet de réduire la période d'égalité de parole entre les candidats pendant l'élection présidentielle. Elle sera en effet diminuée de cinq à deux semaines, puisque durant la période qui va de la publication de la liste des candidats jusqu'à la veille du début de la campagne, les médias devront respecter un simple principe d'équité, en lieu et place d'une stricte égalité. C'est inacceptable dans un Etat démocratique, d'autant plus à un an des élections, de voir leurs règles modifiées en catimini, par le biais de la procédure accélérée.
Le principe d'équité est un principe flou, n'ayant aucune définition universelle et précise, ce qui laisse aux médias de toutes natures une marge de manoeuvre suffisante quant à la place qu'ils accorderont à chacun des candidats. Cette réforme démontre une fois de plus, si besoin en était, une complicité regrettable entre les médias et les trois grands partis, dont les intérêts convergent en faveur de cette réforme : faire davantage d'audience pour les uns, ne pas prendre le risque de laisser parler les "petits" candidats pour les autres.
Finalement, c'est de la légitimité du futur Président de la République dont il est question. Quelle légitimité peut avoir un Président élu sans le respect des valeurs démocratiques essentielles ? Peut-on accepter une telle inégalité entre candidats d'une élection aussi fondamentale ? Le Président de la République doit être la clé de voûte de nos institutions, selon les termes de Michel Debré, auteur de la Constitution en 1958. Ainsi, fragiliser la légitimité du Président revient à fragiliser tout notre système politique. C'est en tout cas le risque pris par nos dirigeants, noyés dans leurs affaires et leur impopularité, incapables de se remettre en question et préférant faire taire la concurrence.
Dans les mois qui viendront, les médias étoufferont le quotidien des français par les primaires de la droite. Cette apparence de démocratie ne doit pas cacher la réalité suivante : un candidat à la primaire, qui ne représente presque rien, aura droit à davantage de place dans les médias qu'un candidat à la présidentielle, fort du soutien d'au moins 500 élus de la République. Peut-on continuer longtemps ainsi ? En tant que bonapartistes, mais surtout en tant que simples citoyens, nous ne pouvons pas accepter que le déni de démocratie ne demeure permanent. Pour cela, nous demandons aux députés de voter contre cette loi mardi prochain. Il est encore temps pour eux de sauvegarder leur dignité de représentants de la Nation.
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