Le dernier message d’Alain Bashung ?
Ce que chacun redoutait est arrivé, samedi 14 mars 2009 dans l’ après-midi à l’hôpital Saint-Joseph à Paris. Moins de quinze jours après avoir reçu trois victoires de la musique Alain Bashung est mort. Adieu l’artiste, et merci. Mais, derrière son courage, pouvait-on lire un message d’espoir dans sa dernière, et crépusculaire, apparition publique ?
Au-delà de l’hommage qu’imposait Alain Bashung, aux lendemains de la remise de ses trophées , il y avait autre chose, qui intimidait et écrasait tout le reste. Au-delà de son talent incontestable - un géant de la chanson – Bashung était visiblement à bout de souffle. Attendons de savoir s’il renouvellera, le tabac absolu qu’il avait fait dans la presse de son vivant, les 1er et 2 mars derniers, tous médias confondus... Sans doute, et peut-être sans retenue, cette fois.
En effet, l’écho de cette image de mourant chantant touchait déjà, de son vivant, notre rapport à la mort... Et c’était encore plus fort, justement parce qu’il était vivant, Avec ses lunettes et son chapeau noir, corps hésitant, teint de cadavre sans sourcils ni cheveux, il portait malgré lui le masque de la mort difficile à supporter sous les paillettes des victoires de la musique. Les larmes de ses proches, et la salle debout, lui disaient autant bravo que adieu. Trois trophées, carton plein pour lui comme pour son cancer... Comment nier un vrai malaise, que beaucoup ont ressentis.
Mais Alain Bashung nous a en fait délivré un ultime message avec sa prestation « crépusculaire » comme certains journaux l’avaient appelé. Ce message, il l’a fait d’un regard vers le lourd trophée de bronze, puis en le saisissant et le soulevant au dessus de lui, avant de le présenter avec un air de défiance heureuse à l’assistance, au point d’inquiéter le présentateur qui a voulu l’aider. Profond, aussi, en demandant d’une voix un peu forcée si celui-ci « réchauffait le cœur », avant de prendre soin de remercier celles et ceux qui « avaient eu peur que sa dernière tournée ne s’arrête ». Son message était généreux et c’est avant tout celui de la vie. A l’heure de la maîtrise du vivant par la science il nous invite aussi à nous interroger sur les limites d’une captation par l’hôpital du fait de naître et de mourir...
Une personne en fin de vie voit clair et peut délivrer un message que chaque enfant, que chaque personne devait écouter pour plus d’humanisme et de liens entre les générations. Car important est d’accepter toutes les différences comme des projections de notre propre être, dans la figure de celle ou celui qui grandit ou de cet autre qui perçoit sa fin de vie.
Car grandir, c’est « mourir un jour » et vieillir « voir la mort s’approcher ». En vérité, grandir, c’est vieillir, et vieillir, c’est grandir. A la veille de sa mort, chaque quart d’heure a sa valeur, et peut tenir en condensé une leçon de vie, comme ce centenaire qui, assis sur un banc à regarder des oiseaux sent que quelqu’un lui tape sur l’épaule. « Je me suis retourné, c’était le soleil qui me demandait l’autorisation de se coucher ».. ( René de Obaldia, le Centenaire )
Grandir ? C’est manger de la soupe et plein de calcium, prendre des centimètres, voir le sol de plus haut et avoir plein d’énergie. Vieillir ? Pas besoin d’être malade, c’est avoir des rides, des cheveux blancs, radoter, rapetisser et se fatiguer vite. Et si nous dépassions les clichés ? Car grandir, c’est savoir de plus en plus de choses et vieillir aimer écouter et pouvoir raconter de plus en plus de choses aux plus jeunes. Pour les jeunes, plus de maturité, pour les plus vieux plus de sagesse. D’un coté, se marier et faire des enfants, de l’autre voir sa famille grandir. Pour les uns avoir du temps devant soi et s’inscrire dans des projets, pour les autres prévoir son futur et parcourir toutes les étapes de sa vie.
Chaque être nait différent et la vie accentue les différences. De notre naissance à notre mort, notre personnalité se cultive en permanence. L’apprentissage n’a plus d’âge, car, qu’il ait 7 ou 90 ans, qu’il ait l’essentiel de sa vie devant lui ou derrière lui, tout être humain existe d’abord comme une personne.
Lorsqu’un enfant de dix ans rencontre un vieux de quatre-vingt ans, ils devraient pouvoir se poser des questions identiques : Qu’apprends tu en ce moment ? Que fais-tu ? Quels sont tes loisirs, quel est ta vie de famille et qui sont tes amis ?
En ce sens, nous pouvons être heureux que, dans les derniers jours de sa vie, ce grand artiste ait reçu ce grand hommage. Et c’est bien poursuivre l’hommage rendu à la sensibilité d’Alain Bashung, que d’essayer de comprendre son dernier message, derrière son courage, son message de vie.
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