Le deuxième âge et demi !
A partir de cinquante ans, l’homme n’est plus jeune, mais il n’est pas encore vieux. Etre entre la poire et le fromage, entre chien et loup voilà comment on pourrait définir cette période de l’existence où l’on se sent un peu perdu, ni juvénile ni encore totalement rassis. L’apogée est bien trop proche de l’abîme, le Capitole de la roche tarpéienne. Pour la femme, c’est encore plus tragique. Si elle se néglige un peu, dès quarante cinq ans, elle glisse dans la banalité, le manque d’intérêt et d’attrait. Elle entre progressivement dans la catégorie de celle que l’on ne regarde plus, ne siffle plus, ne drague plus, ne désire plus. Arrivés à cette limite floue, hommes et femmes s’installent doucement dans le deuxième âge et demi, période de la vie particulièrement stressante entre renoncement, amertume et combat d’arrière-garde. Après cinquante ans, seul le pouvoir d’achat peut encore faire illusion. L’argent n’a pas d’odeur, mais il n’a pas de rides jusqu’à une certaine limite de décrépitude.
Imaginez Claire Chazal et Nicolas Sarkozy effectuant un boulot subalterne dans une superette ou à la BNP, payés aux alentours de 1.800 euros bruts par mois, et bien ils ne seraient plus rien. Notons qu’à 2.200 euros, ils ne seraient guère plus considérés. Ils n’intéresseraient qu’un vague noyau familial et des amis ou collègues du même âge. Personne ne les remarquerait à la plage en maillot, dans un club de vacances, pas plus qu’on ne se retournerait sur eux dans la rue ou le métro. Certes quelque soit l’âge, on est toujours plus beau et plus attractif quand on laisse un gros pourboire au Fouquet’s que lorsque l’on prend un sandwich au buffet de la gare de Limoges. Mais à cinquante ans, on est beaucoup plus accepté et acceptable avec de palpables moyens financiers. Comment intéresser socialement et sexuellement quelqu’un d’autre qu’un conjoint du même âge quand on a cinquante ans et plus et qu’on ne peut exhiber un capital conséquent ou une notoriété qui attire comme la merde le fait pour les mouches ? Passé le cap de la cinquantaine, quoi de plus séduisant qu’un compte en banque et les avantages visibles et remarquables qui s’y associent !
Commençons par l’entreprise. A cinquante, cinquante deux ans l’employé souvent coûte trop cher et comme il a acquis de l’expérience, il est moins malléable et moins obéissant. Alors, on essaye par tous les moyens de l’éliminer et de l’envoyer en préretraite à la charge de l’Etat. Quand on a la chance d’avoir un travail a cinquante ans, il faut tout faire pour le garder, quitte à subir des brimades et des frustrations, sinon, on n’est plus rien ! Se retrouver chômeur influe certes sur le pouvoir d’achat, mais pire, sur l’image que l’on donne de soi et celle que l’on reflète à soi-même. Eliminer du milieu du travail ceux que l’on qualifie pudiquement de seniors n’est pas une forme de jeunisme de la part des chefs d’entreprise qui ont souvent atteint cette limite d’âge et compte bien exercer leurs talents jusqu’aux soixante cinq ans biens sonnées, si ce n’est plus. Non il s’agit seulement de rentabilité et de rapport qualité coût. Et pour les pouvoirs publics, on est devenu très récemment senior à quarante cinq ans. D’où la prime incitative à l’embauche de 2.000 euros pour qui donnerait un emploi à l’un de ces « parias » ! Paradoxalement, cela donne envie de sauter dix ans, de se retrouver vieux et retraité pour de bon. Quitte à être déclassé, autant avoir une bonne couverture sociale. Laisser enfin derrière soi cette période d’incertitude et de questionnement sur soi, car il n’est pas possible de faire marche arrière. On ne peut arrêter les aiguilles, alors il faut se préparer à la résignation et cela prend du temps. Il faut s’y atteler dès la quarantaine, sans angoisse mais aussi sans folle illusion.
Physiquement, le jogging est encore possible à petite foulées, mais le souffle est plus court y compris pour les non fumeurs. La récupération est plus lente après un effort physique. Celui qui montait crânement ses quatre étages en sautant les marches quelques années auparavant, attend désormais sagement l’ascenseur. Les deux ou trois stations de métro ou de bus qu’il faisait à pied, il en fait profiter de plus en plus son passe Navigo ! Les lendemains de cuite sont pénibles, les gueuletons entraînent des flatulences, la récupération des excès est bien moins rapide. Et ceux qui ont passé une nuit blanche même sans avoir bu une goutte d’alcool ne sont pas très frais au boulot. Cinquante ans, c’est l’âge des premières douleurs, des articulations un peu grippées. Qui en dehors de sportifs aguerris peut encore passer le pied derrière la nuque ou faire le poirier sans forcer ? L’acuité auditive diminue, la prostate grossit doucement et les troubles urinaires s’installent. L’haleine devient fétide et les dents jaunies se déchaussent. La femme regarde avec inquiétude les publicités pour les protège-slips et les fuites urinaires.
Sexuellement, ce n’est guère mieux, sinon plus angoissant. Un bedonnant sans compte en banque n’est pas vraiment attrayant. Il n’est plus une bête de boite de nuit, quant à la femme du même âge, le glamour en a pris un coup fit-elle encore une taille 40. Une petite mémère en surcharge pondérale est encore plus pénalisée. Pour la femme, la ménopause est une frontière avec ses bouffées de chaleur, l’embonpoint qui menace, la sécheresse vaginale et autres inconvénients qui se masquent plus ou moins bien à force de traitements hormonaux, de cosmétiques et de soins esthétiques. Cela peut faire illusion un temps au prix d’un coût non négligeable uniquement abordable pour les plus aisées.
Pour l’homme c’est plus sournois, l’entrée dans la vieillesse se fait plus progressivement. L’érection est encore présente pour beaucoup des quinquas mais le temps du Viagra approche insidieusement. Malgré tout, la petite pilule bleue n’efface pas les rides, les pattes d’oie et la bedaine et à moins de se satisfaire d’une épouse désormais souvent du même âge et un peu avachie, l’environnement sexuel devient moins brillant. Jadis, l’homme épousait une femme plus jeune d’au moins une dizaine d’années et pouvait se voir vieillir aux côtés de quelqu’un nettement moins défraichi. De nos jours, le cadre supérieur, le chef d’entreprise divorce et se retrouve une jeunette, au grand désespoir des Sylvie Brunel empâtées qui ont pris du bide. Par contre l’ouvrier, le chômeur, le subalterne qui divorce se retrouve seul ou avec une nouvelle compagne de son âge pas vraiment attrayante et sexy. Faute de grive, il mange des merles ! Choisir de vivre avec quelqu’un de son âge c’est accepter une routine tristounet, avec quelqu’un de plus jeune c’est s’exposer à être cocu, au mieux ridicule au regard des autres.
Mais le plus affligeant est à venir. Il faut s’y préparer psychologiquement. A soixante cinq ans on est définitivement dans la catégorie des vieux, des retraités, des retirés. La nature fait bien les choses en diminuant et modifiant les sécrétions hormonales. Le désir diminue et pas uniquement au niveau sexuel. Mais ça ne suffit pas, il faut faire un travail sur soi-même et s’accepter tel quel. La sagesse et le bon sens permettent d’y arriver sans psychologue. C’est certain, chaque instant de la vie est un pas vers la mort, nous disait Corneille. On n’y peut rien, mais l’avancée en âge est aussi une progression vers la décrépitude. Mourir la belle affaire, mais vieillir, nous rappelle si bien Jacques Brel.
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