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Accueil du site > Actualités > Société > Le discours d’un... sortant - sur le drame de Toulouse

Le discours d’un... sortant - sur le drame de Toulouse

Il y a des tragédies qui laissent sans voix. Celle de Toulouse est à l'évidence de cette nature, si ce n'était le candidat-sortant. Chez lui, tout au contraire, une tragédie réclame d'urgence un discours. La mine presque aussi contrite que lors de l'épisode Human Bomb (qui se déroula encore dans une école d'enfants en bas âges à Neuilly), il s'est lancé dans une série de propos dont la confusion ne ressort qu'à l'incongruité.

On a eu droit à des formules toute faite, du genre : "je ne laisserai personne mettre en doute l'action de la police" (personne de sérieux ne l'a fait), ou à des amalgames (classiques aujourd'hui entre islam et terrorisme) avec le lancement d'une interdiction de consulter les sites qui font l'apologie (sic) du terrorisme ou de l'islam (re-sic). On ne sait que trop bien que l'Internet est désormais en France sous liberté très surveillée...y compris pour nos mails ! Mais le plus curieux est de déclarer que le monde musulman n'a plus le droit de dire sur Internet sa foi dans sa religion. Le candidat-sortant désire sans doute revenir sur la déclaration des droits de l'homme (pourtant préambule de la Constitution Française) qui laisse pourtant libre chacun des choix et des pratiques de sa religion ? Quant à l'apologie du terrorisme, comment se fait-il qu'après 5 ans aux affaires (et même plus si l'on compte les années au ministère de l'Intérieur), rien n'ait été fait concrètement pour endiguer ce genre de dériance. Mais, il est vrai que tout au long de cette période, la France n'a cessé de vivre dans le tourbillon d'un joueur de bonneteau.

En tant que Président, le silence s'imposait donc devant un deuil si cruel, et si d'aventure, il y avait eu à rendre compte du pourquoi d'une telle tragédie, on ne peut s'empêcher de penser à la tirade "c'est un peu court, jeune homme", car on aurait bien aimer voir évoquer au moins 4 grands problèmes :

1°) L'absence des services de police

Il y a eu une époque, où l'on voyait à chaque sortie d'école, le brave sergent de ville y allait prendre sa faction. Rien d’extraordinaire. La guerre encore toute proche avait appris que la folie des hommes n'ayant aucune limite, il était nécessaire de protéger les enfants de celle-ci au cas où...
Sous le grand règne de Gisgard, on abandonna cette bonne pratique. Il est vrai que l'on commençait à manquer de fonctionnaires de police et que le phénomène s'est même amplifié depuis.

Il est vrai aussi que si les effectifs sont toujours en nette diminution, les tâches dévolues à la protection des "princes qui nous gouvernent" n'ont, quant à elles, cessé de s'accroître. Là, il faut un planton devant le domicile d'un notable (et parfois devant celui d'un ami très cher, voire d'une maîtresse en cours...), ici tout un fourgon pour un prince encore plus prince que les autres. Ailleurs, se sont les motards des ministères qui doivent en plus faire quelques courses : chercher un livre chez un éditeur, ou encore d'autres tâches encore plus dérisoires.

Le propos d'un Président responsable de la sécurité bien comprise d'un peuple aurait été sans nul doute de rappeler que la présence de la police est la condition sine qua non de la paix civile et que dans ce contexte, il avait "oublié" pendant 5 ans de mettre en œuvre non seulement une police de proximité, mais aussi, une police sur le terrain. On peut aujourd'hui traverser Paris d'Est en Ouest et du Nord au Sud sans rencontrer un seul uniforme à l'exception remarquable de ceux concentrés sur les lieux où vivent les notables.

Faut-il évoquer pour être plus lourds, l'absence de police dans les bus et les métros ? Faut-il aussi rappeler cette manifestation du personnel féminin d'un grand magasin de la rive droite qui réclamait non pas des augmentations de salaire, mais le droit de partir plus tôt, par peur de prendre des transports comme le RER à des heures où une agression pouvait être à craindre. Mais, qu'importe la peur au ventre quotidienne de femmes sans importance...les princes de la République, eux, sont bien protégés.

Il serait bien intéressant de dire ici le nombre des fonctionnaires de police qui doivent assurer "la nuit" dans le 19ème arrondissement de Paris. Ce chiffre est ahurissant et nous ne le préciserons pas afin de ne pas rendre encore plus difficile leur travail.

2°) Les petites phrases qui en disent long

Voilà deux ans, que l'on entend sans cesse à coup de petites phrases, des harangues contre le monde musulman, les arabes et leur façon de vivre. On a même augmenté la pression depuis un moment, car il était important de "plaire" aux visions confuses et assez haineuses du gouvernement américain. Il est donc difficile de s'étonner qu'une telle avalanche d'insultes n'est pas à la longue quelques conséquences sur les esprits les plus faibles.

L'inconscient collectif n'est pas une utopie de CG Jung. C'est une réalité, d'autant plus forte aujourd'hui qu'il y a une véritable explosion des formes de propagande de la TV à Internet en passant par les feuilletons ou encore la musique. Pauvre Orwell, lui qui pensait que la forme de la propagande la plus efficace était de diffuser partout et sans cesse le portrait de Big Brother. On a fait beaucoup mieux depuis (et pourtant Orwell travailla au service de propagande de la BBC pendant la Seconde Guerre Mondiale).

3°) Services secrets ou barbouzes

Dans l'affaire de Toulouse, bien des questions concernent la façon dont l'affaire fut traitée du côté pouvoir. On a eu droit à 30 heures de négociations ? Pourquoi ? Une négociation s'impose si l'individu cible a pris un otage, ou dispose encore d'explosifs puissants, mais ici rien de tout cela. Alors ? On évoque un arsenal qui aurait coûté près de 20 000 euros ! Mais on ne donne dans l'inventaire qu'une misérable Sten (dont tous les spécialistes savent qu'elle a fait plus de mort du côté de ses utilisateurs que de celui de ses adversaires) et un 11,43 que l'on trouve dans une voiture garée à plus de 100 mètres du lieu de la fusillade. 20 000 euros pour ces deux armes, c'est vraiment un peu cher payé ! On a ajouté une Uzi, le compte n'y est toujours pas.

Mais le plus dérangeant, c'est de savoir que ce personnage avait été signalé par les services américains aux services français. Même, si l'on peut être prudent envers les renseignements américains dès qu'il s'agit d'une personne de religion musulmane, il n'en demeure pas moins qu'une surveillance classique devait être mise en œuvre. Curieusement, on a désormais trois versions : 1) On aurait expliqué que l'on ne peut surveiller quelqu'un qui n'a commis aucun délit et encore moins mettre son portable sur écoute (curieux, car a-t-on eu les mêmes scrupules avec certains journalistes du Monde) ? ; 2) Une demande de mise sur écoute aurait été faite, mais les services du Premier Ministre aurait opposé leur veto ? ; 3) L'individu aurait rendu quelques services à la DCRI ?

On sait que c'est le candidat-sortant qui a voulu une refonte de la DST et la création de la DCRI et que même pour ce faire, on s'était passé de l'avis de hauts fonctionnaires du renseignement (certains ont d'ailleurs été mis sur la touche sans autre forme de procès).

Voilà encore bien des questions qui restent sans réponse. Ce qui n'est pas très normal dans une démocratie et dans un pays de droit. C'est pourtant à ces questions qu'un Président de la République aurait dû répondre, s'il avait considéré comme indispensable de prendre la parole en un tel moment.

4°) Une politique étrangère...si étrange

La France avait toujours su préserver par un discours humain et constructif sa neutralité dans le conflit du Moyen-Orient. Conflit dont il n'est pas inutile de rappeler encore une fois l'origine : les manœuvres du Royaume-Uni. On sait qu'après la lettre de Balfour, certains y virent l'autorisation de s'installer en Israël. On sait aussi que les Anglais n'ont jamais vu d'un bon œil cette installation et qu'ils tenteront par tous les moyens de soulever les populations arabes contre le nouvel Etat (est-il besoin de rappeler l'épisode d'Exodus). Le résultat se voit encore aujourd'hui, même si désormais personne ne peut nier les fautes commises à Gaza et pendant le Noël 2009 et le fait que le gouvernement israélien est déclaré récemment son rejet de la commission des droits de l'homme de l'ONU n'arrange rien à la situation.

Toujours est-il que la France avait su préserver ses bonnes relations avec tous les belligérants dans ce conflit et même quelque part montrer la voie d'une certaine sagesse.

Foin de tout cela avec les 5 ans qui viennent de s'écouler. Tantôt le candidat-sortant n'hésitait pas, juste après son élection, à envoyer sa propre épouse en visite chez le colonel Khadafi (événement sans précédent dans la diplomatie française). Tantôt le même candidat-sortant invitera, et ce sera même le seul Chef d'Etat européen à agir de la sorte, quelque temps plus tard le même colonel Khadafi en visite d'Etat. Et c'est encore le candidat-sortant qui enverra bombarder, de son propre chef (sans qu'aucun débat n'eut lieu au Parlement), Tripoli, parce qu'il venait de découvrir que son ami d'hier n'était en fait qu'un tyran et un dictateur. Il y a eu aussi l'étrange projet d'une Union pour la Méditerranée dont par la suite, il oubliera tout.

Il serait fastidieux, et bien trop affligeant pour la France, de faire le long inventaire des incohérences d'une politique étrangère qui n'a pu que faire de notre pays une nouvelle cible pour les extrémismes de tout bord.

Les événements de Toulouse et Montauban démontrent tristement les résultats de manœuvres irréfléchies dans un conflit où toutes les forces progressistes savent bien que la paix ne peut être assurée que par un maximum de finesse et de sagesse. Des mots qui n'ont plus cours depuis au moins 5 ans dans notre pays.


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