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elle s’applique pour toutes les personnes disposant de la nationalité française ou d’un titre de séjour sur le territoire ;
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elle s’applique à toute personne ayant déposé préalablement une demande de logement social dans le cadre de la procédure dite du numéro unique ;
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elle s’applique pour toutes les personnes qui ne sont pas en mesure d’accéder ou de se maintenir dans un logement décent et indépendant.
La loi s’applique sous réserve que ces personnes se trouvent dans l’un des six cas suivants :
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disposer d’une demande de logement en délai dépassé ;
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être menacé d’expulsion sans solution de relogement ;
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être hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement dit de transition ;
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être logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux ;
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être logé dans un logement manifestement suroccupé en présence d’un enfant mineur ou d’une personne handicapée.
La loi donne droit à saisir une Commission ad hoc dite de médiation qui saura indiquer au préfet la solution à retenir.
Cette commission a trois mois pour rendre son avis au préfet ou six mois dans les départements d’outre-mer et jusqu’au 1er janvier 2011 dans les départements comportant une agglomération de plus de 300 000 habitants.
Sur la base de cet avis, mais on peut le supposer en tenant compte de la loi elle-même, les préfets ont trois mois pour trouver une solution de logement adaptée à la situation de chaque demandeur.
Au-delà de ce délai, le tribunal administratif pourra être saisi et condamner le préfet pour défaut de mise oeuvre du droit au logement.
Sur la base de la seule condition de délai dépassé, la saisine du tribunal ne sera possible qu’à compter du 1er janvier 2012.
L’heure des bilans est encore lointaine et il serait vain de conclure à l’efficacité ou non de la loi Dalo.
La France étant un pays où l’imagination administrative n’a pas de borne, nous pouvons simplement envisager les raisons d’une réussite ou d’un échec potentiel.
Pourquoi la loi Dalo peut-elle fonctionner ?
- En premier lieu les préfets détestent payer quelques frais que ce soit issus de condamnations administratives et leurs pratiques les conduit à l’efficacité dès qu’il en est question. Les personnes sous le coup d’un jugement d’expulsion en ont souvent fait les frais. Dès lors que le préfet au nom de l’Etat voyait sa responsabilité financière engagée pour non-recours à la force publique permettant d’assurer l’expulsion d’un locataire sous le coup d’une décision justice, la force publique était très souvent mis en oeuvre et l’expulsion réalisée.
- Les préfets et autres grands corps de l’Etat ont vu au fil du temps leur emprise territoriale s’amenuiser au profit des grands élus locaux. Le Dalo les remet en selle sur un sujet très local, le logement.
- Contrairement à ce l’on entend parfois, les logements existent si l’on accepte de mobiliser les logements sociaux au rythme de leur rotation. Les préfets disposent d’ailleurs d’un droit de réservation sur 30 % de cette rotation (dont 5 % affectés en principe aux fonctionnaires).
- Les organismes HLM parfois retors à l’idée de l’application immédiate du Dalo ont l’habitude de jouer le jeu des services de l’Etat. Au cours des dernières années, ils ont contractualisé la prise en compte des demandeurs de logements défavorisés dans des documents dénommés accords collectifs départementaux et, dans l’ensemble, ils ont tout fait pour mettre en oeuvre ces contrats.
- Les associations caritatives ou gestionnaires de centre d’hébergement peuvent être présentes à la fois dans les commissions de médiation et dans les commissions d’attribution des organismes HLM ce qui tend à améliorer globalement leur influence.
Pourquoi malgré tout, cela pourrait ne pas fonctionner ?
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Un dispositif de dissuasion administrative peut habilement être mis en oeuvre pour limiter le nombre de dossiers susceptibles d’être intruits. Gérer le temps, les délais et les modalités, l’administration publique sait faire et le formulaire de saisine mis en ligne ne présage rien de bon à cet égard. Il semble en effet dissuader les dépôts de dossier à l’initiative exclusive du demandeur. Il aurait pu en effet être imaginé que le service instructeur puisse clairement être sollicité pour renseigner le document pour des personnes illettrées, par exemple, cela n’est pas le cas.
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Une des premières mesures que les services seront amenés à proposer aux préfets sera constituée par la définition du délai à prendre en compte pour la fixation du délai dit dépassé. Certaines préfectures ont déjà cru bon de rallonger de délai initialement fixé pour tenir compte de son caractère opposable. Une grande vigilance quant à ces délais devra être observée par ceux qui souhaitent une mise en oeuvre effective du droit au logement.
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Le choix des membres de la commission de médiation revêt une importance toute particulière pour son efficacité. Contrairement à ce que l’on peut entendre ou lire ici ou là, le droit au logement tel qu’il ressort de la loi n’était pas le résultat attendu par les associations concernées dans un délai si rapide. Bon nombre d’intervenants sur le terrain la pensent prématurée et en avance sur l’offre réelle de logements. Cela pourrait conduire à une interprétation très restrictive de la loi dont le bénéfice se limiterait aux SDF et à quelques situations suscitant une grande compassion. Les autres demandeurs seraient ainsi relégués au rang de demandeurs simples de logement. Cette position aurait également pour vertu aux yeux de certains de préserver l’accès au logement social pour les personnes aux revenus modestes et moyens qu’une application élargie de la loi mettrait en difficulté dans leurs itinéraires résidentiels, révélant l’ampleur de la crise du logement pour tous.
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Le recours au contingent préfectoral (logements réservés par le préfet) expressément visé par la loi Dalo nécessite un engagement des services déconcentrés de l’Etat qui souvent en a abandonné la gestion au profit d’accord globaux de relogement signés avec les organismes HLM. Dit autrement, il n’existe souvent plus de système informatique ou de fonctionnaires pour gérer ce type de fichiers.
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Pour remédier à la déficience structurelle de leurs services, certains préfets envisagent dès à présent une alternative à la mobilisation de leur contingent dans la constitution de commissions additionnelles susceptibles de gérer consensuellement avec les collectivités locales et les organismes bailleurs, l’application de la loi, une sorte d’accommodement raisonnable.
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Si les préfets sont heureux de retrouver des prérogatives, ils restent dans une négociation permanente avec les grands élus locaux qui ne les met pas à l’abri de négociations à mener sur le dos du Dalo.
La mise en oeuvre du Dalo pour des demandeurs de logements particulièrement fragiles nécessitera sans doute la mise en place de mesure d’accompagnement social renforcé, en principe du ressort des départements. Il ne semble pas que cette question ait été réellement clarifiée jusqu’à présent et l’ensemble des nouvelles dispositions devra être mis en oeuvre à moyens constants. Le défaut de suivi social pourrait être générateur de difficultés avec les riverains et mettre à mal l’acceptation sociale du dispositif.
L’enfer est dans les détails, nous le savons tous. La loi Dalo n’échappera pas à la règle comme l’extension d’autres droits fondamentaux en ont fait les frais dans le passé.
L’absence de centre IVG de proximité a rendu difficile la mise en oeuvre de l’avortement libre et gratuit dans bon nombre de territoires français, et ce, pendant plusieurs années.
Avant cela, la scolarisation obligatoire s’était heurtée à de nombreux usages locaux comme la préservation d’une main-d’oeuvre agricole suffisante pour les grands travaux des champs ou le temps nécessaire au catéchisme.
Dans un cas comme dans l’autre, des solutions ont été trouvées.
Tout porte à penser que cette loi constitue effectivement une réelle avancée des droits fondamentaux. Sa mise en oeuvre dans une période de forte tension du marché du logement la rend néanmoins fragile et son application méritera d’être accompagnée par la mobilisation de tous.