Le flash ball ou LBD (lanceur de balle de défense)
Le flash ball ou LBD (lanceur de balle de défense)
Depuis 1995, ce type de lanceurs sublétaux de balles de défense (LSBD) équipe certains services spécialisés de la police nationale et de la gendarmerie.
Depuis 2002 l'usage est étendu à la police de proximité, intervenant principalement dans les cités sensibles.
La marque et les modèles ont été déposés par Verney-Carron, qui est le plus grand et le plus ancien fabricant d'armes de chasse français.
L'inventeur du flashball est Pierre Richet, expert en balistique auprès des tribunaux, pour proposer aux particuliers une alternative aux armes à feu classiques.
Pour ce chasseur et expert en balistique, la transgression de ces règles d'utilisation "veut dire que l'on est incapable d'utiliser l'arme"…Ou qu’on le fait exprès ?
Toujours est-il que son manque de précision lui vaut d’être progressivement remplacé par le lanceur suisse LBD40. La dénomination « flashball » est devenu un terme générique pour désigner un lanceur de balle.
Les lanceurs de balles de défense (LBD) de calibre 40 et 44 mm, tout comme le pistolet à impulsion électrique (PIE) et la grenade à main de désencerclement (GMD), font partie des armes dites de ''force intermédiaire''
La représentante du ministère de l'Intérieur a indiqué que le lanceur de balles a été utilisé 9228 fois depuis le début du mouvement des gilets jaunes et que 111 enquêtes avaient été ouvertes par l'IGPN.
Le ministère de l'Intérieur a lancé le 23 décembre 2018 un appel d'offres pour l'acquisition de 1 280 nouveaux exemplaires de LBD 40
En Allemagne et en Belgique, les lanceurs de balles de défense ne sont pas utilisés pour les opérations de maintien de l'ordre.
Une utilisation bien légiférée
Plusieurs textes encadrent l’utilisation de ces armes sublétales. L'article 9 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789, l'article 37 du Code européen d’éthique de la police, l'article 3 du Code de conduite pour les responsables de l’application des lois ou des articles 1 à 8 des Principes de base sur le recours à la force et l’utilisation des armes à feu par les responsables de l’application des lois (Organisation des Nations Unies), ainsi que l'article 8 de la Charte du gendarme et articles 9 et 10 du Code de déontologie de la police nationale.
On retiendra plus spécifiquement, les dispositions du Code de Sécurité intérieure et son article L 211-9 ainsi que les articles D211-10 et suivants et R 211-11 et suivants.
Tous les liens menant à ces lois sont donnés par l’avocat Thierry Vallat sur son blog
En gros, la législation précise que son utilisation tombe sous le coup de la légitime défense dont l'un des principes est qu'il ne doit pas y avoir de "disproportion entre les moyens de défense et la gravité de l'atteinte", impliquant donc la nécessité d'une utilisation "proportionnée" aux faits.
Lorsque les forces de l’ordre se trouvent face à un attroupement « susceptible de troubler l’ordre public », « en cas de violences ou voies de fait commises à l’encontre des forces de l’ordre ou si les forces de l’ordre ne peuvent défendre autrement le terrain qu’elles occupent », elles peuvent faire usage des LBD sans devoir faire des sommations.
L’usage du LBD est donc soumis à la seule appréciation des forces de l’ordre qui décident si oui ou non des violences sont commises à leurs égards et jugent s’il leur faut faire feu pour défendre leur position (par exemple une route dont elles barrent l’accès, dans la lignée de la technique de contingentement).
Très important aussi, le respect des distances minimales. On ne tire pas à moins de sept mètres" et il est interdit de viser au niveau du visage ou de la tête car "le tireur ne doit viser exclusivement que le torse ainsi que les membres supérieurs ou inférieurs". Le directeur général de la Police nationale (DGPN), Eric Morvan a bien rappelé cette dernière consigne lors d’un message du 15 janvier 2019.
Enfin, il convient de « s’assurer que les tiers éventuellement présents se trouvent hors d’atteinte afin de limiter les risques de dommages collatéraux ».
Une balle de caoutchouc
L'arme peut utiliser des projectiles variés.
Le plus courant est le FlashBall Superpro 44mm, doté d’une balle unique de caoutchouc souple de 44 millimètres de diamètre pour une masse de 28 grammes. Lors de l'impact, cette balle dissipe une énergie cinétique équivalente à celle d'un projectile de 38 Special.
Selon la publicité du fabricant, son pouvoir d'arrêt serait équivalent à celui d'une arme de ce calibre. Mais contrairement à cette munition, la pénétration dans le corps d'une personne vêtue normalement, même à des distances très faibles, serait impossible : en effet, l'énergie étant répartie sur une surface considérablement plus grande (35 cm2 contre 0,63 cm2), la balle s'écraserait sur sa cible au lieu de la perforer. L’affaire est cependant différente lorsqu’elle atteint un œil ou une joue…
Le LBD40 est produit par la firme suisse Brügger et Thomet, est doté d’une balle de mousse de 68g. Les distances de tir pour lesquelles il a été conçu s’étendent sur une plage allant de 10 à 50 mètres. À moins de 10 mètres, un tir peut bien évidemment occasionner d'importantes lésions...
Cette arme à un seul canon s'utilise comme un fusil. Notons qu’il peut être équipé d'une visée laser permettant un tir très précis jusqu'à plus de 40 m. Contrairement au Superpro, ce lanceur est donc très précis.
La balle de caoutchouc est la seule munition utilisée par les forces de Police et de Gendarmerie nationale en France.
C'est aussi la seule munition du Flash-Ball autorisée pour les agents de police municipale française comme indiqué par l'article 2-1 de la version consolidée au 24 septembre 2008 du Décret n°2000-276 du 24 mars 2000 relatif à l'armement des agents de police municipale. (Wikipedia)
De graves blessures
Il s’avère que mal utilisée, que cela soit ou non intentionnellement, l’arme est susceptible d’occasionner d’importantes blessures au visage, voire de crever des yeux.
Au fils des manifestations des gilets jaunes, on atteint une vingtaine d’éborgnés à cause de ces armes supposées être juste dissuasives.
D’après le Ministre de l’Intérieur Castaner, la police ne vise pas la tête.
Le visionnage des vidéos qui circulent en abondance permet cependant de voir à de nombreuses reprises des policiers équipés de LBD mettant en joue les manifestants à hauteur de visage.
Les nombreux blessés au visage, dont des adolescents (bien loin de l'Arc de triomphe : à Grenoble, Gonesse et dans le Loiret) sont là pour en témoigner.
David, tailleur de pierre de 31 ans, a été atteint le 1er décembre à la mâchoire par un tir de LBD 40. Conséquence de la fracture maxillaire droite, fracture alvéolaire, perte de substance osseuse, perte de 4 dents (bientôt 3 de plus), fracture des ptérygoïdes et perte de 2.5 cm de lèvre supérieure. Ceci lui vaudra deux ans de reconstruction faciale et en attendant, il a perdu son travail.
L’un des derniers blessés à l’œil en date est Jérôme Rodriguez, une figure connue des gilets jaunes, au moment où il était en train de filmer en direct sur son compte Facebook l'arrivée du cortège des manifestants gilets jaunes sur la place. D’après une source policière, la blessure serait due à une grenade de desencerclement et non à un tir de flashball. Il semble pourtant après enquête qu'un tir de LBD a bel et bien eu lieu, sans qu'on sache si la balle a physiquement atteint Jérôme, vu qu’un autre manifestant était visé. Selon les images, Jérôme Rodrigues – qui demeure persuadé que c’est bien un projectile de LBD qui l’a éborgné - ne constituait en tout cas pas une menace sérieuse et se montrait silencieux lorsqu’il a été visé.
A ce jour, le bilan est sinistre : 1 personne a été tuée (grenade lacrymogène), 4 personnes ont eu la main arrachée (grenades GLI F4), 20 personnes ont été éborgnées (balles de LBD 40 et grenades de désencerclement).
Rappelons que parmi les victimes, il y a plusieurs mineurs d’âge.
Une arme de précision ?
Dans une étude datée de 2009, la Commission nationale de déontologie de la sécurité estime, à la suite d'une démonstration, que la fiabilité du « Super-Pro » pose question et note « l’imprécision des tirs [...] malgré les qualités du tireur et les conditions idéales du tir ». Les membres de la commission concluent que « les risques qu’un projectile atteigne une personne se trouvant à proximité de la personne ciblée ou bien touche la personne ciblée à un endroit vulnérable de son organisme sont donc importants, notamment lorsque le Flash-Ball est utilisé lors d’un rassemblement compact de manifestants » et déconseillent l'emploi d'un Flash-Ball dans le cadre d'un rassemblement sur la voie publique
Le Flash-Ball Super-Pro est donc progressivement retiré des dotations de la police et de la gendarmerie au profit de modèles plus précis (LBD 40 ou LBD 40/46) et d’une plus grande portée (dix mètres).
On explique donc difficilement que des balles se retrouvent « accidentellement » dans le visage des manifestants avec le LBD.
Le service communication de la police argue que même si le LBD 40 est effectivement plus précis que le flash-ball, la précision du tir atteint ses limites dans une manifestation où les personnes sont en mouvement.
Comment se fait-il que des personnes isolées - dont des journalistes s’affichant clairement comme tels – puissent alors recevoir des projectiles de gomme-cogne, et ce peu importe le lanceur ?
Plusieurs cas de policiers condamnés.
Il ne faut pas croire que de telles exactions – ou dommages collatéraux, c’est selon l’esprit du lecteur, demeurent systématiquement impunies. Hélas, les peines ne sont pas toujours significatives. Rien à voir avec les centaines de comparutions immédiates dont sont victimes les gilets jaunes, dont une importante majorité n’a jamais été confrontés à la justice, Christophe Dettinger condamné à 6 ans de prison dont 8 avec sursis pour avoir boxé à mains nues deux gendarme mobiles bien caparaçonnés ou des lycéens mis en garde à vue pour avoir tagué « Macron démission ! ».
En janvier 2017, un policier a été jugé par le tribunal correctionnel de Marseille pour la mort d'un homme dans un foyer de travailleurs le 12 décembre 2010. L'autopsie atteste que le tir, effectué à environ 4,40 mètres du thorax de la victime, était bien la "cause directe et exclusive" de sa mort. Cela n’a valu au tireur qu’une peine de six mois de prison avec sursis et cerise sur le gâteau, avec dispense de mention de cette peine sur le casier judiciaire du fonctionnaire.
Un autre policier qui était intervenu pour des manifestants à Montreuil en 2009 a été condamné en première instance, en décembre 2016 à Bobigny, à 15 mois de sursis et 18 mois d'interdiction de port d'arme.
Un deuxième policier a été condamné à 7 mois avec sursis et 12 mois d'interdiction de port d'arme, un troisième agent a été relaxé.
L’action de terreur demeure de tout façon prépondérante, vu que rien ne peut faire revenir un œil perdu, et qu’il est difficile de rendre visage humain à une figure trop endommagée.
Il aura fallu attendre les termes d'un arrêt du 5 juillet 2018 (CAA Nantes, 5 juillet 2018, n°17NT00411) à la Cour administrative d’appel de Nantes pour que soit établi le régime de responsabilité de l’État en cas de blessure suite au dossier d’un mineur de 16 ans blessé à l’œil.
Le rejet de la Cour européenne des droits de l'homme
La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rejeté mardi 18 décembre 2018 la requête urgente de manifestants touchés par des tirs de lanceurs de balle de défense qui lui demandaient d'en interdire l'utilisation en France.
"La Cour ne fait droit aux demandes de mesures provisoires qu'à titre exceptionnel, lorsque les requérants seraient exposés – en l'absence de telles mesures – à un risque réel de dommages irréparables", a rappelé la CEDH dans son communiqué. Toutefois, si la demande de mesure provisoire a été rejetée, « cela ne présage pas des décisions ultérieures de la Cour sur la recevabilité ou sur le fond des affaires », précise-t-elle.
Conclusion
Un outil peut devenir une arme de guerre selon son mode d’utilisation. Ainsi, un couteau peut servir à faire la cuisine ou à être planté dans le cœur.
Un projectile, quel qu’il soit, peut devenir létal s’il est propulsé avec une certaine puissance et atteint sa cible à peu de distance.
Pour reprendre les dires de Thierry Launois, délégué national formation à l'Unsa Police à franceinfo : « Ça correspond à un coup de poing de Mike Tyson. Ce n’est pas censé tuer quelqu’un mais à partir du moment où il est utilisé au mauvais endroit »…
On parle ici de LBD, mais il faut savoir que les grenades de désencerclement peuvent également être la cause de graves blessures. C’est ainsi que Gwendal Leroy, 27 ans, a perdu son oeil, le 19 janvier dernier.
A.Zeletzki v.P 08 02 2019
Pour aller plus loin…
Desarmons.net : Collectif contre les violences de l’Etat qui dresse bilan non exhaustif des blessures graves occasionnées depuis le 17 novembre 2018 à l’occasion des manifestations de gilets jaunes et lycéennes + photos.
FranceSoir : Gilets jaunes : le Préfet de police rappelle les conditions d'utilisation du Flashball Publié le : Mercredi 16 Janvier 2019 - 12:53
Un avocat nous explique précisément sur son blog quel cadre légal en France pour l'utilisation de flashball et des LBD par les forces de l'ordre. Daté du 25 janvier 2019, à lire absolument !
Vidéo détaillée de l’utilisation du flash-ball. Remarquez le recul. On peut imaginer les dégâts occasionnés même par une balle de caoutchouc lorsqu’elle est projetée avec force contre un élément vulnérable.
Dossier qui divulgue huit circulaires et un mode d’emploi des Flash-Ball. Soit neuf documents officiels issus des services internes de la police française.
Le Monde.fr L’usage risqué du Flash-Ball lors de manifestations
Mode d’emploi complet en PDF du Flashball
Découvrez la gamme de flashball sur le site des fabricants.
L’histoire de l’œil en moins, ce n’est pas nouveau…
Victime d'un flash-ball en 2010 alors qu'il manifestait avec des lycéens à Montreuil, Geoffrey a été grièvement blessé à un oeil et garde des séquelles. Le policier auteur du tir est jugé aujourd'hui en correctionnelle.
En cas d'usage disproportionné de la force, Un comportement indigne (gestes ou propos déplacés, insultes, menaces, tutoiement…), une fouille corporelle abusive, un contrôle d'identité qui se déroule dans des conditions anormales, des difficultés pour déposer plainte on peut saisir le défenseur des droits
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