Le gang des démolisseurs sociaux
Alors qu'aujourd'hui 78% des embauches se font en CDD, cela ne doit pas suffire à la CGPME qui propose de porter de 18 à 30 mois la durée maximale des contrats à durée déterminée.
"Les patrons de PME sont inquiets. Ils manquent de visibilité pour l'année 2012, le contexte macro-économique, sur fond de crise de la dette, étant pour le moins anxiogène", écrit la Confédération générale des petites et moyennes entreprises dans un communiqué. "Dès lors, certaines entreprises peuvent être réticentes à transformer des CDD en CDI.". Réticentes ?
Allons bon, voilà que la CGPME ne ferait pas les mêmes constats que le MEDEF sur le « contexte macro-économique » !
Souvenons nous, ce n'est pas si vieux : le 31 août dernier, le Medef ouvrait son université d’été. Laurence Parisot, étincelante, indiquait « … nous ne voyons pas de risque de récession et nous pensons qu'il y a dans les mois à venir de bonnes chances pour retrouver une croissance solide, un rythme suffisant pour créer des emplois et des richesses". Sentiment que partageait le charismatique président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy.
Laurence Parisot a même rajouté : « Nous avons été frappés de constater que pour beaucoup d'entre nous, dans beaucoup de secteurs, les carnets de commandes restent de bon niveau ».
Il n'empêche que tout est bon pour avancer les pions et continuer le travail de flexibilisation. Le 24 novembre, elle faisait le constat que "Nous n'avons aucune souplesse sur la durée du travail, si le carnet de commandes baisse, il est assez compliqué pour une entreprise de s'adapter" et plaidait pour une « durée conventionnelle du contrat de travail ».
Aujourd'hui, la CGPME nous indique froidement que c'est aux formes du contrat de travail qu'il faut aussi s'attaquer, en portant la durée maximale du CDD de 18 à 30 mois, au prétexte que ce serait bien pour « maintenir ces salariés dans l'emploi alors que les chefs d'entreprise hésitent à les embaucher en contrat à durée indéterminée... ».
Mettez-vous à la place des employeurs : le CDD est encore si (trop) protecteur à leurs yeux qu'il conviendrait de le rentabiliser, à défaut d'avoir vu le contrat de travail unique arriver, promesse du candidat Sarkozy de 2007.
Mais ce CDD à rallonge, on imagine fort bien que la CGPME ne le veut pas avec les caractéristiques actuelles, sinon sa proposition n'aurait pas de sens. Un CDD de 18 mois serait le point d'étape de l'éclatement du CDI.
Qui dit CDD « long » dit remaniement de tous les paramètres du CDD. D'abord, cet allongement équivaudrait à accepter que l'emploi d'un CDD serve à occuper un poste permanent, qui aujourd'hui est l'apanage du CDI.
Et puis, la CGPME demandera à ce qu'il n'y ait plus de motif écrit dans le contrat CDD. En effet, imaginez l'employeur indiquant, comme il est impératif de le faire aujourd'hui, un « surcroît exceptionnel de travail » ou le « remplacement d’un salarié absent »... pour 18 mois !...
Comme il peut se passer bien des choses dans l'entreprise et dans les relations professionnelles avec l'employeur, la CGPME demandera que le mode de rupture actuel du CDD soit aussi revu : elle souhaitera que la rupture ne soit plus motivée, que les indemnités de fin de contrat soient allégées.
La rupture anticipée du CDD avant l'échéance du terme, contraignante (seulement en cas de faute grave, de force majeure ou d'inaptitude constatée par le médecin du travail) serait modifiée.
Et puis, bien entendu, plus question de requalifier en CDI le contrat de travail après plusieurs CDD consécutifs !
Ni de laisser l'entreprise se laisser encore empoisonner la comptabilité avec le délai de carence entre le premier et le début du CDD suivant. Car bien sûr, le CDD de 18 mois serait renouvelable ! Et cerise sur le gâteau, l'entreprise pourra embaucher un CDD après un licenciement économique...
En fait, ce n'est pas de l'enjeu économique lié au carnet de commandes dont il est question. Il s'agit pour eux de faire du gras en continuant l'offensive contre le code du travail, en abaissant encore plus le niveau de sécurité professionnelle des salariés, alors que dans le même temps la libéralisation financière se refait une santé.
Les intégristes libéraux savent mieux que nous que cet accroissement de la flexibilité n'est pas la réponse à la baisse du chômage et à la lutte contre la concurrence internationale, mais ils veulent le faire croire. Ils veulent simplement sanctuariser cette proportion grandissante de salariés précaires naviguant entre intérim et CDD, et gommer ce qui représente encore, chèrement acquis, l'état de droit dans l'entreprise.
On ne sait pas trop ce qu'en pense Laurence Parisot de cette demande de la CGPME. Par contre ce que l'on sait, c'est qu'en avril 2008, le « conseil des prud'hommes de Créteil avait donné raison à 11 anciens salariés de la société Phone City, filiale à 100% de l'Ifop. Les 11 ex-salariés de cette filiale de l'Ifop, dont Laurence Parisot, par ailleurs présidente du Medef, fait partie du directoire, avaient demandé la requalification de leurs contrats à durée déterminée (CDD) en CDI. »...
On interrogera aussi David Beckham, précaire aussi, à sa manière qui n'a décroché qu'un CDD d'un an et demi.
Ce serait l'honneur des parlementaires de 2012 de rendre les CDD exceptionnels, parce que des milliers de personnes ne pourront longtemps se voir condamnées à un travail et une vie flexibles, suspendus au court terme, dont la condition s'adosse au nom de servitude.
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