Le grand sanhédrin de l’islam
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L117xH149/sanhedrin-49a63.jpg)
L’attitude de Napoléon vis-à-vis des juifs de France doit nous inspirer, en 2010, pour – collectivement – œuvrer à une intégration réussie des musulmans français. La question centrale de la compatibilité entre la loi de la République et les lois coraniques doit être envisagée. Par, et avec, les musulmans. C’est cela l’humanisme à l’œuvre : poser les vraies questions, et œuvrer collectivement pour transcender les différences.
A l’heure où l’apéro saucisson-vin rouge – organisé dans les rues régulièrement occupées par des musulmans pour prier – créé la polémique, il me semble utile de ne pas tomber dans le débat stérile. De même que l’on a beaucoup trop parlé (moi y compris) de burqa, et pas assez de la place de la femme dans l’islam, il serait dommage de s’étriper pour des histoires d’apéro, au lieu de parler de la place de l’islam en France.
Les discussions sur ce blog, et les réflexions des laïcs, ont conduit plusieurs fois à évoquer la Grand Sanhédrin organisé par Napoléon en 1806. Napoléon a mis le peuple juif de France au pied du mur en leur posant une série de 12 questions, directement liées à la compatibilité des règles juives et des règles républicaines, et à la prééminence des unes par rapport aux autres.
Il y a un problème évident d’intégration et d’assimilation des musulmans en France, et le déchaînement des passions autour de l’apéro saucisson pinard, tout comme d’autres réactions grotesques auraient pu être évitées si le pouvoir politique contemporain avait procédé à l’égard des musulmans et de l’islam, de la même manière que Napoléon avait procédé avec les juifs et le judaïsme.
Prenant acte de ce que la religion juive faisait des juifs vivant en France « une nation particulière dans la nation française », Napoléon réorganisa la religion juive afin que les juifs s’assimilent et deviennent des citoyens à part entière. Si l’on veut véritablement un islam de France, il faut prendre exemple sur les mesures assimilationnistes de Napoléon« Il faut ôter des lois de Moïse tout ce qui est intolérant, déclarer une portion de ces lois lois civiles et politiques et ne laisser de religieux que tout ce qui est relatif à la morale et aux devoirs des citoyens français. » ordonna l’Empereur à Champagny, son ministre de l’Intérieur, le 26 octobre 1806. « Lorsqu’on les soumettra aux lois civiles, précise-t-il, il ne leur restera plus, comme Juifs, que des dogmes, et il sortiront de cet état où la religion est la seule loi civile, ainsi que cela existe chez les Musulmans, et que cela a toujours été dans l’enfance des nations. »
Si l’on veut véritablement un islam de France, il faut prendre exemple sur les mesures assimilationnistes de Napoléon, et sur sa manière de faire. On ne peut laisser indéfiniment croître sur notre sol « une nation particulière dans la nation française », obéissant à une autre loi, restée dans cet état où « la religion est la loi civile » et dont la religion contient beaucoup de prescriptions incompatibles avec la morale et les devoirs des citoyens français. Sans un travail de fond, tel celui entrepris par Napoléon à l’égard du judaïsme, dont il acquit une connaissance approfondie avant d’en mener la réforme, on ne peut qu’assister à une montée des tensions entre les communautés religieuses.
Il semble assez clair que la tenue de tels « Etats généraux de l’islam en France » est urgente :
Cette démarche concernerait les autorités religieuses musulmanes, et – redisons le, car c’est essentiel – n’aurait pas avoir avec la citoyenneté, mais conditionnerait dans certains cas la reconnaissance officielle de tels ou tels organismes, les subventions, les possibilités d’implantation ou d’enseignement. Il s’agirait de demander des positions claires aux responsables musulmans, qui souhaitent la reconnaissance et l’aide de la République, sur les sujets de frictions constatés et qui nous inquiètent.
Il s’agirait de demander aux dignitaires musulmans de se prononcer officiellement sur le droit de changer de religion pour un musulman, sur le droit pour une musulmane d’épouser un non musulman, sur : le voile, la liberté d’expression, l’enseignement de la théorie de l’évolution etc.
Bien sûr, il ne s’agit pas de vouloir reproduire à l’identique le Grand Sanhédrin, mais de s’inspirer de son esprit. C’est ce que rappelle Ftouh Souhail :
L’Europe moderne ne pourrait probablement pas faire quelque chose de similaire au Grand Sanhédrin, que le génie de Napoléon avait ranimé, 2000 ans après. D’autres moyens devraient être recherchés et inventés. L’effet des médias devrait être utilisé pour aider l’islam à aller dans le sens d’une profonde « réconciliation » avec la modernité. Une telle tâche ne serait pas un stratagème « impérialiste » pour subvertir l’islam. La tâche ardue de réformer l’islam a commencé au XIXe siècle par des imams comme le Mufti d’Égypte, le célèbre Mohamed Abdo. Elle est aujourd’hui poursuivie par de nombreux réformateurs musulmans y compris Jamal Banna, le juge Saïd El Ashmawy et beaucoup d’autres en Égypte et ailleurs.
Pour finir, voici la liste des questions posées par Napoléon aux juifs de France. Remplacez « juifs » par « musulmans », et vous aurez un canevas déjà assez précis de ce que pourrait être l’ordre du jour des « Etats généraux de l’islam ». Il ne manque que l’apostasie pour compléter la liste.
- Est-il licite aux Juifs d’épouser plusieurs femmes ?
- Le divorce est-il permis par la religion juive ? Le divorce est-il valable sans qu’il soit prononcé par les tribunaux et en vertu de lois contradictoires à celles du code français ?
- Une Juive peut-elle se marier avec un Chrétien, et une Chrétienne avec un Juif ? ou la loi veut-elle que les Juifs ne se marient qu’entre eux ?
- Aux yeux des Juifs, les Français sont-ils leurs frères, ou sont- ils des étrangers ?
- Dans l’un et l’autre cas, quels sont les rapports que leur loi leur prescrit avec les Français qui ne sont pas de leur religion ?
- Les Juifs nés en France et traités par la loi comme citoyens français regardent-ils la France comme leur patrie ? Ont-ils l’obligation de la défendre ? Sont-ils obligés d’obéir aux lois et de suivre toutes les dispositions du Code civil ?
- Qui nomme les rabbins ?
- Quelle juridiction de police exercent les rabbins parmi les Juifs ? Quelle police judiciaire exercent-ils parmi eux ?
- Ces formes d’élection, cette juridiction de police et judiciaire sont-elles voulues par leurs lois , ou seulement consacrées par l’usage ?
- Est-il des professions que la loi des Juifs leur défende ?
- La loi des Juifs leur défend-elle de faire l’usure à leurs frères ?
- Leur défend-elle ou leur permet-elle de faire l’usure aux étrangers ?
Cette liste avait été ramené à 9 problèmes : Polygamie ; Répudiation ; Mariage ; Fraternité ; Rapports moraux ; Rapports civils et politiques ; Professions utiles ; Prêt entre Israélites ; Prêt entre Israélite et non Israélite. Les réponses du grand sanhédrin sont connues : sur tous les sujets, l’assemblée décida de se plier aux règles de la république. Le grand sanhédrin, à l’époque, eut pour obligation de convertir en décisions doctrinales les réponses fournies par l’assemblée. Ce qui se fit à Paris en 1807. On imagine sans peine les débats houleux qui eurent lieu au sein de l’assemblée pour en arriver à ce qui a probablement été une étape majeure dans l’histoire du peuple juif français.
Je laisse le mot de la fin à Radu Stoenescu :
C’est cela un universalisme à l’œuvre, à la différence de l’universalisme béat et compassionnel des anti-racistes : il faut poser les problèmes, reconnaître les incompatibilités entre les cultures et les religions, et œuvrer à travers le droit à un dépassement des contradictions. Ce fut le génie de Napoléon, et son engagement véritablement humaniste en faveur des juifs, qu’il fit littéralement sortir des ghettos et porter la cocarde tricolore au lieu des brassards avec l’étoile de David, que les autorités italiennes leur imposaient. C’est le génie dont la France est capable : l’émancipation des individus à travers une reconnaissance honnête des obstacles obscurantistes, religieux ou culturels à éliminer pour arriver à une fraternité réelle.
[…] Régler par la loi le rapport entre l’islam et le monde occidental, voilà notre tâche, si nous voulons éviter le conflit de civilisations. Décréter péremptoirement que l’islam est soluble dans la République, c’est insulter à la fois l’islam et la République, et mépriser en fait la différence. Saurons-nous nous montrer dignes de nos aïeux ?
Article paru sur Expression Libre, membre de LHC.
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