Le handicap : encore un sujet conjugué au futur conditionnel
Faudra-t-il un président handicapé pour que les choses changent, on peut se le demander.
La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, prévoyait un rendez-vous en 2008, c’est fait, le sujet est remonté au rang d’actualité. Quelle belle affaire !
Nos gouvernants justifient leur travail et l’avancée des lois en mettant un sujet à l’ordre du jour, mais cela ne veut pas dire que le problème est résolu ou que des solutions concrètes sont mises en place.
Le sujet des handicapés en est une illustration supplémentaire, mais au-delà de la polémique, c’est de la vie d’une partie des Français dont il est question. Un quotidien couleur "parcours du combattant", autant au sens propre qu’au figuré.
Les bonnes intentions ne suffisent plus, des actes, des faits, du concret s’il vous plaît.
Arrêtons les conférences nationales, les journées du handicap, au même titre que celles du SIDA, du tabac ou de la femme...
Ras-le-bol des belles phrases du genre : "le handicap est une priorité" ou "Une personne handicapée dans une entreprise, dans un collège, ce n’est pas une charge, c’est une chance", comme l’a déclaré Nicolas Sarkozy. Une chance... ? Combien d’handicapés sont salariés de l’Elysée... ?
En France, le taux d’emploi des personnes handicapées dans les entreprises était ainsi de 4,4 % en 2006 dans le privé et de 3,5 % dans la fonction publique.
Le gouvernement "incite", "invite", "convie les entreprises", le Pacte pour l’emploi "vise à permettre" de mieux accompagner vers l’emploi les personnes handicapées... Comment croire qu’il va y avoir du changement avec de tels objectifs affichés et aucune mesure coercitive ?
Une fois ces grandes phrases lancées, nous assistons à une valse du futur. Une réforme de l’allocation adulte handicapé (AAH) qui "doit devenir" un outil d’accompagnement vers l’emploi de ceux qui peuvent travailler. Un bilan professionnel sera réalisé pour toute demande d’AAH, et il sera proposé un contrat d’insertion et d’accompagnement vers l’emploi à tous ceux qui se verront accorder la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé. "Le montant de l’AAH enfin prendra en compte mieux qu’aujourd’hui la capacité ou non à travailler."
Il y a un an déjà...
Nous nous souvenons du débat télévisé entre Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy, et surtout la colère de Ségolène au sujet des handicapés. Elle reprochait (en partie) la différence des chiffres entre les promesses et les faits.
Nous y sommes bien, le sujet est bien d’actualité. Des intentions, des conjugaisons au futur, mais... les chiffres stagnent.
Des chiffres, il en a encore été question. Chaque fois, la même stratégie. Les annonces sont impressionnantes : 50 000 places nouvelles en 5 ans, un effort de 1,5 milliard d’euros. En attendant, les familles sont contraintes d’aller en Belgique, et cela ne suffit pas pour résorber les listes d’attente (15 000 enfants et 12 000 adultes).
Le ministre de l’Education Xavier Darcos y va de ses annonces, à renforts d’appellations et de sigles : "10 000 élèves handicapés supplémentaires seraient accueillis en milieu ordinaire", et 200 Unités pédagogiques d’intégration (UPI) supplémentaires seraient créées à la rentrée 2008.
Du côté des associations, qu’en pense-t-on ?
Devant ce que le gouvernement appelle un plan (erreur d’appellation, les handicapés sont "restés en plan"), les associations ne peuvent être que déçues. Demander timidement aux entreprises d’embaucher, c’est déjà peu, mais qu’en est-il des handicapés qui ne peuvent travailler ? Elles réclament un "revenu d’existence décent égal au Smic". Ce n’est qu’une solution de remplacement, handicapés ou pas, les gens préfèrent travailler, mais pour ceux qui ont de vraies difficultés, qu’est-il prévu ? Le RMI, parce que la société ne veut pas d’eux ?
La majorité des réactions des associations tournent autour du même aspect de cette conférence : des discours envahis de bonnes intentions et de projections dans le futur, mais aucune mesure concrète, pratique et immédiate. Le gouvernement se dédouane avec des mots fédérateurs, consensuels, mais reste flou quant au calendrier, aux situations extrêmes et à l’attention portée à tous ceux qui ne rentrent pas dans le cadre strict des lois à venir.
Un probléme récurrent dans toutes les strates de la société
Parmi les mesures et les plans annoncés, Nicolas Sarkozy s’est aussi engagé à accélérer les travaux pour les lieux publics accessibles aux handicapés, "un chantier titanesque", qui doit être achevé en 2015. Il a donc demandé aux collectivités territoriales de relayer ce plan.
Il est donc obligatoire pour les mairies de créer une commission à cet effet.
Au dernier conseil municipal d’Orange, il a donc été décidé de voter la création de cette commission qui devra se réunir une fois par an pour suivre l’évolution de ce chantier d’accessibilité des lieux publics aux handicapés.
Bien entendu, la municipalité est dans le texte, le projet a été voté... mais il est vide !
Aux questions d’un membre de l’opposition telles que :
- Quand et comment va être créée cette commission ?
- Qui va en faire partie ?
- Une réunion une fois par an, quelle est son utilité et son efficacité au vu de l’ampleur du chantier ?
- L’opposition pourra-t-elle participer à cette commission ?
- Quels chantiers vont être mis en œuvre ?
A toutes ces questions, aucune réponse concrète n’a été donnée.
Décidément, de la tête de l’Etat à la collectivité territoriale la plus proche des citoyens, les handicapés ont encore des jours sombres devant eux quant à leur "intégration", je dirais plutôt leur acceptation. Des discours, un report de responsabilités, des mots consensuels, des délais à sept ans et plus... C’est chaque jour que les handicapés ont besoin de solutions concrètes, c’est chaque jour et déjà depuis bien longtemps qu’ils devraient faire partie intégrante de la société.
Le fait même qu’un article comme celui-ci existe est une honte, je n’aurais jamais dû avoir à l’écrire. Mais malheureusement, il existe de nombreux sujets qui entrent dans cette caatégorie. Ce n’est pas pour grandir la conscience de nos dirigeants, du local au national.
Alors, à la question première, faudra-t-il un président handicapé pour que les choses changent, la réponse est délicate, car il faudrait qu’il soit aussi chômeur, d’origine étrangère, noir de peau, vivant en banlieue défavorisée ou dans la Creuse, agriculteur, pêcheur, éleveur, routier, ambulancier, enseignant, travailleur pauvre, à la recherche d’un logement, porteur du SIDA, que ce soit une femme....
Alors, la réponse est définitivement NON, il faudrait un président qui serve la France et TOUS les Français, mais là, je crois que je deviens grossier ou utopique.
Dominique LIN
article paru sur Orange Libre Expression
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