Le naufrage de l’université française
Depuis un certain temps déjà, les facs sont bloquées un peu partout en France. Je voulais en parler, mais il me semble qu’une bonne partie des infos sur la réalité de la situation ne circule pas beaucoup dans la presse nationale, ou régionale. Je compile donc ici trois articles que j’ai lu sur le sujet, et qui rappellent, chacun à leur manière, la façon dont les choses n’avancent pas. Blocages, politisation, intimidation, complicité de l’administration, menaces, violences.
Guy Millière
Depuis deux mois, la plupart des universités françaises sont bloquées. Les cours n’ont pas lieu et sont remplacés par des activités “alternatives”, ou par rien du tout.
Le motif est, toujours, la pusillanime réforme du secteur proposée par le gouvernement. Mais faut-il un motif ? Dans l’université française, les grèves longues sont des rituels qui reviennent de manière récurrente. Ce n’est pas très grave : les étudiants ne produisent rien, la plupart des enseignants non plus. Cela gaspille l’argent des contribuables, mais cet argent est déjà tellement gaspillé, et de tant de façons […]
[Le gouvernement] pourrait, direz-vous, proposer de baisser nettement les impôts, et les charges de façon à faciliter la création de richesse, envisager aussi de déréglementer et de diminuer drastiquement les dépenses publiques. Il lui serait difficile d’aller très loin dans ces directions, puisque l’essentiel se décide désormais à l’échelle de l’Europe, mais il pourrait au moins en parler. Au lieu de cela, les propos tenus, comme les mesures prises, ont une teneur social-démocrate très nette, et il faut avoir la cécité idéologique d’un socialiste français pour ne pas le voir.
Guy Millière, “La France s’enlise dans la crise et la grève”, pour les 4 Vérités hebdo le 31 mars 2009, cité sur Rebelles.info
Michel De Poncins
Il est connu que la seule façon d’avoir des universités performantes serait de les privatiser afin qu’elles soient dotées d’une direction forte capable d’attirer les capitaux et les talents nécessaires pour les conduire à l’excellence dans le cadre d’une forte concurrence. L’université de Stanford et bien d’autres aux USA agissent dans une totale indépendance vis-à-vis du pouvoir politique. C’est à l’ombre de Stanford que la Silicon Valley s’est développée. Faute d’avoir la mission de privatiser ou, même, l’idée de le faire, Madame Valérie Pécresse, en charge du dossier, a bricolé un système donnant un semblant d’autonomie aux universités. […]
Pour terminer, nous lisons, ces jours-ci, dans les journaux que Madame Valérie Pécresse multiplie les gestes à l’égard des enseignants chercheurs. Cela veut dire qu’elle a reçu la consigne d’appliquer la stratégie du pouvoir depuis plus de 18 mois qui pourrait être décrite comme celle du “matamore couché” : matamore parce qu’il prend des postures fortes, couché parce qu’il capitule sans conditions devant l’ennemi ; c’est cette stratégie que le même pouvoir applique depuis plus de 40 jours vis-à-vis des îles lointaines et qui est la meilleure façon d’avoir comme en d’autres temps à la fois la guerre et le déshonneur.
Michel de Poncins, “Enseignants chercheurs”, pour Tocqueville Magazine le 16 mars 2009, cité sur Rebelles.info
Jean-Louis Caccomo
Sous prétexte de donner le maximum de chances au plus grand nombre de jeunes, notre système a complètement neutralisé le principe de responsabilité dans le monde éducatif. Le résultat est un gaspillage massif des ressources humaines. En effet, les jeunes ont tendance à s’orienter dans les filières qui ne débouchent sur aucune carrière – souvent avec la bénédiction de parents passifs ou dépassés – tandis que les entreprises peinent à trouver les compétences dont elles ont besoin pour se développer. Les filières qui débouchent sur l’emploi n’attirent plus nos étudiants car ils trouvent ces formations trop sélectives. En clair, notre système fait du subprime à grande échelle : il distribue des titres sans contrepartie.
Jean-Louis Caccomo, “L’université française entre l’impasse et l’espérance”, le 10 mars 2009 sur son blog Chroniques en liberté, repris sur le Québécois Libre
Les échanges que j’ai pu avoir par mail avec J.-L. Caccomo, ainsi que les échanges en commentaires sous son billet, montrent l’ampleur de la non-information (dissimulation) dont font l’objet ces évènements :
- Administration qui force les enseignants venus faire cours à faire grève
- Blocages et insultes par des “jeunes des quartiers” venus prêter main forte aux bloqueurs
- Bloqueurs qui ne sont ni enseignants, ni élèves
- Aucune intervention des forces de l’ordre, ni des services de sécurité privés mis en place sur certains campus
- Non application des décrets ayant décidé de l’évacuation des bloqueurs
- Faux vote à main levée dans les amphis, trucage des résultats
- Lettres de menace dans les boîtes mails de certains enseignants non grévistes
Je continue ? Non, bien sûr. Le sentiment qui ressort de tout ça est une honte mêlée de rage à l’égard de l’université française.
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