Le péché monétaire de l’Oxydent
Au cours des multiples « crises » économiques qui ont dévasté l’Occident, il a été admis pourtant que « l’or est le pilier de l’univers monétaire ». Alors que le système financier global menace d’emporter une fois encore (une fois de trop, une fois ultime ?) la sécurité des populations, l’éclat inaltérable du métal jaune n’indiquerait-il pas la voie vers un « environnement monétaire stable » voire celle d’un retour à une économie saine et l’horizon d’une « civilisation » digne de ce nom, si ce n'est d’elle-même ?
Jusqu’alors, la « monnaie » est une notion sur laquelle tout le monde pouvait s’entendre, du moins aussi longtemps qu’elle correspondait à un poids donné en métal précieux et représentait la richesse déjà créée. Mais depuis 1971, avec l’abandon de la convertibilité-or, elle est une entité virtuelle créée par les banques centrales – et la représentation d’une « dette » qui ne pourra plus être payée...
Si elle semble toujours constituer l’épine dorsale de la société et la mesure de toute chose, sa création débridée ne correspond plus à aucune réalité économique et terrestre : sa pléthorique représentation papier et numérique pourrait bien se révéler comme l’équivalent de promesses de paiement qui ne pourront plus jamais être tenues lors de la « grande réinitialisation » maintes fois annoncée dans l’effondrement des grands récits de transformation sociale...
Nul doute que les surinvestissements « consentis » sans l’accord des peuples dans l’hypercomplexité, couplés à l’empilement des fraudes et aux rendements décroissants, ne constituent le catalyseur de base de cet effondrement – celui du château de cartes de la globalisation numérique... N’avons-nous pas déjà trop « emprunté à l’avenir » et fait du déni notre « réalité » même ?
L’universitaire Mark Skousen rappelle les avantages d’un « retour à l’or » ne serait-ce qu’en vertu des trois « propriétés uniques » du métal jaune. Premièrement, il constitue un « numéraire stable pour le système monétaire mondial ». Deuxièmement, il a une « capacité extraordinaire à maintenir son pouvoir d’achat à travers l’histoire » (c’est la « constante or »). Enfin, il « jouit d’une capacité curieuse à prédire la future inflation ».
Expansion monétaire et ruée vers l’or
Mark Sousken a achevé sa thèse de doctorat sur l’étalon-or en 1977. Après une brève carrière d’analyste économique à la CIA et des activités de consultant, il a enseigné (Columbia University, Yale) et conseillé nombre de grandes entreprises américaines dont IBM. Dans son ouvrage écrit bien avant l’apparition des taux négatifs qui sapent les fondations des banques et des assureurs ainsi que les fondements anthropologiques de nos sociétés, il démontre « l’absolu bien-fondé du standard or » et plaide pour que le métal jaune redevienne « la base absolue » d’un système monétaire assaini susceptible d’inspirer « confiance ».
Le philosophe politique et économique David Hume (1711-1776) considérait en son temps que la « banque la plus désirable est celle qui gardait dans son coffre tout l’argent et ne participait à aucune activité de prêt » - c’est le système de réserve de 100%. Il imputait à la banque de réserve fractionnaire crises du crédit, pertes de change et sorties d’espèces. Le système monétaire mondial a commencé par une « monnaie-marchandise élaborée au fil des siècles dans le marché ». Puis, les métaux précieux (or et argent) deviennent la « principale monnaie-marchandise universelle » sous forme de lingots ou de pièces de monnaie. Graduellement, les jetons, billets papier ou dépôts bancaires ont été introduits dans le système monétaire : « Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour que ces quasi-sommes d’argent soient émises en quantités largement supérieure au métal qu’elles représentaient »...
C’est ainsi que des « éléments fiduciaires » ont été introduits dans le système monétaire... Il est généralement admis que « le coût d’un étalon-monnaie fudiciaire pur, non garanti par l’espèce, est négligeable du point de vue des dépenses liées à l’impression des billets de cours légal du gouvernement ».
Mais les coûts d’opportunité d’une augmentation incontrôlée d’une « monnaie fiat » sont exorbitants par rapport à l’étalon-or, si on considère une comparaison attribuée à Alan Greenspan : « Autoriser l’Etat à créer de la monnaie-papier, c’est comme mettre un sou dans la boîte à fusibles. Les coûts en ressources du sou peuvent être plus faibles que les coûts en ressources du fusible, mais les coûts totaux, qui prennent en considération la probabilité d’un incendie ravageur, sont incontestablement plus élévés »...
La « confiance » dans « l’argent » hors sol ayant perdu tout arrimage tant avec son répondant métallique qu’avec les réelles capacités productives et contributives des nations est attaquée à la racine dans une économie en mort clinique où plus rien ne pourra être tenu pour acquis – à commencer par le « confort » et le « pouvoir d’achat » prodigués jusqu’alors par une présumée corne d’abondance techno-industrielle.
Le retour à un standard or fera-t-il fonction de boussole voire d’extincteur dans l’incendie qui gagne la salle des machines ? Constitue-t-il encore une réponse à la hauteur des enjeux ? Si "l'âge d'or" de l'humanité ne correspond pas nécessairement au règne de l'or ni à son abandon dans le système monétaire international, il y a des fautes économiques et "gestionnaires" lourdes de conséquences, qui touchent à la conception même de notre monde et à son fonctionnement dans l'effondrement en cours, travesti en "grande réinitialisation"...
Comment faire cesser cette aspiration continue de la totalité des ressources de l’espèce présumée humaine, sacrifiées aux ultimes opportunités de gains à très court terme dopées aux sempiternels écarts spéculatifs ?
Quel âge d’or jette-t-il son éclat (ou son ombre...) sur le chaos numérique exponentiel qui nous a détachés de notre biosphère et emmenés si loin de notre réalité même - jusque dans les limbes d’une économie zombie et les convulsions d’un gâchis universel ?
L’injection de « globules d’or » dans la circulation sanguine monétaire rétablira-t-elle à temps un principe de responsabilité - voire notre immunité globale ?
Pr Mark Skousen, Une économie au pur standard or, Le Jardin des Livres, 280 p., 24 €
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