«
Non Paulette, pas de ça chez nous ! »
On sent que ça vient. De nouveau la cabane va tomber sur le chien. Mais cette fois, nous risquons gros.
Voilà un mois qu'on nous prépare au pire. Par une vraie campagne promotionnelle censée s'adresser aux seules femmes, genre deux paquets d'Ariel pour le prix d'un, et si pas satisfaite, remboursée.
On veut quoi, à la fin ? Casser notre société ? Renverser les valeurs ? Et tout ça pour enrichir des entreprises pharmaceutiques. Déjà, il y a la parité, les femmes sont payées autant que nous, et dans les entreprises elles font carrière mieux que nous. En plus, sur le plan éthique, on peut débattre... Sans compter que l'égalité serait mise à mal : pour nous une pilule, pour elles un spray façon
stérimar.
Il faut prendre l'information au sérieux. Mais en ce moment de crise, après qu'on ait élu un président pour prendre les choses en main et alors qu'il assume son renoncement à se coltiner la finance, on a d'autres chats à fouetter que s'intéresser à la libido, non ? Je ne vous raconte pas ce qui va se produire dans les rues si les intégristes cathos s'emparent du sujet ! J'imagine les slogans ravageurs de Civitas.
« A la réflexion, ce serait bien un coup à Hollande ! » ais-je lancé à Paulette.
«
Tu crois qu'il est en position de s'occuper de notre libido ? » s'étonna t-elle. Ce serait bien possible. Tout est bon à un Exécutif afin d'inciter le peuple à penser à autre chose, à faire diversion sur que ce qu'on lui concocte pour le bonheur des autres. Celui-ci n'échappera pas à la règle, ses pratiques ne portant pas au plaisir partagé.
Bref, je résume : des Belges de
l'Université de Liège ont en partie développé un gel intranasal à base de testostérone conçu pour augmenter les orgasmes féminins. C'est un laboratoire canadien du nom de Trimel Pharmaceuticals qui l'a finement mis au point. Ils en sont à la phase d'expérimentation. Ils veulent médicaliser le plaisir.
Le principe est simple : l'utilisatrice s'injecte avec deux ou trois nuages du produit dans le nez une à deux heures avant un rapport sexuel. Le spray nasal a en effet choisi : "Le nez étant un organe riche en vaisseaux sanguins, il permet une absorption ciblée et rapide de la molécule". L'orgasme au bout du nez. Vous la voyez l'invention révolutionnaire ? Che Guevara, à côté, c'est la Comtesse de Ségur avec une pipe.
Vous imaginez le tableau ? Paulette et moi sommes au restaurant, quand soudain, dès le hors d’œuvre, Paulette se jette discrètement quelques vapeurs dans les nasaux. Elle sait que Tefina (c'est le nom du produit) augmente l’afflux sanguin vers les organes sexuels et stimule ainsi le désir. Bonjour le romantisme ! Moi, je sais aussitôt que je suis mûr pour une exécution sommaire. Je n'ai pourtant rien demandé. Le pire - autant que vous le chassiez - c'est que le produit agira pendant six heures... Vous voyez ce que je veux dire ?
Vous aurez remarqué que c'est Paulette, anticipant son activité sexuelle, qui a choisi le moment. Et c'est là un des principaux dangers du produit : la femme va se mettre à nous imposer ses volontés dans ce domaine-là aussi. Les sociologues auront du pain sur la planche.
Bon, à supposer que je condescende à la manœuvre. Au bas mot, trente cinq minutes après, (je suis comme vous autres), l'affaire est dans le sac et il n'y a plus d'abonné au numéro demandé. A Paulette, il reste encore plus de cinq heures de possibilités. Les clignotants sont au rouge : si ça se trouve, elle exigera de remettre le couvert. Voilà l'autre danger : les couples français vont s’autodétruire et le socle fondateur de notre civilisation se fendre sous les coups de boutoirs. L'acte ne sera plus une récompense ou un devoir... L'harmonie du couple va chanceler : « Nous avions démontré dans une recherche précédente que les femmes de moins 50 ans qui n'éprouvaient pas de plaisir pendant leurs relations sexuelles faisaient l'amour au moins cinq fois par mois pour maintenir l'harmonie dans leur couple », indique le professeur Susan Davis de l'Université Monash en Australie.
Tout tournera bientôt autour du doigté sur une bouteille souple sur laquelle les hommes n'auront pas de contrôle.
Passe encore de combattre l'
anorgasmie féminine, mais comment éviter l'inévitable dévoiement prévisible de l'afflux de sang à l'organe sexuel féminin, qui fera des hommes de simples instruments ? Mais pas que : comme le produit magique ne provoquerait pas d'effets secondaires, les femmes n'auront pas peur d'en abuser. Et cerise sur le gâteau, la femme qui le prendra mais qui n'aura finalement pas de relation sexuelle ne risquera rien ! C'est dire que les coups de nébulisateur vont devenir postures, des signes ostentatoires de libération féminine. Ce qui peut être détestable sur le long cours. Les rapports hommes/femmes seront bouleversés, et les rapports de pouvoir transformés. Imaginez nos députées donnant du menton et du spray à la tribune de l'Assemblée pour se booster le désir d'être plus brillantes que la représentation nationale masculine, ou les électrices UMP votant pour Fillon ou Copé...
Le sujet est grave. L'heure aussi, même si on peut comprendre que "pour les hommes, le sexe est une manière de se déstresser, alors que les femmes ont besoin d'être déstressées pour faire l'amour, c'est un problème très complexe d'un point de vue émotionnel".
Essai clinique ou pas, les laboratoires recrutent en ce moment des candidates en Australie et au Canada. J'ai indiqué à Paulette qu'il n'était pas question de voyager dans ces pays là pendant quelques mois.
Léon