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Le progrès existe, la preuve, il peut-être confisqué ou même gâché

La contemplation des hibiscus syriacus en fleur ainsi que des bignones laisse penser à une harmonie naturelle réglée par on se sait quel décret divin rendant efficace les assemblages moléculaire et la croissance cellulaire. De si beaux massifs, de si somptueuses fleurs aux contours si géométriques si réguliers et s’offrant au ravissement des yeux au service d’une sensibilité esthétique bien développée. Quel contraste avec l’art contemporain dont je ne reparlerai pas. C’est un peu de la saleté du monde qui s’affiche, révélant la laideur intérieure de l’homme moderne épris d’artifice avec des émotions déréglées. Ces jugements de valeur ne présentent guère d’intérêt sauf à glisser quelques signes permettant d’orienter une réflexion, en l’occurrence la mienne, ou plutôt une sorte de méditation estivale traçant quelques impressions sur un soleil couchant, celui de la civilisation crépusculaire en ce 21ème siècle parsemé de conflits et de crises sociales sans qu’on ne puisse croire en un retournement de situation à moyen terme.

Le progrès a fini par se retourner contre les individus, enfin pas tous. Le progrès ne vaut rien s’il n’est pas partagé par tous dit l’adage. Soyons réaliste, le progrès n’est efficace que s’il n’est pas partagé de manière équitable. Et puis merde, le progrès, c’est quoi au juste ? Chacun a son idée du progrès mais une définition rigoureuse risque d’être inaccessible, sauf en réduisant le progrès a l’augmentation des productions industrielles assorties d’une progression dans les capacités techniques des objets. C’est une définition a minima d’un progrès dans le sens matériel. Le progrès au niveau social, politique et spirituel, c’est autre chose, plus relatif et même parfois impalpable. Du coup, je vais faire une pause car mes neurones ne sont pas disposés à affronter un tel questionnement. Pourquoi le progrès et pourquoi ça foire ? Ouf, me voilà libéré, arpentant la piste cyclable traversant ce sinistre campus universitaire de Talence, avec ses bâtiments hideux et son atmosphère mortifiante, ainsi que de nouvelles constructions prêtes à abriter les grands programmes de technoscience qui pour moi n’ont pas vraiment d’intérêt pour le Progrès avec un P majuscule. Cette balade a rechargé d’adrénaline ma pensée qui s’est détournée du siècle pour revenir à d’autres époques.

I. Le progrès a pour principe l’idée que le futur sera de meilleure qualité que le présent, moyennant quelques cadres pour la réflexion et l’action. De Pétrarque à Erasme, de 1350 à 1550 environ, le rêve humaniste gagna les esprits éclairés de cette période que les historiens ont nommée Renaissance. Comme l’énonce Francisco Rico en conclusion de son étude sur le rêve humaniste, les idéaux de concorde et de fraternité agissante ont vite succombé sur les champs de bataille, dans les chancelleries, les conciles et les conciliabules de tous bords. Les études humanistes, lettrées, esthétiques, voulaient apporter des solutions aux maux de l’Europe chrétienne mais l’échec était au bout. Qui a saboté le rêve ? Les puissants, les princes, les dignitaires ? A moins que ce rêve n’ait été mal conçu, pas assez universel en dépit de son ancrage dans la chrétienté. Alors, la morale de cette histoire, c’est qu’il faut un rêve à la hauteur et bien ficelé pour propulser une ère de prospérité et progrès.

II. Deux siècles plus tard, après nombre de guerre entre royaumes et principautés, après le despotisme éclairé du grand siècle, un nouveau rêve surgit, censé être universel, celui de la raison. Si les hommes s’éclairent à la lumière de la raison, alors ils agiront de concert pour le progrès. Ces idées ont accompagné la Révolution, époque bien ambiguë de par ses acteurs duplices, ses intentions cachés, ses ressorts pas tous élucidés. Le rêve se retourne en cauchemar. La Terreur arrive, puis la reprise en main par un pouvoir militaire dirigé par Napoléon et la contre-révolution suivie par les doutes du romantisme. Alors, ces Lumières ? En admettant qu’elles aient été bien ficelées, ce qui n’est pas acquis, l’échec vient d’une réalisation qui elle, fut mal agencée, trop excessive, passionnée voire passionnelle. La morale, c’est que c’est bien de concevoir des utopies et des rêves de progrès mais le plus important, c’est de surveiller la réalisation. Alors une fois de plus, progrès saboté, voire confisqué ou même gâché. Une journaliste spécialisée dans l’éducation a même osé parler de nos enfants gâchés.

III. Passons maintenant à une autre époque qui vit émerger son cortège d’espérances et d’illusions avec la foi non plus dans la raison mais dans le progrès scientifique. Nous voilà à la Belle Epoque, quelque part entre 1889 et 1914, après l’exposition universelle de Paris avec sa tour de métal haute comme trois cathédrales et avant le déclenchement du suicide européen consumé dans les tranchées. La suite n’a pas été terrible. Après le démantèlement des deux grands empires de l’Est, un empire encore plus à l’Est s’est constitué autour d’un nouveau rêve, internationaliste, communiste et en Europe, les amertumes de la Grande Guerre ont été ruminées par une Allemagne en quête de revanche alors que les pays européens, France, Italie, Espagne, étaient déchirés par une guerre civile. Si la science a démultiplié les moyens pour le progrès matériel, social et humain, elle a aussi donné aux puissances de nuisance des capacités sans précédent.

IV. Faisons un point. Les utopies, les rêves de progrès, les idéologies progressistes peuvent être classés en deux catégories, si l’on exclut les options eschatologiques subordonnées à l’efficace divine. Il y a les progrès fondés sur le développement des sciences et techniques et ceux fondés sur le développement humain et l’action sociopolitique. Dans la première des catégories, nous trouvons le scientisme des années 1900, prolongement du positivisme de 1830, et nombre d’idéologies successives et sans doute de second ordre comme le rêve lié au nouvelles technologies à la fin du siècle précédent, ou maintenant les lubies basées sur le numérique, le transhumanisme et bien évidemment les options prises lors du protocole de Lisbonne avec l’économie de la connaissance. On ne sait pas trop si les acteurs politiques croient vraiment en ces utopies technologiques ou bien s’il ne s’agit que d’artifices et autres manipulations pour offrir à quelques secteurs des marges de progrès, traduire, des espérances de profit. La raison des Lumières et le marxisme ont représenté les utopies de la seconde catégorie, basées sur le sociopolitique et le développement humain. On pourrait y ajouter quelques spécialités locales comme le fouriérisme ou le mouvement hippy californien.

S’il y a eu une époque où le rêve de progrès était largement répandu et pas si mal engagé, c’est bien dans cette parenthèse enchantée située entre la fin des années 1960 et le début des années 1980. Avec deux temps forts en France, mai 68 et la nouvelle société, mai 81 et la nouvelle donne politique. Le dernier rêve de grande ampleur daté des seventies n’a pas résisté aux attaques menées par une caste politique et économique dont les décisions ont été facilitées par la complaisance des masses occidentales abreuvées de disco et autres friandises culturelles abêtissantes. Les conflits n’ont jamais cessé depuis la fin de la guerre froide et l’on se demande si une fois de plus, au 21ème siècle, le progrès n’est pas confisqué ou saboté et dans l’affirmative, on pourra peut-être trouver quelques responsables politiques qui ne sont jamais très loin des profiteurs. Le constat est net. Les revenus des plus riches ont augmenté depuis 10 ans alors que dans le même temps des millions de Français ont peu ou prou décroché du train économique.

Mais au final, cette interrogation sur le progrès parfois balayé, souvent gâché, n’a pas pour solution l’énigme de l’homme tenaillée entre son mauvais démon et son bon génie. Le progrès, il faut savoir le faire advenir et le reconnaître en l’appréciant pour ce qu’il est et ce qu’il n’est pas. Ne soyons pas dupes, la foi dans le progrès est achevée depuis 1990. Le rêve socialiste a été remplacé par l’agenda 21, sorte d’usine à gaz bureaucratique inventée en Europe, notamment par les membres de la société fabienne, ces écologues britanniques oeuvrant en sous-marin des Travaillistes. L’agenda 21 part du constat que le plus important est de préserver un développement stabilisé avec une rationalisation complète des moyens humains et technologiques. D’aucuns y voient une sorte d’éco-fascisme.

Le progrès n’est pas un rêve mais une réalité. Le rêve, c’est d’imaginer que ce progrès puisse être partagé et préservé de ceux qui le confisquent ou même le sabotent. C’est peut-être le seul enjeu politique en ce 21ème siècle. Une fois de plus instruisez-vous et si nécessaire, consultez les médias anti-système qui sont plus pertinents et répandus que vous ne le croyez.


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3 réactions à cet article    


  • herbe herbe 2 août 2013 12:01

    Bonjour,

    J’apprécie votre conclusion. 
    Pour rappel un de mes commentaires sur un de vos anciens article :
    Donc l’article intéressant à relire
    (Attention des fois le lien semble ne pas fonctionner, il faut insister. ..)

    • alinea Alinea 2 août 2013 14:50

      On ne pourra jamais s’entendre : pour l’un le progrès aujourd’hui serait un retour en arrière, une eau claire, un air pur, une terre vivante ; pour l’autre c’est plus de frites dans la barquette, pour le même prix !


      • L'enfoiré L’enfoiré 2 août 2013 19:04

        Encore une fois +1 pour l’article.

        Le progrès suit le flèche du temps.
        Même si les mathématiques ne permettent pas de prouver qu’on ne peut pas reculer dans le temps, elle va de l’avant.
        On ne refait jamais la même chose sans l’adapter.
        C’est l’homme et l’économiste qui cherchent des cycles. Le cycle de la Bourse qui d’après eux serait de sept ans.
        Rendez-vous en 2015, alors, pour constater sur pièce. smiley

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