Le « Ras-le-bol des écolos » de Maud Fontenoy
Les éditeurs imposent souvent aux auteurs les titres des livres, davantage en fonction de la stratégie commerciale que du respect des contenus. Est-ce le cas pour le dernier opuscule de Maud Fontenoy ? L’expression accrocheuse « ras-le-bol des écolos ». correspond mal au propos et au ton de l’ouvrage. Les amateurs de chicane politicienne seront déçus. Aucune figure de l’écologie patentée n’est prise nommément pour cible au fil de ces dix chapitres, et ne nous attendons à aucun renoncement de la part de celle qui traversa l’Atlantique à la rame.
N’est-ce pas, d’ailleurs, l’ancien président, agacé de constater le peu de reconnaissance des Verts après l’audacieux Grenelle de l’environnement, qui lâcha ce « ras-le-bol des écolos » ? Maud Fontenoy mentionne deux ou trois fois l’action positive de Nicolas Sarkozy en matière de lutte pour l’environnement, et elle ne peut, c’est vrai, retenir quelques phrases sévères à l’encontre des professionnels du parti écologiste : « Stop aux manœuvres politiques, aux dessous-de-table et autres accords trompe-l’œil pour s’assurer un siège, un poste ou une circonscription ! », « L’écologie politique n’est plus que le pâle reflet d’un mouvement utopiste qui jadis nous a fait rêver et qui aujourd’hui, vide d’idées nouvelles, tente de survivre en négociant avec la gauche. Comme si penser au bien-être des hommes en se préoccupant de préserver les ressources naturelles de notre planète était la seule affaire du socialisme. » Pas moins, pas plus pour la polémique. Tout le livre vise à rassembler chaleureusement, donner confiance aux bonnes volontés qui, loin du discours « alarmiste et culpabilisant », veulent réconcilier écologie et économie, prudence et progrès, vigilance et croissance, environnement et rentabilité.
Les dix chapitres passent en revue divers points d’ancrage de ce combat compliqué mais exaltant pour qui croit dans le génie inventif des hommes. Maud Fontenoy n’édulcore pas le constat. Oui « les océans dégueulent d’immondices », au point que se constitue comme « un septième continent » flottant de déchets (chapitre 1). Oui, « ça commence dans nos assiettes » (chapitre 2), où aboutissent des merlans bourrés d’antibiotiques et des fruits « mûris sous des lampes et que l’on a lustrés avec des vernis pour les rendre plus attractifs ». Oui, « la Terre possède deux poumons, ses forêts et ses océans, et ils sont tous les deux fragilisés » (chapitre 3). Non, le nucléaire « n’est pas à rejeter », cette technique évitant à la France d’émettre par an 360 millions de tonnes de CO2 dans l’air, pas plus qu’il ne faut proscrire en bloc la recherche sur les gaz de schiste, pendant qu’on encourage les diverses sources d’énergie renouvelables (chapitre 4). Oui, plutôt qu’une écologie politique encartée il faut une écologie infusant de partout la politique (chapitre 5). Oui, « tout se joue à l’école » (chapitre 6), par la sensibilisation des jeunes générations -à quoi l’auteur s’active avec sa fondation. Oui, les transports (chapitre 7) sont un point névralgique du combat contre la pollution. Non, la décroissance n’est pas la solution (chapitre 8), préférons-lui la « croissance réfléchie » et « l’économie circulaire » qui recycle et régénère. Oui, le littoral est en péril (chapitre 9) mais de belles initiatives montrent que sa préservation et sa régénération sont possibles. Et le dernier chapitre, aux allures de conclusion, multiplie les exemples encourageants d’initiatives déployées avec succès au service d’« une seule et même planète pour tous » : « Ce que nous avons à faire est faisable. Le défi à relever est passionnant. Soyons la génération qui changera la donne ».
C’est une femme de trente-sept ans, commodément classée à droite, qui s’exprime ainsi, mais à tout âge et de tout bord on peut lire utilement son petit livre de bonne foi, d’élan, de combativité et d’un optimisme fondé sur l’expérience charnelle du côtoiement des forces de la nature. Tout au long de l’ouvrage l’auteur a l’heureuse idée d’inscrire en contrepoint de ses démonstrations techniques l’écho lyrique de ses grandes heures de navigatrice, luttes, émerveillements, doutes, craintes aux prises avec « le Grand bleu ». Ces bribes de souvenirs rapportés en italiques confèrent au propos écologiste son poids de chair et de sang, et au discours de raison une profondeur poétique que n’aurait pas dé-savouée le Saint-Exupéry de Terre des hommes : « La lumière des étoiles tombe doucement. Je renverse la tête, me glisse dans le cockpit pour me laisser couvrir de ce voile scintillant. La voûte céleste forme une cloche interdisant au temps de filer. Une à une, des milliers de bougies s’allument au-dessus de moi, des milliers d’étoiles arrêtées dans l’espace, comme figées par le vent froid de ces mers du Sud. La nuit est vivante, palpitant au rythme de ces feux. Dans le sillage de mon voilier une coulée de diamants bruts apparaît. Le plancton phosphorescent, cette merveille de la nature, vient s’accorder au scintillement des astres. J’ai travaillé dur pour en arriver là, à cet instant de grâce délicat comme une bulle de savon. Certaines minutes valent l’existence. » Gageons qu’en ces instants précieux la jeune femme rend grâce aux parents singuliers qui l’embarquèrent fraîchement née et pour quinze années sur les mers : « C’était une vie sans téléphone, sans eau courante ni chauffage. La chasse sous-marine quotidienne nous nourrissait et les journées étaient rythmées par l’école par correspondance, les réparations à réaliser sur le bateau, la confection des vêtements et la découverte des îles. Mes deux frères et moi étions élevés sous le soleil, avec des poulpes et des langoustes dans nos assiettes. Formés à observer, respecter, protéger ce qui nous entourait, nous vivions simplement pour simplement continuer à vivre au cœur de cet environnement merveilleux. »
Vivre au cœur de l’émerveillement, c’est ce que Maud Fontenoy, sans naïveté mais sans sclérose sectaire, croit encore possible si nous savons nous battre en regardant l’avenir. Oui, en effet, avec elle l’écologie n’est plus une affaire d’ « écolos », c’est une histoire d’amour.
ARION
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