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Le régime de la garde à vue est partiellement contraire à la Constitution

C’est un doux euphémisme que de déclarer que la décision du Conseil constitutionnel rendue ce jour était énormément attendue aussi bien par les professionnels du droit que par le ministère de la justice.

Les sages ont en effet été saisi par le biais de différentes questions prioritaires de constitutionnalité afin qu’ils se prononcent sur la conformité à la Constitution du régime de garde à vue, y compris en matière de criminalité organisée.

Plus précisément, ils devaient contrôler les dispositions concernant le principe même du placement en garde à vue, la notification des droits, l’intervention de l’avocat et le régime dérogatoire applicable en cas de criminalité organisée.

En ce qui concerne ce dernier point, la réponse donnée est simple et rapide.
Les dispositions litigieuses ont déjà été examinées et déclarées conformes à la Constitution dans une décision du 2 mars 2004.
En l’absence de changement depuis, il n’y a pas lieu de procéder à un nouvel examen.

Il s’agit là d’une stricte application du droit puisque le Conseil constitutionnel ne peut être saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité relative à une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances.


En revanche, concernant le régime de droit commun de la garde à vue, la réponse est bien différente.

Le Conseil note tout d’abord que les dispositions en question n’ont été spécialement examinées dans la décision du 11 août 1993 relative à la loi qui instaura les règles actuelles concernant la garde à vue.

Il ajoute ensuite que, depuis cette décision, "certaines modifications des règles de la procédure pénale ainsi que des changements dans les conditions de sa mise en œuvre ont conduit à un recours de plus en plus fréquent à la garde à vue et modifié l’équilibre des pouvoirs et des droits fixés par le code de procédure pénale"

Il relève également que la mise en pratique des mesures, notamment la baisse du recours à l’instruction, a pour principale conséquence que "même dans des procédures portant sur des faits complexes ou particulièrement graves, une personne est désormais le plus souvent jugée sur la base des seuls éléments de preuve rassemblés avant l’expiration de sa garde à vue, en particulier sur les aveux qu’elle a pu faire pendant celle-ci ; que la garde à vue est ainsi souvent devenue la phase principale de constitution du dossier de la procédure en vue du jugement de la personne mise en cause"

Il affirme également que toutes ces évolutions "ont contribué à banaliser le recours à la garde à vue, y compris pour des infractions mineures ; qu’elles ont renforcé l’importance de la phase d’enquête policière dans la constitution des éléments sur le fondement desquels une personne mise en cause est jugée ; que plus de 790 000 mesures de garde à vue ont été décidées en 2009 ; que ces modifications des circonstances de droit et de fait justifient un réexamen de la constitutionnalité des dispositions contestées."

Les sages ont alors analysé chacun des griefs soulevés contre les textes en cause et ont conclu que "les articles 62, 63, 63-1, 63-4, alinéas 1er à 6, et 77 du code de procédure pénale n’instituent pas les garanties appropriées à l’utilisation qui est faite de la garde à vue compte tenu des évolutions précédemment rappelées ; qu’ainsi, la conciliation entre, d’une part, la prévention des atteintes à l’ordre public et la recherche des auteurs d’infractions et, d’autre part, l’exercice des libertés constitutionnellement garanties ne peut plus être regardée comme équilibrée ; que, par suite, ces dispositions méconnaissent les articles 9 et 16 de la Déclaration de 1789 et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; "

Autrement dit, c’est une grande partie des dispositions fixant le régime de droit commun (du principe même du placement jusqu’à la question de l’intervention de l’avocat en passant par les modalités de mise en oeuvre de la mesure) de la garde à vue qui viennent d’être déclaré inconstitutionnelles.
Le Conseil constitutionnel fonde sa décision sur la méconnaissance des textes examinés aux articles 9 et 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ; le premier garantissant la présomption d’innocence et le second prévoyant que "toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution."

Notons toutefois qu’en raison du fait que "l’abrogation immédiate des dispositions contestées méconnaîtrait les objectifs de prévention des atteintes à l’ordre public et de recherche des auteurs d’infractions et entraînerait des conséquences manifestement excessives, le Conseil reporte la date de l’abrogation au 1e juillet 2011 ;

ce délai, durant lequel les règles en vigueur continuent à s’appliquer, doit permettre au Parlement de choisir les modifications de la procédure pénale de nature à remédier à l’inconstitutionnalité constatée.

 

Ne restes donc plus qu’à attendre que les parlementaires se mettent au travail, se réunissent pour débattre un vote un nouveau texte afin de remplacer les dispositions actuellement en vigueur avant le 1e juillet 2011 ; en espérant que cette réforme ne soit pas également déclarée contraire à la Constitution.

 

 

Cet article est initialement publié là : http://0z.fr/DVazU


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4 réactions à cet article    


  • frugeky 14 août 2010 17:20

    C’est tout de même étonnant qu’avec un titre pareil et autant de personnes concernées par les gardes à vue il y ait si peu de personnes pour lire, noter, commenter.
    Les français sont des veaux.

    Il est encore plus surprenant que le conseil constitutionnel, jugeant l’inconstitutionnalité de la mesure par rapport aux droits de la personne, ait donné un délai aussi long, sous un prétexte, de maintien de l’ordre public alors que cette mesure va à l’encontre de l’ordre public en mettant sous le régime de la garde à vue des personnes qui n’ont rien à y faire.
    Les français sont des veaux !


    • celuiquichaussedu48 celuiquichaussedu48 14 août 2010 17:23

      En même temps regardez de qui est constitué ce conseil constitutionnel...


    • Catherine Segurane Catherine Segurane 14 août 2010 19:44

      Le régime de la garde à vue est surtout contraire aux idées perso des membres du Conseil Constitutionnel, qu’ils ont tendance à confondre avec la Constitution.


      • Annie 14 août 2010 22:16

        Je voudrai adresser à l’auteur un petit reproche. Il présume chez ses lecteurs une connaissance de la loi qui leur fait souvent défaut. Ou me fait défaut je veux bien l’avouer. L’article sur la diffamation était passionnant, mais j’ai dû faire des recherches sur internet pour tout comprendre. Pour celui-ci, c’est la même chose, je comprends plus ou moins la dérive, mais comme je ne connais mal la ligne de référence, il est difficile de l’apprécier à sa juste valeur. D’un autre côté, cela me gêne d’écrire cela, parce que vous êtes un auteur qui par la rigueur de vos arguments respectez vos lecteurs et ne les prenez pas pour des demeurés. Vos articles sont parmi les meilleurs sur AV.

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