Le RSA ou la naissance dans la douleur du petit frère du RMI
Le petit frère est prévu pour juillet 2009. Il tuera son grand frère, le RMI, et prendra sa place. Mais que de travail pour accoucher d’une réforme dont l’étendue a d’abord été réduite par une amputation importante du budget originel, pour un dispositif dont l’application est sans cesse différée. Dernière date connue : juillet 2009. Mais fallait-il vraiment supprimer le RMI ?
Le RSA ne diffère pas beaucoup du RMI qu’il remplacera. On retrouve pour les deux dispositifs les mêmes conditions d’accès, le même principe d’une allocation différentielle, le même suivi par un référent, la même notion de contrat d’insertion passé entre le bénéficiaire et le président du Conseil général. Beaucoup de points de ressemblance donc mais alors, pourquoi vouloir remplacer l’un par l’autre ? Pour de bonnes et de mauvaises raisons. Commençons par les mauvaises.
Pourquoi fallait-il supprimer le RMI ?
Eh bien sans doute pour des raisons purement idéologiques et électorales. Annoncé lors de la campagne présidentielle de Sarkozy où il était de bon ton de brandir la valeur travail et de stigmatiser les assistés qui ne cherchent pas activement de travail, le RSA avait pour but de botter le train des fainéants assistés qui ne prennent même plus la peine pour certains de s’inscrire comme demandeurs d’emploi. Tant il est vrai que notre économie regorge d’un trop-plein d’emploi ! Et tous les RMistes sont en état de convaincre un patron qu’ils sont employables, dynamiques et rentables !
Il s’agissait de se démarquer d’un dispositif instauré par les socialistes ! Pas d’essayer de créer quelque chose de meilleur ni de lutter contre les difficultés non encore réglées, mais de montrer du doigt l’autre camp, dans la logique du clivage bien français qui consiste à défaire, une fois élu, ce que l’autre camp a mis en place.
Bien sûr, d’un point de vue raisonnable, on pouvait se contenter de modifier quelque peu le RMI pour le rendre plus efficace et pour en raboter les défauts. Ainsi la proposition d’"activité universelle" figurant du programme du candidat Bayrou ne remettait-elle pas en question le RMI, mais prévoyait de le compléter et d’en corriger les défauts. Mais de simples modifications, cela n’aurait pas suffi pour assouvir le désir de revanche du camp libéral. Alors le RSA va remplacer le RMI. Le petit frère va cannibaliser le grand ! On prend l’argent et on le verse dans un pot nouveau.
Comment faire des économies sur le budget de lutte contre la pauvreté ?
Tout d’abord en procédant à des coupes claires dans le budget évalué en début de quinquennat à 3 milliards. Ce ne sera finalement qu’1,5 milliard supplémentaire. "Supplémentaire" car le RSA se substituant au RMI, à l’API et à la PPE, sera alimenté par les crédits actuellement affectés à ces aides. Rien de plus ! RSA ou bien R.A.S "rien à signaler" !
Puis, en rognant encore par la réaffectation des crédits de la PPE (Prime pour l’emploi). Même si les primes versées ne se justifiaient plus toujours par des critères sociaux, le principe est assez choquant et s’imposa arbitrairement.
En différant enfin l’application de la réforme. La date d’application, annoncée pour le 1er janvier 2009, par François Fillon (le 12 juin sur France 2) est différée au 1er juillet. Dans une optique comptable aussi car cela aura l’avantage d’atténuer l’impact budgétaire sur la première année en ralentissant la montée en charge.
Enfin les refus de s’inscrire comme demandeurs d’emplois sans "motifs légitimes" seront sanctionnés, à la discrétion des présidents de conseils généraux, par des radiations. Economies encore. Sur le principe, rien de choquant mais comment les situations individuelles seront-elles appréciées par certains départements (en particulier les plus libéraux) ? Quel contenu ces derniers donneront-ils à cette notion de "motifs légitimes" ?
Les bonnes raisons et quelques bonnes méthodes
Les méthodes ? Saluons d’abord la décentralisation décidée sous le gouvernement Raffarin. Il y avait en effet un paradoxe : le RMI est né après les lois de décentralisation et pourtant il restait géré par un Etat jacobin !
Saluons aussi le projet de réforme, adopté par le Sénat le 14 mai, et qui vise à faire des économies sans parti pris idéologique et sans nuire aux individus. Il s’agit de la proposition de loi du centriste Michel Mercier qui vise à renforcer les moyens à disposition des départements afin d’obtenir des CAF et caisse de MSA les informations permettant de vérifier des dépenses mises à leur charge et de procéder aux contrôles "que tout payer public doit exercer avant de mettre en liquidation une dette". Le contrôle est purement comptable. Cette mesure est saine et utile.
Pour les bonnes raisons, je vous renvoie à mon article "Le décalogue de Martin Hirsh" qui expose de façon neutre et très pédagogique les motivations officielles. Depuis la rédaction de cet article, Martin Hirsh est venu préciser quelques points. Ainsi, déclare-t-il, lors d’un chat sur le site internet du journal Le Monde, "la somme d’1,5 milliard ira à la fois vers les travailleurs pauvres, les salariés modestes et les allocataires des minima sociaux." On peut se réjouir de voir que les travailleurs pauvres ne seront pas oubliés, mais aussi s’inquiéter du partage de la maigre enveloppe entre toutes ces catégories. A propos de la durée du droit au RSA, Hirsh déclare que le RSA ne subira "Ni une date-couperet qui est le système actuel, où l’on cumule RMI et salaire pendant quelques mois avant de voir ses revenus chuter, ni un système à vie." Tout l’art du compromis de l’homme qui ne veut froisser aucun camp se résume là. La fin de la phrase est-il un clin d’œil à ses amis de l’UMP ?
A écouter les réactions des ténors de l’UMP, comme Devedjian par exemple stigmatisant l’assistanat qu’induirait selon lui le RSA (Martin Hirsh a désapprouvé ces propos), ou encore Serge Dassault récemment, on peut s’inquiéter sérieusement sur le devenir de ce beau décalogue qui pourrait se réduire sous peu à un catalogue de bonnes intentions.
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